L’église catholique pleure chaque jour ses ouailles disparues et ses lieux de culte désertés. Pourtant ce dimanche, sur les hauteurs de Vauban, il y avait plus de monde sur le parvis de l’église que dans le bureau de vote qu’abrite, à deux pas, l’école primaire. La République avait cependant bien fait les choses, avec des masques et du gel hydroalcoolique pour ceux qui auraient oublié que la Covid est toujours là. Il en aurait fallu sans doute beaucoup plus pour inciter les citoyens à se rendre aux urnes. Ils ont, malgré un ciel voilé, préféré l’escapade dominicale, prenant le risque de participer à un naufrage démocratique, qui a surpris les politiques, les sondeurs et les observateurs bien informés, comme aurait pu le dire Coluche.
Les chiffres révèlent plus qu’un divorce. Ils attestent d’un désastre et valident cette idée, répandue sur nos ronds-points par les gilets jaunes et scandée comme une litanie par la France Insoumise, que le régime de la Vème République n’est plus légitime et qu’il n’est que temps de tourner la page. Concrètement et même si les régions du Sud sont plus civiques lors de ce scrutin que celles du Nord, ce sont deux électeurs sur trois qui ont boudé les isoloirs prenant le risque d’avoir à commenter le lendemain, ce qu’ils n’avaient pas choisi la veille.
Ce constat fait, il serait hasardeux de considérer que ces élections (régionales et cantonales) sont une photographie fidèle de l’opinion publique provençale, bucco rhodanienne ou encore marseillaise. Une mise au point s’impose dans les jours et les semaines à venir pour sortir du flou dans lequel nous plongent les résultats de ce 20 juin, inédit autant que singulier. Anticiper ce que sera dans un an, par exemple, l’élection présidentielle serait imprudent, car au-delà de la péripétie électorale qu’on vient de vivre, il y aura un retour aux réalités du moment : la crise sanitaire, les crises sociales et économiques à venir, la crise de confiance enfin. Alors la tâche sera comme l’avait dit en d’autres circonstances Albert Camus, « d’empêcher que le monde se défasse ».
Muselier devra rassembler très au-delà de son camp, car on peut imaginer que les électeurs d’En Marche l’ont rejoint dès ce premier tour.
Hervé Nedelec
Les faits étant têtus, on reviendra sur ceux que nous livre le présent immédiat. Renaud Muselier (LR) se félicite du sursaut qui a vu les sondages, qui le donnaient distancé par Thierry Mariani (RN), battus en brèche par le verdict des urnes. Il talonne désormais celui qui fut un temps son compagnon de route, mais qui n’a pas encore pris un aller simple pour Damas, où l’attend son ami dictateur syrien. Muselier devra rassembler très au-delà de son camp, car on peut imaginer que les électeurs d’En Marche l’ont rejoint dès ce premier tour. Il aura à mesurer les conséquences des postures toxiques des Guy Teissier, Valérie Boyer et autres Eric Ciotti, qui n’ont pas hésité à déjeuner avec le diable avec leurs petites cuillères, pour paraphraser la phrase de Raymond Barre. Leurs retournements de contorsionnistes, à la manière du député Julien Aubert dans le Vaucluse, peuvent en revanche intéresser les cirques à la recherche de nouveaux numéros, mais auront du mal à convaincre les électeurs séduits par une droite dure. Muselier peut sans doute compter sur un vote utile des modérés, qui ont du mal à décoder les tergiversations d’une gauche moribonde, aux derniers souffles peu glorieux.
Félizia : une audace inattendue qui a fait frissonner d’effroi ce dimanche les états majors parisiens
Hervé Nedelec
Représentés par l’écologiste Jean-Laurent Félizia, les lambeaux restants du PS et du PC ont décidé de se maintenir, sous réserve que le score obtenu par Muselier soit suffisant pour éviter à la région une gouvernance de Mariani. Voilà une audace inattendue qui a fait frissonner d’effroi ce dimanche les états majors parisiens, de ces partis malades, dirigés par des leaders au charisme en berne. Félizia, qui a un humour très particulier, parlait lui de « reconstruction ». Il a jusqu’à mardi pour confirmer ou infirmer son choix et prouver, définitivement ou non, que la gauche provençale n’est désormais présente que dans les livres d’Histoire ancienne.
On imagine qu’au Pontet, citadelle frontiste où Mariani commentait ses exploits, on a pleuré de reconnaissance devant les écrans. Le transfuge des Républicains, passé représentant de Marine Le Pen, s’est bien gardé de fustiger, comme le fit devant les caméras sa patronne, son électorat. Car il compte bien puiser dans ce réservoir d’abstentionnistes, pour assoir définitivement, si ce n’est ses idées au moins son pouvoir, dans le siège qu’il convoite depuis plusieurs semaines. Dans un raccourci saisissant il a réduit Muselier à un « candidat de Macron ». Comme si l’adversaire à terrasser n’était pas le président sortant de la région, mais le président en exercice à l’Elysée.
Pour le second tour, une fois encore, la Région sera au centre de toutes les spéculations, les supputations, les paris. La droite républicaine a un rendez-vous décisif avec sa propre histoire. La gauche n’a plus que son honneur à sauver. L’extrême droite, comme le croquemort dans les Lucky Luke attend à l’entrée du village, le mètre à la main.