Gomet’ publie aujourd’hui une tribune (*) de Pierre Grand-Dufay. Il s’intéresse ici à la manière dont les pays utilisent l’intelligence artificielle dans leur lutte contre le coronavirus. Ses observations puisées dans les pratiques des pays du sud-est asiatique interpellent les pays occidentaux, et les Français en particulier. Très efficaces, ces technologies mettent en effet les individus sous observation, avec de moins en moins de limites…
Président du fonds d’investissement Tertium, Pierre Grand-Dufay a publié en 2018 Le Monde de Tim, un roman fiction qui raconte la vie future assistée par l’IA. Merci à lui de partager ses réflexions avec les lecteurs de Gomet’.
Le coronavirus, nommé «Covid-19» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), continue de se répandre inégalement d’un continent à l’autre. Plus d’un million de cas d’infection dans 169 pays (sur 198 au total) depuis le début de l’épidémie. Plus de 60 000 morts dans le monde dont 6500 en France à ce jour et le bilan s’alourdit quotidiennement, le scénario tant redouté devenant une réalité. Pourtant, si la crise actuelle du Covid-19 est bien plus grave que celle du précédent coronavirus, le Sras, qui a fait près de 800 morts il y a 17 ans, les gouvernements disposent désormais pour la combattre de l’intelligence artificielle (IA), ce nouvel outil aux applications innombrables. La première démonstration de son efficacité est intervenue fin décembre 2019 quand une intelligence artificielle canadienne, capable de passer au crible toutes les informations sanitaires disponibles sur Internet, dans 65 langues, repère, bien avant le 9 janvier 2020, date à laquelle l’OMS a officiellement informé le grand public, qu’une épidémie de type grippal sévit depuis Wuhan en Chine.
Taiwan, Singapour, Chine et Corée du Sud… l’intelligence artificielle est utilisée à tous les niveaux de la lutte contre l’épidémie
Pierre Grand-Dufay
On constate cependant une différence d’approche et de moyens importante au sujet de l’usage des nouvelles technologies entre les pays du Sud-Est asiatique (Taiwan, Singapour, Chine et Corée du Sud) et la majorité des pays occidentaux. Dans ces pays asiatiques, l’IA est utilisée à tous les niveaux de la lutte contre l’épidémie, de la détection des foyers de contagion à la recherche de traitements, en passant par le diagnostic médical. En Chine, le virus a plongé le monde dans la science-fiction : les robots sont utilisés pour désinfecter les pièces, communiquer avec des personnes isolées, délivrer des médicaments ; les drones vaporisent du désinfectant dans les lieux publics et identifient les personnes qui se déplacent sans porter de masque. Le même type de technologie surveille les publications sur les réseaux sociaux pour rechercher des signes de propagation de la maladie, suivre les personnes se plaignant de leur état et croiser ces informations avec celles relevant des transports en voiture, train ou avion. L’application baptisée «Close Contact Detector » est capable d’alerter tout utilisateur croisant la route d’une personne potentiellement infectée. Pour appuyer l’obligation gouvernementale du port de masque de protection en public, Baidu (le Google chinois) a annoncé vouloir associer l’intelligence artificielle à un système de reconnaissance faciale inédit. Cette technologie serait capable de détecter au milieu d’une foule si une personne porte un masque de protection ou non grâce à l’analyse de plus de 100 000 images simultanées. Avec une précision affichée de 96,5 %, ce système veut offrir un service de pointe aux autorités chinoises afin d’identifier la ou les personnes fautives.
La détection de la fièvre, un des principaux symptômes du Covid-19, est elle aussi révolutionnée par l’intelligence artificielle
Pierre Grand-Dufay
En Chine toujours, certains policiers sont munis de casques de réalité augmentée qui affichent une image thermique des passants, indiquant leur température corporelle en temps réel. Un algorithme développé par le géant de la vente en ligne Alibaba est capable de diagnostiquer le Covid-19 en seulement quelques secondes avec un taux de réussite de 92 %, quand les médecins ont besoin d’une quinzaine de minutes pour poser un diagnostic. La détection de la fièvre, un des principaux symptômes du Covid-19, est elle aussi révolutionnée par l’IA. A Pékin, un système développé encore par Baidu scanne les voyageurs dans les gares en combinant l’infrarouge et la reconnaissance faciale. Si la température d’une personne dépasse 37,3 degrés, une alarme se déclenche.