Les héritiers tombent, avant le partage
Renaud Muselier fut le premier à tomber. D’aucuns l’avaient vu « trop tôt, trop beau », comme on dit ici. Il était l’héritier légitime de Jean-Claude Gaudin. Et puis il entra en disgrâce, sans qu’on ne sache vraiment quand cette pente fatale avait commencé. Il y eut aussi Yves Moraine, mais la « macronie » et sa génération spontanée de députés eurent raison de lui. On avait aussi un peu vite parié sur Dominique Tian et là, c’est une méchante affaire d’argent soustrait à l’imposition, qui vient briser la trajectoire du toujours Premier adjoint du maire de Marseille. Le procureur de la République vient de réclamer une lourde sanction financière en correctionnelle, mais surtout une peine d’inéligibilité de cinq ans. On le voit, il ne fait pas bon être trop près du trône de Gaudin. Dans sa défense jugée peu convaincante par les observateurs, Tian a fait valoir que si les faits qu’on lui reproche aujourd’hui avaient été révélés en 2014, il y aurait eu une véritable guerre dans son camp. Faut-il comprendre que cette majorité municipale ne tient pas à grand-chose et que le débat des egos y est plus vif que celui des idées ? Quelques Tartuffe feindront l’étonnement chez les Républicains. A moins qu’ils ne regardent en face l’histoire récente et le quotidien de leur parti, où les hommes et les femmes sont plus prompts à s’assassiner, qu’à fourbir les arguments de fond qui feraient la différence dans les urnes.
Le Ciot dans le vide…
Jean-David Ciot veut assumer ses responsabilités de Premier secrétaire fédéral jusqu’au congrès du PS, qui devrait avoir lieu en avril. Il ne conteste pas en revanche qu’une page est tournée et qu’il doit, à l’instar des autres caciques socialistes, s’éclipser. Il laissera la place à ce qui reste de leaders dynamiques à un parti moribond. Les Benoit Payan (Marseille) ou Loïc Gachon (Vitrolles) trépignent déjà à l’idée de voir les Henry Jibrayel, Patrick Mennucci, Samia Ghali, leur ouvrir un espace qu’ils ont trop longtemps, à leurs yeux, saturé. Quelques autres, comme Frédéric Vigouroux (Miramas), temporisent pour sauver ce qui peut l’être encore. Enfin, ceux qui connaissent un peu le fonctionnement du PS dans les Bouches-du-Rhône, savent que vouloir ici et maintenant bousculer le passé et liquider le passif, est un pari risqué. Ceux qui ont incarné le PS bucco-rhodanien, jusqu’au double naufrage de la présidentielle, agrégeaient les dernières troupes militantes de ce qui fut la deuxième plus puissante fédération socialiste de l’Hexagone. S’ils se mettent en retrait, leurs derniers fidèles le feront aussi. Or en dehors des caisses, qui sont vides, ce sont les sections qui ont subi une hémorragie sans précédent. François Mitterrand du haut de sa sagesse s’amusait ainsi « dans les meetings, jadis, j’expliquais que 2 x 2 égale parfois 5. Quelquefois, lorsqu’on se trompe, ça peut faire 3. » Les plus radicaux des socialistes devraient réviser leur algèbre.
Le FN et le néocolonialisme
Lorsqu’on connait un peu l’histoire du Front National et du noyau dur qui l’a fondé, c’est assez savoureux de voir ses jeunes élus venir aujourd’hui dénoncer l’attitude du président Emmanuel Macron en Afrique, et particulièrement au Burkina Fasso. En cause, la manière dont le président français se serait moqué de son homologue burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, lors de ses échanges avec les étudiants africains. Si les autorités burkinabés n’en ont pas fait un motif de contentieux, la marseillaise Eléonore Bez, conseillère régionale FN, y voit, elle, une attitude méprisante. On peut s’amuser de constater que le FN et les Insoumis se sont retrouvés pour le coup sur la même ligne. On attend désormais avec impatience la position de Mme Bez sur les agissements et les propos de l’Action Française à Marseille ; la condamnation de ceux qui continuent à penser que l’Algérie aurait dû rester française et se réfèrent à Jean Bastien- Thiry ; et pourquoi pas un geste fort à l’adresse des immigrés africains condamnés par des passeurs sans scrupule à l’esclavage en Libye. A moins qu’elle n’ait l’indignation à géométrie variable.
