Avis aux amateurs de peinture ancienne, la proposition estivale du musée Granet, à Aix-en-Provence, est encore visible. Les toiles de David Hockney de la Tate Gallery ont laissé la place à la peinture napolitaine du Seicento issue de la collection de la fondation De Vito ; un grand écart dans l’histoire de l’art à l’image de la diversité des collections du musée comme aime le rappeler son directeur, Bruno Ely. D’autant que l’exposition Naples pour passion, qui se tient jusqu’au 29 octobre, donne l’occasion au musée de présenter quelques-uns de ses trésors aux côtés de ceux de la fondation De Vito.
Pour Guiseppe De Vito, collectionner pour étudier, étudier pour collectionner
Mais qui était Guiseppe De Vito, cet homme qui a réuni une soixantaine d’œuvres illustrant toutes les facettes du Siecento napolitain dont quarante sont présentées ici ? Ingénieur de formation, spécialisé dans les télécommunications, Guiseppe De Vito est né en 1924 dans les environs de Naples qu’il quitte assez tôt pour fonder sa société à Milan. Pris de passion pour la peinture napolitaine du Seicento, il commence à acquérir des œuvres dès la fin des années 60-70, avec des moyens plutôt modestes. « Des pièces aujourd’hui reconnues comme exceptionnelles, précise Pamela Grimaud, conservatrice au musée Granet et commissaire scientifique de l’exposition, alors que les collectionneurs étaient plutôt intéressés par l’art moderne ou contemporain. Son but était vraiment de les étudier, de les identifier tel un historien de l’art et, pour cela, il les a achetées et n’en a revendu aucune jusqu’en 2011, date à laquelle Margareth et Guiseppe de Vito créent leur fondation ». Aucune démarche spéculative, seul le besoin de participer à la recherche, lui qui « s’est toujours senti illégitime, n’étant pas historien de l’art mais doté d’une rigueur scientifique de par sa formation ». Et force est de constater aujourd’hui que l’ingénieur a développé un œil d’expert.
Clair-obscur, naturalisme, baroque… tout en virtuosité
Répartie en neuf séquences, Naples pour passion révèle les caractéristiques artistiques et la virtuosité de ces peintres. La visite démarre avec deux grands noms très influents et leur héritage : Caravage, qui y séjourna lors de son exil de Rome, et le peintre espagnol Jusepe de Ribera dont l’atelier était l’un des plus grands dans la ville. À cette époque, Naples appartient à la couronne espagnole et affiche un grand dynamisme économique et artistique faisant d’elle la troisième ville européenne, après Paris et Londres.
Belle découverte également avec celui dont l’identité fait toujours débat – le Maître de l’Annonce aux bergers – « qui a beaucoup passionné Guiseppe De Vito et dont il détient la plus grande collection d’œuvres privées » ; l’une d’elles fait l’affiche de l’exposition.
Naples, carrefour des influences
Au fil de la visite, on découvre de monumentaux portraits de saints, saintes et scènes religieuses signées Massimo Stanzione, Bernardo Cavallino ou Antonio De Bellis… Mais la Scène de charité avec trois enfants mendiants de Mattia Preti, certainement exécutée après la peste de 1656 qui marque douloureusement la ville, retient l’attention du visiteur, tout comme la Scène de taverne de Luca Giordiano, une toute autre ambiance inspirée des modèles nordiques.
Les natures mortes viennent clore cette découverte de la collection De Vito. Plusieurs dynasties de peintres vont s’atteler à faire de ce genre une spécialité de la peinture napolitaine du XVIIe siècle, parmi les Recco père et fils, Luca Forte ou Guiseppe Ruoppolo. Des premiers, on retiendra une Nature morte aux poissons, encore bien vivants, ou celle à la langue de bœuf, ou à la tête de veau « pour s’interroger sur le caractère transitoire de la vie. Quant à Guiseppe De Vito, il avait l’œil pour distinguer des personnalités artistiques qu’il a d’ailleurs collectionnées », conclut la conservatrice Pamela Grimaud
Un musée fier de sa collection
La venue de la collection De Vito est l’occasion d’exposer de manière inédite une partie du fonds du musée Granet sur le Seicento et de présenter dans les deux dernières salles de véritables trésors, restaurés spécialement à cette occasion. Un fonds très riche grâce aux donateurs du XIXe siècle dont le parlementaire aixois Bourguignon Fabregoule qui a ainsi offert au musée plus de 500 œuvres, dont 200 d’art italien. On retrouve notamment Mattia Pretti et deux de ses chefs d’œuvre – Sainte Marie-Madeleine ou l’immense Martyre de sainte Catherine – mais également des œuvres anonymes et bien d’autres qui feront l’objet d’une étude approfondie dans les mois à venir.
Liens utiles :
Naples pour passion, jusqu’au 29 octobre 2023
> Musée Granet – Place Saint-Jean de Malte – Aix-en-Provence
> Tarif plein 8€ / tarif réduit 6€ / gratuit pour les moins de 18 ans et les étudiants moins de 26 ans…
> Informations, programmation des animations et billetterie sur le site www.museegranet-aixenprovence.fr
Retrouvez une sélection des expositions de l’été 2023 dans notre supplément Eté et vacances
Le musée Granet dans les archives de Gomet’