Que pensez-vous de la gestion de la crise en France ?
Dominique Henriet : Les ouvertures de crédit sont un instrument parmi d’autres : mon coiffeur a un outil de travail, un capital, intact, des charges qui courent, il faut lui accorder du crédit pour qu’il puisse rouvrir son salon au moment du déconfinement. Mais dans l’esprit de ce que j’ai dit précédemment, au-delà de prêts garantis, il est nécessaire et prioritaire de mettre en place des aides directes, des compensations, sans contrepartie. C’est ce qui se passe en partie avec la prise en charge du chômage partiel.
Pour la sortie de crise faut-il renforcer l’offre ? Ou renforcer la demande ?
En 1929, les gens ayant peur du chômage ont épargné et il fallait de façon keynésienne relancer la demande.
Dominique Henriet
Dominique Henriet : Je pense que nous n’avons pas un problème de demande, contrairement à 1929, sauf si en sortie de crise les gens ont peur. En 1929, les gens ayant peur du chômage ont épargné et il fallait de façon keynésienne relancer la demande. La demande demeure, même si on peut imaginer que certains vont changer la structure de leur consommation, mais ils ne vont à mon avis, ni la restreindre, ni augmenter leur épargne. En revanche sur l’offre il y a des effets irréversibles : si une entreprise fait faillite, il y a un coût définitif, il faut donc des mesures spécifiques, ciblées, d’aide à la relance de l’activité
Faudra-t-il retrousser nos manches comme en 45, comme le demande le patronat ?
Dominique Henriet : Du point de vue idéologique, c’est contestable, cela donne l’impression que le patronat court après ses profits perdus ! C’est politiquement idiot. Les gens n’attendent qu’une chose, c’est de retourner au boulot.
Nous créons de la dette massivement, qui va payer ?
Dominique Henriet : La dette publique est permanente, tant que l’État trouve prêteur à bon taux, le problème est reporté dans le futur. Mais il y a des dettes plus ou moins soutenables, ce qui peut inquiéter les prêteurs. D’autre part, si l’on a créé trop de liquidités, on peut avoir un risque d’inflation.
On parle d’une sortie de crise en V en U en L, qu’en pensez-vous ?
Dominique Henriet : C’est une crise tellement atypique que je ne ferai pas de prospective. Les mécanismes actuels d’amortissement social de notre pays font que la sortie de crise pourrait être plus lente. Il y a des effets d’irréversibilité que l’on ne peut mesurer.
L’École centrale a dû passer en télé-enseignement. Comment avez-vous vécu ce bouleversement ?
Dominique Henriet : En deux semaines, nous avons changé toutes nos manières de faire de l’enseignement et l’on n’a pas mal réussi. Nous avons un millier d’étudiants, 300 environ par promo qui sont passés au numérique. Nous avons mis les moyens, les élèves sont actifs, il n’y a pas vraiment plus d’absentéisme que d’habitude. Nous devons simplement imaginer des solutions pour organiser des examens.
Il reste un problème important, tous les élèves n’ont pas le même accès au numérique, les étudiants étrangers confinés dans des cités universitaires vides sont à la peine, mais le reste fonctionne aussi bien que possible. Nous allons développer encore plus les outils numériques d’enseignement à distance.