Le président du Plan bleu Guillaume Sainteny a dévoilé jeudi 16 janvier à Paris son 3e rapport de prospective « La Méditerranée à l’horizon 2050 » (qui succède à ceux de 1989 et 2005). Jacques Theys et Denis Lacroix, directeurs scientifiques du projet, et respectivement vice-président et secrétaire général du Plan Bleu, ont présenté les premiers résultats de cette étude sous la forme de six scénarios, en présence de Robin Degron, directeur du Plan bleu.
Ce rapport a été élaboré par de nombreux experts depuis 2019, à la demande des pays de la Convention de Barcelone, dans un contexte de forte accélération des menaces sur la Méditerranée. Cette prospective a pour mission de produire des études sur l’état de l’environnement et d’émettre des scénarios pour l’avenir de la Méditerranée. Elle fournit des éléments qui servent à aiguiller les décisions des gouvernants afin que cela profite aux décideurs et aux sociétés civiles.
« Comme tout rapport, il est imparfait. Il n’a pas vocation à être directif ou prescriptif, la convention respecte le principe de souveraineté nationale des Etats, » rappelle en préambule le président Guillaume Sainteny qui poursuit : « ce n’est pas un état des lieux prévisionnel, ni un rapport sur la protection de l’environnement de la Méditerranée. Il ne se limite pas à l’espace maritime, mais s’attache à l’ensemble de la zone terre/mer et porte sur le développement et le plan global de la Méditerranée. »
Le Plan bleu a été créé en France en 1977 comme une des pièces maîtresses du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM) au sein du programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE). Cette structure, basée à Marseille, a reçu le mandat des 22 parties contractantes à la Convention de Barcelone pour produire des expertises sur l’environnement et le développement au bénéfice des pays méditerranéens.
Élaboration de six scénarios qui impliquent tous des coopérations
Six scénarios ont été délimités par Khadidja Amine, Denis Lacroix et Jacques Theys, avec la participation de nombreux contributeurs qualifiés. « On ne doit pas arriver à des situations de sidérations face aux catastrophes climatiques, comme cela a été le cas avec les inondations de Valence. Cette prospective dit non, ce scénario était attendu et est amené à se reproduire », s’exprime Denis Lacroix, le secrétaire général du Plan bleu.
Les six scénarios MED2050
Scénario 1 : Inertie, marginalisation de Méditerranée et Pragmatisme (Probabilité d’occurrence estimée : FORTE (tendanciel)
Scénario 2 : Choc des crises et adaptations forcées (Probabilité d’occurrence estimée : MOYENNE)
Scénario 3 : Croissance à tout prix dans une Méditerranée éclatée (Probabilité d’occurrence estimée : MOYENNE)
Scénario 4 : Un partenariat Euro-Méditerranée pour la transition verte et bleue (Probabilité d’occurrence estimée : MOYENNE)
Scénario 5 : Un autre modèle de développement durable spécifiquement méditerranéen (Probabilité d’occurrence estimée : FAIBLE)
Scénario 6 : La mer Méditerranée : un bien commun mondial (Probabilité d’occurrence estimée : FAIBLE)
La seule réponse pertinente à cette situation de crise est, selon les auteurs, l’entente et la coordination de toutes les parties concernées et la mise en place d’une mobilisation des moyens publics et privés avec un plan d’action global.
« Il faut se préparer à des scénarios de résilience, la Méditerranée pourra de moins en moins compter sur ses propres forces. Les scénarios impliquent tous des coopérations, qu’elles soient dans le développement de politiques mondiales ou entre les pays riverains du Nord et du Sud », étaye Denis Lacroix.
Un espace entre crises et source d’opportunités pour l’avenir
Jacques Theys dresse un constat relativement pessimiste de la situation socioéconomique et climatique en Méditerranée. Rappelant qu’elle est parmi les mers les plus polluées du monde, la hausse des températures a également été pointée, se trouvant bien au-dessus de celle prévue par l’Accords de Paris. Le rapport estime une hausse de + 2,3°C en Méditerranée d’ici 2050. Induisant des sécheresses, des inondations, une hausse très forte des vagues de chaleur et des conséquences significatives sur la vie des citoyens. « Les prévisions climatiques prévues il y a 20 ans pour 2100 se produiront avant 2050 », déplore-t-il.
Ce travail de prospective, jugé « hors norme » par ses auteurs, a dû anticiper les évolutions des écosystèmes, mais également tenir compte de la gestion des incertitudes. « La Méditerranée est une région aux atouts certains et à l’attractivité forte, mais qui revêt également une situation écologique complexe, » reconnaît le vice-président.
Les jeunes méditerranéens consultés
Une cinquantaine d’entretiens ont aussi été menés auprès de jeunes Méditerranéens et de personnalités du territoire afin de recueillir leurs visions de l’avenir. Selon les auteurs, la volonté de regrouper des profils aussi divers que des religieux ou des acteurs de la culture, a permis d’apporter un point de vue relativement lucide in fine.
Selon les experts, qui ont réalisé ces entretiens, cela conduit à un même constat relativement sombre de l’avenir. « Il est intéressant de signaler que la Méditerranée n’est pas seulement perçue comme un problème, mais laboratoire de choses innovantes », contraste toutefois le vice-président, Jacques Theys.
En cette année de la mer 2025 et dans la perspective de la troisième Conférence des Nations-Unies sur l’Océan (UNOC-3), co-organisée par la France et le Costa Rica du 9 au 13 juin 2025 à Nice, ce rapport a aussi pour ambition de nourrir les débats. « C’est une contribution que nous apportons à l’UNOC à destination des membres internationaux, mais également avec des élus locaux », assure le président.
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Lien vers le rapport MED2050