De passage dans la cité phocéenne pour l’avant-première, au cinéma Les Variétés, de son nouveau film Chronique d’une liaison passagère, le réalisateur marseillais se confie à Gomet’. L’occasion de décortiquer l’intrigue de son film et d’évoquer également sa relation avec Marseille.
Dans vos films précédents les couples dits “légitimes” transgressent les conventions sociales et sont infidèles. Dans Chronique d’une liaison passagère vous déplacez davantage le curseur en mettant en scène un couple qui assume totalement l’infidélité, jusqu’à passer une sorte de “contrat du bon usage de la relation extra-conjugale”. Mais au fond il s’agit toujours de mettre le désir à l’épreuve de l’amour. Qu’en pensez-vous ?
Emmanuel Mouret : Ce qui est intéressant justement, c’est de ne pas avoir un regard trop moral sur la situation. Ce qui est intéressant dans les rendez-vous de ces deux amants, c’est qu’on n’est pas en permanence dans cette idée de transgression. Ce que je voudrais surtout dire, c’est qu’en fait, pour moi mes personnages ne sont pas infidèles. Ce qui m’intéresse, c’est justement leur fidélité, je vais m’expliquer : ce sont des personnages qui sont dans une sorte de conflit de fidélité.
Pour vivre en société, il s’agit de respecter des engagements, une sorte de fidélité, mais il s’agit aussi d’être honnête.
Emmanuel Mouret
C’est-à-dire qu’ils essayent à la fois d’être fidèles à leurs engagements et en même temps d’être fidèles à ce qu’ils ressentent, fidèles à leurs sentiments. Et ce sont deux injonctions qui correspondent à notre vie sociale aujourd’hui. Pour vivre en société, il s’agit de respecter des engagements, une sorte de fidélité, mais il s’agit aussi d’être honnête. Et être honnête, c’est être honnête avec ce qu’on ressent et, c’est difficilement conciliable.
Dans le film vous ne montrez pas les ébats amoureux, vous privilégiez le récit…
Emmanuel Mouret : Il y a deux choses. D’abord j’aimais bien cette idée – qu’ils disent d’ailleurs eux-mêmes dans le film – d’être un couple qui aime autant parler que faire l’amour. Ce qui m’intéresse, c’est leur complicité et puis ce qui m’intéresse en terme de cinéma c’est quand même le suspense. Quand on filme un couple qui fait l’amour, il n’y a pas beaucoup de suspense, on devient voyeur, sauf quand c’est Basic Instinct où l’on sait que l’un des deux risque de recevoir un pic de glace dans le dos. Je n’avais pas trop d’intérêt à ces scènes. Après venait la question du suspense : comment eux vivent cette relation, d’autant plus qu’elle se passe très bien et puis comment ils allaient s’adapter au fait que ça se passe plutôt très bien.
Dans vos films, ce sont souvent les femmes qui mènent l’intrigue et qui prennent les initiatives, les hommes sont plus dans la retenue. C’est le cas de Charlotte, pétillante, indépendante. D’ailleurs c’est elle qui entreprend Simon dès le début. C’est elle aussi, en tout cas on le suppose qui lui suggère de rencontrer Louise…
Emmanuel Mouret : Cela me plaisait. Là, ça tient peut-être mon tempérament qui fait qu’étant de nature quelqu’un de timide et de maladroit, cela m’est plus facile de faire des garçons un peu réservés. Paradoxalement quand j’écris pour des personnages féminins, c’est beaucoup plus facile, elles sont plus libres, entreprenantes, imaginatives, spirituelles. C’est quelque chose que je ne pourrais pas expliquer. On le retrouve aussi chez d’autres cinéastes ou d’autres dramaturges.
Le couple Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne dégage une véritable alchimie, comment avez-vous travaillé avec eux pendant la préparation et le tournage ?
Emmanuel Mouret : Cela a été long de trouver le couple parfait pour le film. Et cela s’est passé de façon très évidente et très simple entre eux. Je pense que ce qui a bien fonctionné, c’est qu’ils contrastent beaucoup avec des tempéraments très différents. En même temps, ils ont quelque chose en commun, c’est une grande fantaisie. Ce sont des acteurs qui sont très drôles et très touchants et je pense qu’on s’attache à leur fantaisie commune. Après dans le travail, ce sont des acteurs de haute voltige. Il y avait beaucoup de textes à apprendre, un rythme assez serré à tenir mais je n’avais pas vraiment de direction d’acteurs à faire, je n’avais que de la mise en scène.
La rencontre avec Louise (épatante Georgia Scalliet) était-elle dans le scénario original ?
Emmanuel Mouret : Oui et cela m’a semblé interessant de m’y atteler. Là encore c’était délicat de trouver une actrice pour qui on ait d’emblée une grande sympathie. Je voulais également que cette idée de plan à trois ait quelque chose dans lequel on puisse presque s’identifier. Que se soit assez simple.
Vous ne tournez plus à Marseille, depuis Changement d’adresse (2006) pour quelles raisons ?
Très vite à Marseille on est dans la nature au bord de la mer dans quelque chose de très aéré.
Emmanuel Mouret
Emmanuel Mouret : Marseille a une identité très forte. Dans nombre de mes histoires il y a une forme de transparence, les décors sont là mais sans une personnalité trop forte. Je dirais que Marseille c’est comme un personnage. L’autre chose, c’est la lumière à Marseille, la beauté de la nature, de la mer qui prendraient presque trop de place à l’image, je trouve. Je préfère qu’il y ait pour ces films, non pas quelque chose de triste, mais un cadre plus urbain. Très vite à Marseille on est dans la nature au bord de la mer dans quelque chose de très aéré. Je préfère que les personnages se trouvent dans un côté plus enfermé. C’est très intuitif. Marseille est peut-être pour moi un peu trop joyeuse pour ce genre d’histoire, elle prendrait trop de place par rapport à l’intériorité des personnages.
À propos, vous vivez toujours à Marseille et vous tournez à Paris, vous êtes un peu l’inverse de Robert Guédiguian …
Emmanuel Mouret (rit) : Exactement ! Je l’ai déjà dit à Robert
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