La voiture électrique démarre en France et le leasing mis en place par le gouvernement en ce début d’année va-t-il accélérer le mouvement ? En Europe, dans le cadre du Pacte Vert dit Green Deal visant à être « le premier continent neutre pour le climat d’ici 2050 », l’interdiction des ventes de véhicules thermiques a été décidée pour 2035. En considérant que le parc automobile s’éteint naturellement en 15 ans, il ne devrait plus y avoir aucun véhicule thermique en circulation en 2050. Les ventes de véhicules électriques décollent en 2023, et leur part dépasse un quart du marché français en 2023 selon les statistiques au 1er janvier de PFA, la Plateforme automobile qui rassemble la filière automobile française.
Ceci en grande partie grâce aux aides à l’achat qui compensent partiellement le surcoût pour les automobilistes les plus aisés. Mais les autres ménages ? Selon l’analyse de réalisée par BNP Paribas Mobility, présentée publiquement en décembre, abordée par Gomet’ d’abord sous l’angle des Zones à Faible Emission et ici avec le prisme du pouvoir d’achat automobile, l’accès à l’automobile électrique risque d’être hors de portée pour de nombreux ménages. C’est pourquoi une nouvelle aide publique ciblée a été mise en place au 1er janvier 2024.
Mais l’automobile est de plus en plus difficile d’accès. L’effort à fournir pour acheter une voiture neuve est devenu impossible pour beaucoup. Depuis 2008, le prix des automobiles a augmenté plus rapidement que les revenus, et l’électrification amplifie le phénomène, car le prix des voitures électriques (hors aides) est très supérieur à celui des voitures thermiques.
Par exemple, une Peugeot 208 électrique apparaît plus de 83% plus chère que le modèle thermique. Dans la pratique, seuls les plus aisés peuvent s’offrir une voiture électrique : malgré les aides, les acheteurs sont concentrés dans les déciles de revenus supérieurs.
Selon un professionnel de la distribution automobile interrogé par Gomet’, « il est dans l’intérêt des consommateurs de louer leur véhicule électrique en leasing, à la fois pour des raisons financières, et pour ne pas prendre en charge le risque technologique éventuel, mais bénéficier des évolutions des modèles et du service.»
Une nouvelle aide gouvernementale : le leasing de la voiture électrique
A partir de 2024 est mise en place en France une aide pour louer (leasing en anglais) sa voiture électrique sous certaines conditions, notamment de revenus et de mobilité. Il s’agit d’une offre de leasing de véhicules électriques pour les ménages les plus modestes qui utilisent la voiture pour leur travail. Ce contrat ciblé, dont les mensualités oscillent entre moins de 100 € et 150 € pour les modèles familiaux, est sans apport initial du fait de la prise en charge du 1er loyer par la subvention.
Nous vous en indiquons plus bas les principales règles à connaître suite au décret publié au Journal officiel mi-décembre 2023 qui a annoncé sa création effective. « Le leasing à 100 euros par mois, je trouve cette mesure extrêmement pertinente » a estimé Jean-Marc Jancovici, associé fondateur de Carbone 4 et directeur de The Shift Project, spécialiste de l’énergie et du changement climatique, chez nos confrères de BFM TV dans l’émission Face à face le 2 janvier 2024. Ce spécialiste des énergies est pourtant souvent sévère sur l’insuffisance des mesures prises en faveur du climat.
Leasing de la voiture électrique : « premier arrivé, premier servi »
Attention ! En 2024, 20 000 véhicules environ seront disponibles au niveau national pour le leasing social selon les pouvoirs publics ; c’est donc la règle du « premier arrivé, premier servi » qui primera. C’est là que le bât blesse, car la demande risque fort de dépasser l’offre.
Selon les estimations de BNP Paribas Mobility, pour la seule métropole Aix Marseille Provence, déjà 317 000 voitures sont recensées Crit’Air 3 (c’est-à-dire les véhicules essence immatriculés entre 1997 et 2005 et les véhicules diesel immatriculés entre 2006 et 2010, véhicules exclus des Zones à Faibles Emissions, ce qui représente un peu plus de 30% du parc automobile de la métropole) et environ 600 000 pour la métropole Grand Paris.
