Jusqu’à la lie ou l’halali ?
Les troubles qui bousculent le quotidien tranquille de la France, ne parviennent pas à masquer les eaux troubles qui submergent Marseille. Les élus compromis dans le sinistre dossier de l’habitat indigne, tombent semaine après semaine au champ du déshonneur. Certains, comme l’a démontré, avec des images qui glacent d’effroi le dernier « Envoyé Spécial » (France 2), persistent et signent, dans un déni, aussi insensé que misérable. La majorité se rétracte et préfère battre en retraite, en zappant le conseil municipal, plutôt que d’affronter la colère de ceux qui, depuis le 5 novembre, tambourinent à sa porte. Jean-Claude Gaudin ne s’exprime plus que par communiqués laconiques, entouré des derniers fidèles qui cherchent l’échappatoire, par laquelle ils pourront se dérober. Les Ponce Pilate se multiplient comme mauvais pain, et feignent de découvrir, ce qu’ils ont contribué à enkyster dans le pays réel marseillais. On pense notamment à ces maires de la métropole, qui refusent obstinément d’appliquer la loi SRU et de proposer un habitat social suffisant. Ils disent tout bas, ce que les Aixois, par exemple, ont dit longtemps tout haut, « que Marseille garde ses pauvres ! ». Il sera difficile, dans les mois à venir d’échapper, après les polémiques, les sanctions judiciaires, les recommandations fermes de l’Etat, à un débat sur le fond. Depuis des lustres, le personnel politique, de gauche comme de droite, a été convaincu que la calculette électorale était le seul sésame pour gouverner. Le clientélisme a sévi dans tous les camps, les uns accusant les autres d’avoir commencé. L’avenir de la ville s’est joué dans quelques salons cossus de la capitale, entre spéculateurs immobiliers, grands groupes et les tenants d’une vision euroméditerranéenne, qui n’avait pas réellement de réalité géopolitique. Aujourd’hui, on assiste à un retour sur l’absence d’investissement dans les domaines sociaux, écologiques, sanitaires, culturels, éducatifs… la liste est sans fin. Marseille s’est réveillée avec un mal au centre, violent. Ce n’est pas d’un plan Marshall dont elle a besoin en priorité, mais d’une révolution de son logiciel. Au moins.
Panne sèche pour les communicants
On ne sait si c’est une singularité française mais, au moins depuis l’avènement de la Ve République, nos monarques républicains ont toujours eu la tentation de s’entourer de journalistes. Soit qu’ils aient eu besoin, à leur portée, d’un miroir complaisant et de plumes thuriféraires. Soit qu’ils recherchaient le moyen de s’adresser au peuple, en s’inspirant des techniques de la communication et de l’information. De Gaulle a eu son Michel Droit, Giscard son Michel Bassi ; Mitterrand sa Anne Sinclair ou son Ivan Levaï. Chirac… liste privée non exhaustive. Les autres Sarkozy, Hollande et Macron ont suivi. A Marseille ce ne sont pas un, mais des journalistes, que Jean-Claude Gaudin a recruté. Ils étaient chargés de faire pression, avec plus ou moins d’élégance, sur les médias locaux, d’écrire son hagiographie, de dispenser la parole municipale urbi et orbi. Tous ces excellents confrères n’ont, vraisemblablement, pas lu Dominique Wolton, si l’on se réfère aux résultats obtenus. Le chercheur affirme que « dans la communication le plus compliqué n’est ni le message, ni la technique, mais le récepteur. » Ainsi auraient-ils évité de livrer au récepteur lambda, l’information selon laquelle le Cercle des Nageurs allait se voir doter, par le Conseil départemental, d’une subvention d’1,8 million d’euros, pour rénover des vestiaires au moment où, au centre-ville, l’urgence commandait de refaire des centaines d’appartements. Comme ils auraient pu prévenir que dresser un mur au cœur de La Plaine, c’était s’exposer à ce que les gardes rouges chinois ont inventé pendant la révolution culturelle : le dazibao, ce grand journal mural fécond en propagande ou en injonctions révolutionnaires. Comme ils auraient pu éviter, à un adjoint aux sports, de déclarer l’été dernier que les piscines et la natation n’étaient pas dans la culture des habitants des quartiers nord. Ou plus récemment, à un autre élu, de dire que le croissant du petit déjeuner n’était pas dans les habitudes des rescapés de Noailles et qu’ils pouvaient donc s’en passer. On dit que le journalisme mène à tout à condition d’en sortir. Est-ce si sûr ?
