Dans un courrier du 16 juin adressé à Martine Vassal, la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, le Préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, s’inquiète de la pénurie de logements neufs à venir sur le territoire. Selon les révélations du journal Marsactu, le représentant de l’État évoque l’insuffisance des constructions de logements pour répondre aux objectifs fixés par le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) voté en décembre 2019.
« Sur 2023, le carnet de commande est vide ou quasi-vide… ! » s’alarme Francis Vernède, le nouveau directeur de l’agence Provence Alpes Côte d’Azur de la fondation l’Abbé Pierre contacté par Gomet’. Le commandes sont à l’arrêt ou presque et ce malgré l’objectif de construire 3 500 logements neufs par an entre 2014 et 2030, soit 58 000 logements neufs au total selon le PLUI, le document référence en matière de construction et de protection du patrimoine foncier métropolitain.
Dans sa lettre, le préfet justifie son inquiétude, rappelant que l’Etat « estime qu’une ville doit renouveler 1% de son parc chaque année, uniquement pour satisfaire sa demande interne. » écrit l’édile. Si l’on suit cette logique, avec 400 000 résidences principales selon le dernier recensement de l’Insee en 2019, la ville devrait donc construire près de 4 000 logements neufs chaque année.« On est plutôt à 2 000 actuellement» précisait l’adjoint au Logement de Marseille,Patrick Amico, lors de la journée de l’immobilier le 30 juin.
La baisse des permis de construire depuis 2018
Au cours de cette même matinée, le directeur général de Bouygues Immobilier en Méditerranée, Patrick Alary, expliquait de son côté : « qu’il faudrait délivrer 8 000 permis de construire par an pour construire 4 000 logements neufs si l’on prend en compte les retards des chantiers et la hausse du coût des matières premières… »
Or, selon une étudesur le logement publiée en novembre 2020 de l’Agam (Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise), la Métropole a autorisé 3 245 permis pour le 1er semestre 2020 soit « près de moitié moins de logements autorisés par rapport au 1er semestre 2019 ». Ce document annonçait donc déjà une baisse de la construction de logements il y a deux ans : « un rythme de production en retrait pour les années à venir. »
La dynamique est la même pour Marseille. Selon l’institut Montaigne, les permis de construire de logements octroyés par la ville ont progressé de 2,4 % entre 2014 et 2018, avant de ralentir. « C’était la politique de Gaudin qui délivrait les permis de construire sans penser un urbanisme global de la ville, assumeFrancis Vernède, Mais ça s’est arrêté avec la nouvelle mandature qui préfère réhabiliter et faire du logement social. Malgré le manque de logements, on est en accord avec cette vision des choses. »
La ville de Marseille préfère réhabiliter…
Lors de cette 15e journée de l’immobilier, Mathilde Chaboche, l’adjointe à l’urbanisme de la ville de Marseille, assise en face des promoteurs et constructeurs immobiliers, ne cachait pas sa volonté de réhabiliter les logements existants, en particulier du centre-ville, plutôt que d’en construire de nouveaux. Pour l’élue, il faut limiter l’artificialisation des sols et la bétonisation du littoral car « le site naturel est extrêmement contraint entre la mer et les Calanques. »
Avec une pointe de provocation, Mathilde Chaboche lançait : « Je n’ai reçu que très peu de projets qui visent à la réhabilitation du centre-ville. » Invitant les professionnels à se former avant de se faire prendre les contrats par d’autres promoteurs spécialisés dans la réhabilitation, souvent plus onéreuse et contraignante. « Ça va devenir votre job, il faut y aller ! » encourage l’élue en soulignant l’avancée du Projet partenarial d’aménagement (PPA) signé avec la Métropole. Ce projet définit un périmètre d’intervention de 1 000 hectares, sur lequel 1 100 logements doivent être mis sur le marché en accession, accession aidé, locatif adapté ou locatif social, et 2 000 logements doivent être réhabilités.
… et densifier
La Ville comme la Métropole annoncent vouloir « densifier » les constructions de logements à venir plus que d’étaler. A noter que Marseille est la grande ville la plus étendue de France avec 240 km2, et la moins densifiée. La ville compte 3 625 habitants au km2, soit trois fois moins d’habitants au km2 que Lyon (10 000 hab./km2) et sept fois moins que Paris (20 000 hab./km2).
Mais Marseille est très inégalement densifiée. Les quartiers nord de la ville (Euromediterranée compris) concentrent davantage d’habitants et de constructions en cours, comme s’en désole le Préfet dans sa lettre : sur 1 712 logements produits, « 555 l’étaient sur le secteur d’Euroméditerranée.»
Dans sa démarche de densification, la ville de Marseille souhaite augmenter la part de logements sociaux en modifiant le PLUI. Mathilde Chaboche veut y inscrire l’obligation de produire 30% de logements sociaux pour toute opération immobilière de plus de 30 logements. Actuellement, cette obligation est valable pour toute opération immobilière de plus de 60 logements. Une réunion entre les services de la Métropole et des Villes est prévue à cet effet en septembre.
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