La faiblesse de l’économie productive est-elle un handicap ou une assurance de pérennité de l’activité et de l’emploi ?
Les revenus captés et créés doivent ensuite être dépensés localement (économie présentielle) pour générer des emplois, induire de nouveaux revenus, attirer de nouvelles populations.
Aurélie Thomas
Aurélie Thomas : Le développement économique pérenne d’un territoire dépend de sa capacité à capter les flux de revenus (économie résidentielle) tout autant qu’à créer de la richesse (économie productive). Mais le processus de développement ne s’arrête pas là. Ces revenus captés et créés doivent ensuite être dépensés localement (économie présentielle) pour générer des emplois, induire de nouveaux revenus, attirer de nouvelles populations.
Il existe une synergie positive : les villes productives « marchent » mieux quand elles sont dotées d’un environnement géographique de bonne qualité résidentielle et ces environnements géographiques résidentiels se portent d’autant mieux que la grande ville est dynamique. Leurs destins productivo-résidentiels sont liés.
À noter, après avoir observé des reconversions de l’économie productive à l’économie présentielle, on peut faire l’hypothèse que l’économie présentielle pourrait à son tour générer de la production. Cette possibilité est développée dans le mouvement plus récent concernant « l’économie créative ». L’économie présentielle poserait les bases de la création d’une économie productive post-industrielle fondée sur la réponse aux besoins des présents là où ils sont au moment où ils le sont.
Comment se positionne le territoire métropolitain Aix Marseille Provence sur cette économie ?
Aurélie Thomas : Il existe deux approches pour appréhender le poids de l’économie présentielle sur un territoire :
- Par les revenus : La circulation de ces revenus impacte le niveau de vie des territoires. Seulement 10% de la masse salariale perçue par les habitants de la Métropole Aix Marseille Provence provient de salariés travaillant en dehors du territoire. En revanche, les personnes résidant en dehors d’AMP mais y travaillant, représentent une part importante de la masse salariale perçue pour certains EPCI. Au sein de la Métropole Aix Marseille Provence, à l’exception du Conseil de territoire Marseille Provence, la majorité des actifs travaille dans une commune hors du Conseil de territoire dans laquelle ils résident.
- Par les emplois : La majorité des emplois d’AMP appartient à la sphère présentielle (68 % des emplois en 2016), ce qui est également le cas pour tous les Conseils de territoire d’AMP. Au sein d’AMP et des Conseils de territoire, la répartition des emplois entre la sphère productive et la sphère présentielle a très peu évolué en 10 ans. La part de la sphère productive a même augmenté d’un point en 10 ans. Ceci s’explique par la mutation de l’économie productive vers l’économie de la connaissance depuis plus de 30 ans qui a changé radicalement la nature des fonctions exercées sur les territoires.
Par rapport aux autres grandes métropoles françaises, l’aire urbaine Marseille – Aix-en-Provence est celle dont la part des emplois de la sphère présentielle est la plus importante et ce dès 1975. L’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence affiche la part d’emploi salarié privé (ESP) dans l’économie présentielle la plus importante, à égalité avec Bordeaux (56 % en 2016).
Comme pour toutes les autres aires urbaines, l’activité présentielle qui compte le plus d’ESP, emploi salarié privé, est celle de la « Santé humaine et action sociale » pour laquelle l’aire urbaine Marseille Aix arrive en tête (12 %). À l’exception de Lyon, toutes les aires urbaines enregistrent leur plus forte croissance des emplois salariés privés de l’économie présentielle dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques (+42,9 % pour l’aire urbaine Marseille Aix) alors qu’elles continuent à ne représenter que 0,1 % des emplois salariés privés. Des emplois sont aussi en forte hausse dans le secteur de l’hébergement et restauration, puis la santé. Enfin, à l’instar des autres aires urbaines, elle perd des emplois salariés privés dans l’administration publique (- 18 %), et dans les activités de services administratifs et de soutien (- 14 %).
Comment pourrait-elle produire plus de valeur ?
Aurélie Thomas : Le surcroît de richesses et d’emplois découle d’une articulation efficace entre les deux faits générateurs (capter et faire circuler les revenus sur le territoire), afin de passer d’une attractivité économique et résidentielle à un développement de l’économie présentielle. Une stratégie de valorisation de l’économie présentielle consiste à porter l’attention sur les critères d’attractivité du territoire et à articuler cette politique d’attractivité résidentielle et/ou touristique à l’offre économique territoriale. La finalité étant d’amplifier les retombées économiques liées à la présence des revenus circulant sur le territoire.