Eric Berton, le président d’Aix Marseille Université effectue cette semaine sa première rentrée en tant que président d’AMU. Il a pris début 2020 la tête de l’université métropolitaine qui demeure la première université francophone au monde avec 80 000 étudiants. Eric Berton nous a accordé un entretien à la veille (*) de cette rentrée universitaire tout à fait particulière cette année en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Voici aujourd’hui le premier volet de notre interview d’Eric Berton consacrée essentiellement à la rentrée universitaire. A lire demain, le volet concernant les priorités d’Eric Berton pour les prochains mois (lire le second volet de l’interview).
Comment s’annonce la rentrée universitaire ?
Eric Berton : Une précision d’abord. Je ne suis pas un adepte de l’université « ubérisée » pour reprendre le titre de l’une des dernières chroniques diffusées sur Gomet’. Pour moi, il est important de préserver le contact « en vrai, pas en numérique ». Donc, nous avons essayé de prévoir une rentrée la plus normale possible, en présentiel. Pour autant, nous sommes responsables et nous avons essayé de mettre en place des moyens numériques et vidéos si jamais il y avait la nécessité d’avoir une distance.
Quels sont ces moyens ?
Eric Berton : Nous avons répondu en juillet à un appel d’offre du ministère de l’enseignement supérieur sur l’hybridation des enseignements. Bizarrement nous n’avons pas été retenus. Je m’en suis d’ailleurs ouvert auprès de la ministre en trouvant cela scandaleux. Car nous sommes là dans un moment où il faut être pragmatique. Ce n’est pas l’heure pour inventer des « supers systèmes visio 3D et réalité virtuelle »… Nous devons donner aux étudiants des moyens d’apprendre, et la vidéo devient importante. Notre projet allait dans ce sens en proposant d’équiper tous les amphis de caméras pour pouvoir faire sur chaque cours des podcasts. Cela permettait à chaque étudiant de suivre, qu’il soit chez lui ou ailleurs, à l’étranger même, de suivre le cours en podcast, en direct ou en différé. Et l’Etat n’a visiblement pas trouvé cela suffisamment innovant. Nous allons donc chercher d’autres sources de financement pour ces équipements et en prendre une partie sur notre budget propre.
Quel est le calendrier de mise en œuvre ?
Eric Berton : Les premiers amphis seront équipés dès la fin septembre. Mais je souhaite que les étudiants qui sont victimes de la fracture numérique, et qui n’ont pas l’équipement pour suivre à distance, puissent venir assister au cours sur les sites en priorité. Cet accès à distance va permettre de mieux répondre aux besoins des étudiants, en particulier ceux qui sont bloqués à l’étranger. Nous rendons ainsi nos cours accessibles aux étudiants libanais touchés par la catastrophe du 4 août. Cette solidarité, nous la prévoyons avec d’autre pays comme avec l’Algérie par exemple.
Concernant l’hybridation des enseignements, au-delà de cette rentrée, quelle est votre vision à moyen long terme de l’évolution de l’université ?
Pour que l’université ne soit pas « ubérisée » il faut défendre la spécificité de chaque établissement
Eric Berton
Eric Berton : Pour que l’université ne soit pas « ubérisée » il faut défendre la spécificité de chaque établissement, la particularité de son enseignement. Ce ne n’est pas interchangeable. L’université c’est de l’enseignement mais c’est surtout de la culture. Celle-ci est liée à un environnement. Je trouve fondamental de conserver différentes universités, différents lieux, différentes régions… cette diversité fait aussi la force de chaque territoire. C’est donc important d’avoir une spécificité de l’enseignement d’Aix Marseille Université. Et cela ne se fait pas en distance. Il faut que les professeurs soient présents, il faut un échange avec les étudiants.
Quelles sont les mesures sanitaires mises en place en cette rentrée ?
Eric Berton : Nous avons mis en place un protocole déjà testé et éprouvé : masque obligatoire pour tous, gel hydro alcoolique et nettoyage dans les salles de cours, etc. L’ensemble des protocoles avec des fiches pratiques selon la situation de chacun est disponible sur notre site à la page suivante. Pour les enseignants qui interviennent en amphi et qui sont suffisamment éloignés des premiers rangs, nous proposons le remplacement du masque par une visière afin de pouvoir lire aussi l’expression du visage et d’améliorer la portée de la voix. On envisage également pour les personnels, au-delà des protocoles sanitaires, d’accélérer les pratiques en matière de télétravail.