L’aide au leasing est ainsi calibrée très ou trop prudemment, et ne pourrait intervenir en première année qu’au remplacement d’à peine 6% des véhicules susceptibles de devoir l’être dans notre seule métropole. Ce sont donc des offres privées de distributeurs automobiles et d’établissements financiers qui devront prendre le relais si la demande est confirmée.
De nombreuses offres sont déjà disponibles chez la plupart des constructeurs, distributeurs, financeurs, mais le seront-elles toujours une fois la prime épuisée et à quelles conditions ?
L’aide au leasing de voitures électriques ou le leasing social pour les automobilistes : principales règles à connaître
Le leasing, qu’est-ce que c’est ? Le leasing permet de bénéficier d’un véhicule sans devoir l’acheter, en payant des loyers mensuels appelées mensualités. L’aide permet deux formules : location avec option d’achat (LOA) ou location longue durée (LLD) : la LOA est un contrat de crédit qui offre la possibilité d’acheter le bien à la fin de la location, alors que la LLD est une simple location avec obligation de restitution.
Qui peut bénéficier de l’aide au leasing de voitures électriques en 2024 ? Pour bénéficier de cette aide, vous devez être majeur domicilié en France, prendre en location un véhicule pour une durée de trois ans ou plus avec un loueur de véhicules conventionné, à partir du 1er janvier 2024, et remplir :
- une condition de revenu : votre revenu fiscal de référence par part doit être inférieur ou égal à 15 400 € (cela représente environ 3300 € mensuels pour un couple avec enfant, et une personne seule rémunérée au SMIC est éligible ; consultez votre avis d’imposition 2023 sur vos revenus 2022).
- et une condition de mobilité : votre trajet effectué avec votre véhicule personnel entre votre domicile et votre lieu de travail est supérieur à 15 km ou bien vous faites plus de 8 000 km par an avec votre véhicule personnel pour votre activité professionnelle. Un simulateur est disponible sur le site Mon leasing électrique pour tester si vous avez droit à l’aide.
L’aide est elle cumulable ? Vous pouvez bénéficier de l’aide uniquement une fois tous les trois ans et deux fois maximum. Elle n’est pas cumulable avec deux aides pré-existantes : la prime à la conversion ni avec la prime au rétrofit électrique. Elle est cumulable avec le bonus écologique qui intervient dans le calcul du montant.
Quel est le montant de l’aide ? Pour un véhicule d’occasion, l‘aide au leasing de voitures électriques est fixée à 5 000 €, dans la limite de 16% du coût d’achat TTC du véhicule loué. Pour un véhicule neuf, le montant de l’aide est égal au plus petit des deux montants suivants : 13 000 € – montant maximal 2024 du bonus écologique pour une voiture électrique ou bien 16 % du coût d’achat TTC du véhicule loué + 8 000 € – montant maximal 2024 du bonus écologique. Neuf ou occasion, le montant de l’aide est augmenté du coût de la batterie si la batterie est prise en location.
Quel est le montant des loyers du leasing dela voiture électrique ? Le montant des loyers est fixé à 150 € TTC par mois au maximum, hors assurances obligatoires et prestations proposées par le loueur. Le loueur doit vous proposer au moins un modèle de voiture louée à 100 € TTC par mois, hors assurances obligatoires et prestations. Le 1er loyer majoré est augmenté du montant des aides de l’État (aide au leasing de voitures électriques et bonus écologique).Toutefois, le loueur conventionné vous fait l’avance du montant des aides de l’État. Ainsi, vous devez payer au maximum un loyer de 150 € par mois, hors assurances obligatoires et prestations. La demande de l’aide doit être formulée au plus tard dans les six mois suivant la date de versement du 1er loyer. Vous pouvez parcourir 12 000 km par an : si vous dépassez ce kilométrage, des frais peuvent s’ajouter.
Quels sont les véhicules éligibles au leasing de la voiture électrique ? Pour être éligible à l’aide au leasing de voitures électriques, la voiture électrique doit remplir toutes les conditions suivantes :
- Véhicule immatriculé en France, de catégorie officielle M1, c’est à dire un véhicule conçu pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, 8 places assises au maximum.
- Véhicule loué dans le cadre d’un contrat d’une durée de 3 ans ou plus avec un loueur de véhicules conventionné
- Utiliser l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux comme source exclusive d’énergie
- Masse du véhicule inférieure à 2 400 kg
- Coût d’acquisition du véhicule inférieur ou égal à 47 000 € TTC.
