La droite républicaine en perdition, a volé en éclats pour venir au secours de son héraut François Fillon, englué dans le “Penelope gate.” Il y a ceux qui souhaitent le voir renoncer, pour trouver dans l’urgence un plan B. Ceux qui veulent resserrer les rangs, coûte que coûte. Ceux encore qui instruisent un procès à la presse et, particulièrement, au Canard enchaîné, coupable à leur yeux, non pas de rapporter des faits, mais de les diffuser au mauvais moment. Ou bien d’être alimenté par des « officines » aux origines plus ou moins identifiées. Ce serait risible, s’il n’y avait derrière tout cela un enjeu majeur : la démocratie.
Notre confrère Christophe Nobili qui fait partie des investigateurs qui ont mis au jour le fonctionnement du cabinet parlementaire de Fillon, répond à Gomet’. C’est un grand connaisseur des affaires du Sud-Est, région où il a ses racines, et un spécialiste des médias.
Une fois de plus Le Canard est soupçonné de se faire le relais d’officines secrètes qui le manipuleraient… Un procès qui dure depuis plus d’un siècle. Comment réagit la rédaction ?
[pullquote]Fillon a été tenu au courant de la progression de notre enquête[/pullquote] Christophe Nobili : Elle est toujours aussi amusée par ce genre de fantasmes, qui ressurgissent à chaque fois qu’un homme politique est pris la main dans le sac et qu’il est incapable de répondre sur le fond d’une affaire. Dans le cas de Fillon et de ses partisans, c’est une manière classique de faire diversion : on attaque le journal plutôt que de s’attaquer au problème, à savoir le travail effectif de sa femme. Fillon est d’autant plus mal inspiré de parler d’officines qu’il a été tenu au courant de la progression de notre enquête depuis le premier papier sur sa société de 2F Conseil, puis sur son patrimoine et enfin sur son épouse. À chaque étape, nous lui avons posé un tas de questions et il nous a vu nous rapprocher du “cadavre qu’il planquait dans le placard.” Il a également pu constater qu’après son interview calamiteuse à TF1, où il a lui même donné des indications sur Penelope et leurs enfants, nous sommes repartis en enquête pour vérifier ses dires. Et je pense, par exemple, que s’il y avait eu quelques officines sarkozystes à la manœuvre comme l’a évoqué son camp, elles se seraient plutôt manifestées pendant la primaire, non ? Bref, il vaut mieux continuer à en rire…
Le Canard n’est pas en ligne, du coup avec le rythme hebdomadaire de ses révélations, on lui reproche de faire du « Penelope gate » un feuilleton. Que répondez-vous à ce soupçon ?
[pullquote]Aucun feuilleton, encore une fois, nous avons rebondi sur les propres déclarations de Fillon et de ses amis[/pullquote]C. N. Aucun feuilleton, encore une fois, nous avons rebondi sur les propres déclarations de Fillon et de ses amis. C’est comme dans l’affaire Gaymard. Nous avions l’histoire de l’appartement à 14 000 balles par mois payé par le contribuable, et rien d’autre. Seulement voilà que ce champion de Gaymard va au 20 heures de TF1 (décidément…) expliquer qu’il est un pauvre « fils de cordonnier »… Résultat : on se remet à bosser et on découvre qu’il a des tas de baraques et qu’il est “bourré d’oseille”, ça fait donc le journal de la semaine d’après, vous connaissez la suite… Et pour ce qui est d’Internet, c’est justement le fait d’être hebdomadaire qui nous permet de prendre le temps de ré-enquêter et de ne pas nous laisser embarquer dans l’hystérie collective.
La droite républicaine reproche au Canard d’avoir retenu, jusqu’à ce temps des présidentielles, les informations concernant Fillon, alors que, dit-elle, elles étaient connues depuis longtemps. Comment réagissez-vous à ces affirmations ?
[pullquote]La vérité, c’est que personne ne savait rien.[/pullquote] C. N. : S’ils elles avaient été connues depuis longtemps, vous pouvez faire confiance aux ennemis de Fillon, elles auraient été sorties depuis longtemps ! Notamment lorsqu’il était Premier ministre ou lorsqu’il a pointé le bout de son nez à la primaire de la droite. La vérité, c’est que personne ne savait rien. Et tout le monde a tout découvert dans « Le Canard », qui a lui-même découvert cette histoire de fada juste avant de la publier. Mais les gens qui comptaient voter pour ce monsieur qui vilipende l’assistanat, les gens payés à ne rien faire, qui veut supprimer 500 000 fonctionnaires qui ne travaillent pas à ses yeux et qui veut flinguer la sécu qui profite aux fainéants, devraient se réjouir : c’est toujours mieux de savoir, avant d’aller aux urnes, pour quel genre de bonhomme ils vont voter. Désormais, ils le savent : un homme qui dit tout ce qui précède, mais qui paie 830 000 euros bruts à sa femme sans qu’elle ne fasse rien, tout en bénéficiant, rassurez-vous, d’une excellente sécurité sociale… Magnifique, non ?
Propos recueillis par Hervé Nedelec