Les ronds-points tournent la tête
Le mouvement des gilets jaunes perdure. Il a fait l’effet d’un électro-choc sur le pouvoir, et donner des ailes à ceux qui ont cru pouvoir corriger le choix des urnes. Le Rassemblement National ou la France Insoumise ont ainsi parié sur un match retour anticipé. Au printemps 2018, un Jean-Luc Mélenchon accordait une interview fleuve au site « Le vent se lève ». Il ne cachait pas son souhait, de voir entravée la marche du monde qu’il abhorre : « Il y a aussi un facteur que personne ne prévoit et ne pourra jamais prévoir : c’est l’initiative populaire » affirmait-il. « Elle peut tout submerger, tout le monde, et tel est mon souhait le plus profond. Parce que quand l’initiative populaire submerge les structures, elle n’a pas de temps à perdre. » A Marseille, et plus généralement dans la métropole, ils sont du coup quelques-uns – les communistes prudemment et les socialistes naïvement – à penser qu’un rassemblement est encore possible, dans la perspective des Européennes et, plus lointaine encore, des municipales. Ils se trompent. La France Insoumise et son leader « marseillais » n’a que faire de cet horizon improbable. Ils sont dans l’urgence et poussent les feux des ronds-points convaincus que le terreau révolutionnaire est installé dans ce bric-à-brac sociologique. Les chaînes d’information continue sont un instrument de propagande inespéré pour les gilets jaunes et ceux qui comptent bien recueillir les dividendes du désordre. Une espèce de feuilleton gueulard sur lequel on peut coller à bon compte une version sous-titrée. La phraséologie du moment va de la xénophobie à l’antiparlementarisme, de la lutte des classes à l’Etat providence, de l’égalitarisme à la guillotine. Qui sera le dindon de cette force ou de cette farce incontrôlable ?
Qui recule, avance
C’est un fait et il est visible. Aix-en-Provence est en passe de réussir son pari : faire reculer l’automobile. Certes il y a encore beaucoup à faire et les travaux qui ont transformé la ville en champ de bataille masquent la réalité. On circule mieux à pied dans le centre-ville. Il aura pourtant fallu franchir bien des obstacles. Il y a quelques années les commerçants du centre historique étaient vent debout pour fustiger la municipalité et hurler après les bornes rétractables qui n’autorisaient l’entrée dans les zones piétonnes qu’aux seuls riverains. La quasi neutralisation du cours Mirabeau provoqua aussi sa part de tempête. Mais au bout du compte les Aixois comme leurs visiteurs acceptent les contraintes qui redonnent priorité aux piétons et à la bicyclette. Pourtant rappelons-le une fois encore la cité provençale a longtemps détenu un record quasi national pour la détention de véhicule par foyer fiscal (2,7). Il reste encore beaucoup à faire et les quelques « diablines » électriques ne peuvent satisfaire les besoins d’une population dont les plus mal lotis sont loin du centre. A Aubagne la gratuité des transports en commun mise en place par l’ancienne mairie communiste a été reconduite par la nouvelle gouvernance de droite. Ce sont des pistes que devraient suivre la métropole lorsqu’elle sera une réalité pleine et entière.
La mauvaise herbe
Au temps du roi, on y vendait des herbes. On les présentait sur les bancs, dont l’un était justement réservé au fessier royal. La place Richelme, à Aix, est une de ces merveilles qu’on prend d’assaut, les jours de marché. La bonne bourgeoisie se frotte aux guenilles des pauvres, qui attendent la fin des ventes, pour mendier quelques fruits ou légumes invendus. On y croise encore Paule Constant, l’académicienne Goncourt, comme on y a vu un temps l’acteur John Malkovich, voisin de ce périmètre charmant aux senteurs provençales. Elle doit son nom à une autre célébrité du XIXème siècle, le chanteur d’Opéra Louis Ferdinand Richelme. Depuis quelques jours, c’est une fausse note qui est venue ternir l’écho du marbre de la place. Cinq restaurateurs qui se sont fait pincer, pour employer, au noir, des migrants en situation irrégulière. Ils étaient chargés, disent les gazettes, de monter et démonter, aux premières heures et la nuit venue, les terrasses qui ne désemplissent jamais dans la journée. Ce sont les mêmes contrevenants qui étaient prêts à en découdre, lorsque la municipalité, pointilleuse, comptabilisait les mètres carré occupés pour leurs opulentes affaires. Contre la loi alors et hors la loi aujourd’hui. L’histoire de la place ne méritait pas cette mauvaise herbe.
La magie de Noël
Certes, quelques grandes surfaces et de nombreuses boutiques ont été victimes de la fièvre jaune qui, depuis plusieurs semaines éreinte le pays. Mais la machine à vendre n’est pas pour autant enrayée. Et les marchands de rêves ne font pas de cadeau. De Plan de Campagne à La Valentine, des Terrasses du Port à Grand Littoral, les produits de luxe s’affichent sans complexe, de l’alimentation aux jouets, de la parfumerie à l’électro-ménager. On est prié de croire aux secrets ancestraux de ce pur malt. On vous dit que ce parfum est une star, puisqu’une d’entre elles le porte. On vous incite à choisir ce robot qui vous simplifiera la vie, et vous permet de vous poser devant votre écran extraplat, pendant qu’il fait le ménage. On vous jure que ce jeu occupera vos gamins des heures durant. Bon tout ça a un prix, car le Père Noël est un peu une ordure. En sortant après les caisses, vous avez les organismes de crédits. Puis regagnez votre 4X4, que vous payez en leasing, et attendez vos nouvelles mensualités. Mais SVP, n’oubliez pas votre gilet jaune.