Castaner-Mélenchon : l’avant-match ?
L’un, comme l’autre, démentent. Ils ne sont pas candidats à la mairie de Marseille. A voir comment ils se sont écharpés au micro de Léa Salamé, on pourrait penser le contraire. Christophe Castaner, ministre des Relations avec le parlement, a de fait une certaine légitimité si ce n’est dans la ville, au moins dans la région. L’ancien maire de Forcalquier sait par ailleurs, depuis son parcours du combattant aux dernières régionales, distinguer le bon grain de l’ivraie dans cette ville où les alliés ne sont pas forcément des amis et les adversaires pas forcément des ennemis. Jean-Luc Mélenchon, depuis sa chambre du Vieux-Port, n’a qu’à se pencher pour voir sur sa droite la mairie, où son ancien collègue du Sénat, Jean-Claude Gaudin, l’a fort civilement reçu, avant sa conquête d’un siège de député de Marseille. La deuxième ville de France vaut bien une messe. Et puis cette cité grecque aime beaucoup les jeux du cirque politique. Bon, il reste à l’un et à l’autre à tirer de bonnes cartes pour entrer dans le jeu marseillais. On dit que Castaner fut dans sa jeunesse un adepte du poker. Ce peut être un atout, sauf qu’à Marseille, c’est surtout la Contrée qu’on pratique.
Ça fait du bien…
Un bonheur ne vient jamais seul. A la sortie d’une école, j’ai entendu deux quadras marseillais évoquer, cette semaine, la victoire de l’OM à Metz et du coup la deuxième place acquise au classement. L’un d’eux a conclu « en tout cas ça fait du bien ! » Eh oui tout est là, le bonheur est dans le pré ou, pour le moins, autour de ce rectangle vert où quelques bonhommes en short vont et viennent pour faire entrer un ballon dans des filets. A Marseille, plus qu’ailleurs, c’est mieux que tous les remèdes. Un OM qui gagne et c’est la ville qui va mieux. Cela doit être du reste valable bien au-delà, puisque le président Macron n’hésite jamais à citer son club fétiche, comme il l’a encore fait devant les Africains qui l’accueillaient. Bernard Tapie, lui, va plus loin encore puisqu’il a confié à France 2 que pour lutter contre son cancer, sa meilleure chimio avait été l’hommage des supporters marseillais. Ainsi vont les villes qui souffrent. Un peu de rêve et cela va mieux. Un des héros de Robert Guédiguian – qui est à nouveau à l’écran avec un film épatant « La Villa » – lâche, dans le cultissime Marius et Jeannette, cette réplique impeccable, à propos de l’OM : « quand ils perdent, j’ai mal aux jambes ». Oui, l’OM pour les Marseillais, c’est le pied.
L’école qui fait rêver
Elle prend en charge les élèves, de l’école primaire au lycée, en passant par le collège. L’institution s’appelle Sainte-Trinité, et à l’heure où l’on déplore que des enfants des quartiers défavorisés de Marseille subissent des températures de 14°C en classe, la publicité de cet établissement privé fait rêver. Elle s’étale sur plusieurs dizaines de mètres, avenue Delattre de Tassigny, et on peut la lire à l’heure des bouchons qui sont constants dans ce quartier. On apprend que les enfants et adolescents bénéficient d’un environnement exceptionnel, de l’apprentissage renforcé des langues, des échanges internationaux et tout cela sous « le regard bienveillant de la communauté religieuse ». Bon, on ne découvre pas à Marseille que l’enseignement privé fait figure de privilégié, mais tout de même, tant d’atouts affichés aux yeux de tous dans le neuvième arrondissement, cela a de quoi interpeller les défenseurs de l’enseignement public. Cerises sur le gâteau, on assure que les effectifs ne dépassent jamais les 25-26 élèves au collège, et que le taux de réussite au bac dépasse, dans toutes les sections du lycée, allègrement les 90%. L’histoire de ce bel établissement nous rappelle que lorsqu’il fut fondé en 1876 par les sœurs trinitaires, ce fut au bénéfice des jeunes filles pauvres de Mazargues. Depuis ses effectifs sont plus riches.