Mouvement artistique né il y a une quinzaine d’années, la magie nouvelle ne cesse de s’étendre. Invité par la Biennale internationale des arts du cirque (Biac) et la Friche Belle de mai, Raphaël Navarro, l’un des initiateurs du mouvement, a réuni une dizaine d’artistes, célèbres ou en devenir. « À la croisée entre spectacle et arts plastiques, explique-il, l’exposition propose une ode festive et poétique à la magie dans ses diverses formes mais réaffirme aussi le magique comme une esthétique à part entière ». Et aux visiteurs de circuler entre différents espaces, des univers singuliers, tantôt plongés dans le noir, tantôt en pleine lumière, pour contempler et se laisser surprendre par quelques illusions d’optique, hologrammes ou lévitations.
Interférer notre perception du réel
Louis Debailleul, Nicolas Jargic, Gérard Bakner, Francis Tabary nous proposent, chacun à leur façon, de vivre ces sensations le temps que notre cerveau décode ce que nous voyons ou croyons voir. Pour Louis Debailleul, si la lumière est une composante intégrale de ses tableaux, elle est pourtant extérieure à la toile alors qu’elle semble en provenir. En prenant le temps de contempler l’œuvre, on assiste subtilement à la transformation de celle-ci tel un paysage en mouvement.
Face à la Zone d’ombre de Nicolas Jargic, on ne se doute pas de ce qu’elle cache mais en avançant, on découvre un premier plan et une arme qui nous braque pour « un hold-up de l’imaginaire ». Dans la lignée de l’Op art, Gérard Brakner célèbre le mouvement en transpose, lui, sous des grilles géométriques, une série de bustes du sculpteur Franz Xaver Messerschmidt qui prennent vie lorsque notre passage devant eux. Quant à Francis Tabary, pharmacien d’origine puis devenu un grand spécialiste de la magie des cordes multi-récompensé, il aime manipuler les mots et les objets pour nous amuser d’ambigrammes et de sculptures dites “impossibles”.
La fable du “Tricot de Denise”
L’installation que nous propose le magicien Rémi Lasvènes est particulièrement touchante car elle relate la double vie qu’a mené pendant plusieurs décennies la propre grand-mère de l’artiste. « Après chaque repas du dimanche midi, raconte Rémi Lasvènes, ma grand-mère nous disait : “Bon, je vous laisse, je vais faire mon tricot”. Et elle entrait dans son boudoir où personne n’allait. Sauf que nous n’avons jamais vu un seul tricot fabriqué de ses mains et qu’à son décès, nous avons découvert tout un pan de sa vie. » Denise semble avoir jouer l’intermédiaire secrète entre deux scientifiques : Thomas Jalabert, son frère, employé par le gouvernement de Grande-Bretagne et dont les travaux sur la lévitation sont encore classés secrets, et l’Autrichien Viktor, notamment contraint sous le IIIe Reich de développer un programme de recherches pour la fabrication d’une soucoupe volante. Un scénario que la compagnie Sans gravité met en scène à partir d’objets « irréels » retrouvés chez Denise.
Autres regards décalés et amusements poétiques
Avec En plein vol, Antoine Terrieux et Camille Vacher de la compagnie Blizzard Concept nous offrent six installations autour de l’utilisation du sèche-cheveux parmi lesquelles N.A.S.A fera rêver les enfants. Dans un tout autre style, cette même compagnie a mené un long travail de recherches et d’expérimentations pour nous livrer Neptunia, une véritable plante animée.
Enfin, l’exposition se poursuit jusque dans la tour de la Friche, plongée dans l’obscurité, pour découvrir les installations animées d’Étienne Saglio et celle, numérique et interactive, de la compagnie 14:20 avec Clément Debailleul et Raphaël Navarro. Chaque installation permet au public d’avoir des petites étoiles dans les yeux ; il ne faut pas s’en priver.
Informations pratiques :
> Traversée des apparences – du 12 janvier au 24 février 2019
> Friche Belle de mai – 41, rue Jobin, Marseille 3e – 4e étage de la tour + Panorama
> Du mercredi au vendredi, de 14h à 19h, samedi et dimanche à partir de 13h
> Tarifs : 5 € / 3 € / gratuit pour les -18 ans
> www.lafriche.org et www.biennale-cirque.com(crédit photos ©V.Savin)