- De plus, le véhicule doit être une voiture neuve ayant obtenu un score environnemental (*) égal ou supérieur à 60 points,
- ou bien une voiture immatriculée depuis de moins de 3 ans et demi à la date de signature du contrat de location,
- ou encore une voiture dont le moteur thermique a été transformé en moteur électrique à batterie ou à pile à combustible par un professionnel habilité, depuis moins de 3 ans et demi.
Source : service.public.fr, décret n°2023-1183 du 14 décembre 2023
Le score environnemental
Être un véhicule électrique neuf ou récent ne suffit pas pour être éligible au leasing social comme au bonus écologique : un critère environnemental a également été précisé : les véhicules neufs éligibles au leasing social devront avoir un score environnemental minimal de 60. Un décret du 7 octobre 2023 annonçait la création de ce nouveau critère d’éligibilité pour les voitures électriques neuves, destiné à prendre en compte l’impact environnemental et climatique de la production et de l’acheminement du véhicule, puis un arrêté du 14 décembre 2023 a fixé la liste des versions de voitures particulières électriques ayant atteint le score environnemental minimal mentionné dans le Code de l’énergie. Pour bénéficier du bonus écologique, le véhicule doit désormais répondre à un score environnemental minimal et faire partie de la liste définie par l’Agence de la transition écologique (Ademe). « Nous allons arrêter de subventionner les véhicules électriques qui ont une mauvaise empreinte carbone”, avait indiqué en septembre 2023 le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, écologie et balance commerciale se rejoignant.
Les constructeurs chinois en embuscade
On se souvient que l’annonce par l’Europe de l’interdiction de ventes de véhicules thermiques avait inquiété les constructeurs : « la volonté de l’Europe de cesser de produire des véhicules thermiques en 2035 ne va rien arranger” (à la désindustrialisation), regrettait en 2022 Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs. Carlos Tavares, patron de Stellantis, avait indiqué mi 2023 que le passage à l’électrique était une “transformation très violente” pour le secteur automobile européen, sans craindre la date de 2035. Stellantis (avec Peugeot, Citroën, Fiat…) pèse 21 % du marché automobile français, qui reste dominé par le groupe Renault à 23 % en 2023 selon PFA. En matière de véhicules électriques, la France place en tête du podium des ventes les marques Tesla, Dacia, Fiat et Renault.
L’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles, ACEA, qui rassemble les 14 principaux constructeurs européens de voitures, de camions, de fourgonnettes et d’autobus, s’alarmait dans un rapport du 14 décembre 2023 de la domination de la Chine sur la chaîne d’approvisionnement et alertait que l’industrie européenne des véhicules électriques risquait de perdre du terrain. Non seulement la Chine est devenue leader de la batterie, puisqu’elle représente 60 % de la production mondiale, mais l’industrie automobile chinoise affiche une surcapacité de production, évaluée à un tiers par le cabinet PWC, propice aux exportations. Sa part dans les importations européennes a dépassé 16 % soit plus de 500 000 véhicules en 2022, en hausse de 20 %, selon la publication de l’ACEA mi 2023, alors qu’il s’agit d’un secteur industriel européen à balance excédentaire. Selon l’Observatoire automobile Cetelem, un tiers des Européens, 28 % des français et 26 % des provençaux seraient prêts à acquérir un véhicule chinois.
Dans le monde, le leader américain du véhicule électrique Tesla, qui a annoncé dès le 2 janvier 2024 avoir vendu 1,8 millions de véhicules électriques en 2023, en hausse de 38 %, est sous la menace du constructeur automobile chinois BYD (pour Build Your Dreams, construire vos rêves), qui a écoulé plus de 3 millions de modèles rechargeables en 2023, dont 1,6 million de 100 % électriques, et a même dépassé la marque d’Elon Musk sur le dernier trimestre, selon le Financial Times le 3 janvier, qualifiant « le chinois BYD de plus gros constructeur de véhicules électriques au monde” “China’s BYD as world’s biggest EV maker”.
Fondé en 1995, encore méconnu en France, BYD y est présent depuis 2023, et après le Salon de l’Automobile de Paris en février dernier, c’est à Aix-en-Provence qu’il a annoncé en juin lancer, avec le groupe Maurin, cinq modèles 100 % électriques pour ses débuts dans l’Hexagone.