Je débutais dans ce métier. A Nice-Matin. Un ami propriétaire d’une plage restaurant à Saint Tropez, Félix, un ancien gendarme, m’appelait pour me signaler dans son établissement Michel Galabru, déjeunant avec son fils et son épouse. J’enfourchais ma moto et, mon appareil photo en bandoulière, fonçais à la rencontre de celui que j’avais déjà eu l’occasion d’entrevoir pendant un des nombreux tournages du Gendarme de Saint-Tropez.
Il y avait à Tahiti-plage une centaine de convives, profitant de la terrasse ensoleillée de ce coin de paradis du bout de la presqu’île. Je ne fus pas déçu par l’artiste. Alors que je me frayais un passage vers lui, ce solide gaillard se levait et s’adressant au jeune journaliste que je m’efforçais d’être, prit l’assemblée rigolarde à témoin. « Eh bien voilà, il y a Mesrine qui court partout en France et on vient me chercher à moi, c’est quand même malheureux… » Tout le monde se marrait et moi mon casque à la main je suais sang, en attendant l’encre. Il me tendit une main de paysan et me fit assoir en me présentant son épouse. Puis son fils. « C’est mon fils j’essaie de le lui faire apprendre le piano mais il est nul, vraiment nuuuuuul ! »
[pullquote]« Désolé mais j’ai toujours été une bruuute »[/pullquote] Moi, gêné je regardais l’ado qui ne bronchait pas devant les sarcasmes de son père, puis l’épouse qui riait sous cape. Rire alors de l’acteur pour signifier que tout ça n’était pas sérieux. Puis soupir, long très long. « Alors qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? » L’interview fut courte. Quelques questions pendant que le comédien se régalait d’une friture engloutie sous de grandes rasades de rosé de Ramatuelle. L’arme absolue, le tibouren qui affiche 13,5° à l’ombre.
Vint l’heure de faire une photo. « Alors vous me voyez comment jeune homme, me lançait ce Pantagruel du rire, debout, assis, couché… » Il avise alors un jeune musicien qui fait le tour des tables avec son violon. Lui réclame l’instrument. Et s’improvise, sous la mitraille de mon Canon, tzigane. Il casse une corde. Rend l’instrument à son propriétaire. « Désolé mais j’ai toujours été une bruuute ». Le lendemain, il faisait la Une de mon journal. Depuis ce jour j’ai su que Galabru était énoooooorme. Salut l’artiste.