Dans le cadre de la deuxième édition du Health Future Show qui s’est déroulée jeudi 30 novembre à l’Ecole centrale de Marseille, a eu lieu la restitution publique des travaux des Etats généraux de la santé 2017. Portés par l’association Interpro Santé, l’idée est d’apporter une réflexion sur l’amélioration du système de santé, à travers plusieurs groupes de travail.
Selon Interpro Santé, créée en 2012 à l’initiative de l’UPE 13, qui fédère l’ensemble des acteurs de la santé du territoire, la France est et doit rester un modèle mondial en matière de santé. Pour autant, en dépit du dynamisme de sa recherche et de la qualité de son offre de soin, elle n’est pas considérée comme un grand pays pour la santé publique. « Les États généraux ont démarré en 2015, il s’agit d’une démarche nationale avec un ancrage local, explique Roland Rizoulières, maître de conférence à l’IEP d’Aix-en-Provence, membre d’Interpro Santé et coordinateur de l’événement. Nous nous positionnons en think tank, pour améliorer les aspects organisationnels de la santé publique mais aussi porter une réflexion sur la mutation des systèmes de santé. »
Or, selon l’association, la réponse des pouvoirs publics à cette transformation n’est pas satisfaisante. « Il s’agit de bousculer tous les acteurs de la santé afin de travailler autrement », poursuit-il. Une mutation due notamment au poids du vieillissement, à l’importance des affections chroniques, à l’intérêt d’un exercice coordonné des soins, de la coopération entre professionnels, ainsi qu’à l’émergence de nouveaux outils numériques et la nécessité de modes de rémunération autres que le paiement à l’acte. « Nous nous basons sur des expériences de professionnels de santé de tous horizons, d’universitaires et de représentants d’usagers en mettant le doigt sur les modalités d’accompagnement du changement face à un système de santé inertiel. » Pendant un an, différents groupes de travail se sont formés et ont présenté leurs travaux sur des enjeux majeur en matière de santé.
– La télémédecine
L’article L6361-1 du Code de la santé publique la définit comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». En France, elle peine à décoller. Le Premier ministre a pourtant mis en avant les bienfaits de la télémédecine lors de la présentation de son plan de lutte contre les déserts médicaux, le 13 octobre. En septembre déjà, la Cour des comptes rappelait ses nombreux bénéfices : modernisation du système de santé, économies à travers la mise en place de la télésurveillance des patients, amélioration de la prise en charge des personnes vivant dans des territoires isolés ou en situation de détention. « Il ne s’agit pas d’une nouvelle médecine mais de nouveaux moyens d’amélioration de la pratique, permise grâce aux outils de communication », tient à rassurer André Petitet, médecin urgentiste et expert en télésanté du groupe Catel, un centre de ressources et d’expertise en e-santé. Après deux tentatives avortées, en 2014 et en 2016, la nomenclature de la Sécurité sociale prendra dès le 1er janvier en compte les actes de télémédecine. Mais la réussite de cette nouvelle pratique dépend de différents facteurs. « Les médecins doivent être convaincus, rappelle André Petitet. La télémédecine ne peut exister que si est mise en place une permanence informatique. » Autrement dit, un site internet sur lequel sont disponibles 24h sur 24 des médecins pour des consultations.
– Le modèle économique du maintien à domicile
L’enjeu est de taille : jusqu’en 2060, l’augmentation de la part des personnes de plus de 65 ans est en augmentation, de même que celle de l’espérance de vie et du niveau de perte d’autonomie. « Le modèle économique actuel des institutions accueillant des personnes âgées n’est plus viable, alerte Guillaume Lugagne, ex directeur d’établissement sanitaire et consultant. Il est fondé sur la ressource publique et l’apport personnel. Or, on observe une raréfaction des ressources couplée à une explosion du besoin. » Seule solution : améliorer le maintien à domicile. « Une offre structurée de prise en charge des personnes âgées à domicile ne peut s’envisager que dans le cadre d’un modèle différent », poursuit l’expert. Il s’agit donc de proposer une offre unique, plutôt que des modèles disparates, fédérant tous les acteurs de la santé et permettant d’offrir tous les services à domicile : toilette, ménage, courses, aide au repas, rendez-vous médicaux, garde de nuit. « Le porteur de l’offre serait un établissement sanitaire ou médico-social : c’est une occasion de valoriser les centres hospitaliers, continue Guillaume Lugagne. Il faut également que les pouvoirs publics comprennent que l’introduction d’investissements privés est nécessaire. »
– L’innovation
Le Centre d’innovation et d’usages en santé, membre de ce groupe de travail, est une association qui a vocation à accompagner l’innovation en faveur de la santé, de l’autonomie et du bien-être, par l’émergence de nouvelles solutions ou par l’identification de nouveaux usages appliqués à la santé de technologies existantes. Pour cela, il propose depuis 2010 aux porteurs de projets, industriels, professionnels de santé et scientifiques de les qualifier dans un environnement sanitaire et médico-social avec l’appui d’équipes expertes. Quatre plateformes thématiques sont mises à la disposition des porteurs de projets : habitat, fragilité, Ehpad et mémoire. Pour chacun d’eux, des innovations sont mises en place : habitat intelligent, design, serious games, connectivité, etc.
Le groupe Medeos, basé à la Penne-sur-Huveaune, propose, quant à lui, une solution de prise en charge des personnes âgées quel que soit le niveau de dépendance. « Nous disposons d’innovations technologiques comme des lèves-malades dans les chambres pourvues de treuil. Nous expérimentons également un système d’alerte avec des capteurs au sol qui avertissent le personnel soignant en cas de chute », explique Didier Germain. Le dirigeant de Medeos soulève également la question éthique : « Il faut être très attentif à ce que les innovations mises en place dans les Ehpad ne court-circuitent pas la liberté des personnes. L’amélioration de la prise en charge doit se faire sans croiser les problèmes éthiques. Les bracelets de géolocalisation par exemple, peuvent relever de la contention. Nous disposons d’une commission pour réfléchir à chaque innovation introduite dans nos locaux. »
– Les pratiques avancées chez les infirmiers
La loi de modernisation du système de santé de 2016 prévoit le rôle d’un infirmier de pratique avancée, intermédiaire entre le médecin et l’infirmier. Officialiser ce nouveau statut répond à plusieurs enjeux : répondre à une demande croissante d’accès aux soins, dans un contexte de démographie médicale en tension, proposer des carrières diversifiées et de nouvelles évolutions pour les infirmiers. Problème : les médecins freinent des quatre fers. « Au Royaume-Uni, les infirmiers opèrent seuls, avance Patrick Chamboredon, président de l’Ordre régional des infirmiers Paca. Il ne faut pas non plus brouiller le système mais l’infirmier est apte à prendre en charge des maladies chroniques par exemple. » Ce nouveau rôle supposerait un grade Master. Ça tombe bien : quatre formations se sont ouvertes cette année à AMU, à destination des infirmiers : parcours de soins complexes, gérontologie, cancérologie et urologie/néphrologie/transplantation. « Cependant, le titre existe, mais pas le modèle économique, et donc la rémunération qui va avec », regrette Patrick Camboredon.