Les responsables SOS Méditerranée France et les membres de l’équipage de l’Aquarius sont revenus, samedi 30 juin, lors d’une conférence de presse tenue à La Criée à Marseille, sur les événements qui se sont déroulés au cours des dernières semaines.
Dans la nuit du 9 au 10 juin l’Aquarius a sauvé pas moins de 229 personnes au large des côtes libyennes et récupérer 400 personnes interceptées par les autorités italiennes. Le bateau a reçu l’instruction de faire route vers Valence après deux jours d’incertitude et avec des conditions météo déplorables. Alessandro Porro, marin sauveteur italien, était en première ligne lors du sauvetage cette fameuse nuit du 9 juin ; il raconte : « La nuit venait de tomber lorsqu’on a reçu un appel du centre de coordination des secours de Rome (MRCC), deux canots étaient en détresse pas très loin de nous. Une fois arrivés sur place, nous avons constaté qu’un bateau était clairement en danger et qu’il allait couler. A ce moment là il faisait totalement nuit et le bateau s’est fendu en deux. Entre 40 et 50 personnes se sont retrouvées à l’eau et ont commencées à dériver. Ceux qui avaient un gilet de sauvetage qu’on venait de distribuer étaient facilement repérables. Les autres étaient difficiles à localiser et on s’orientait au son de leur cris, des cris pour leur vie en pleine mer dans la nuit la plus totale. Essayez d’imaginer ! Je veux juste rappeler que l’Aquarius est un outil de recherche et de sauvetage, l’empêcher d’opérer et de faire son travail est un acte criminel. »
Conseil européen : des contradictions et des incohérences
Si le bateau est aujourd’hui à Marseille, c’est parce que les autorités maltaises et italiennes lui ont refusé l’entrée au port. Une escale regrettable pour l’équipage car loin de la zone d’action en Méditerranée centrale. « Nous avons été témoins d’une faillite des Etats européens à faire respecter les conventions maritimes » observe Frédéric Penard, directeur des opérations SOS Méditerranée. « Le principe est pourtant extrêmement simple : on doit apporter une assistance à toutes personnes qui en mer, est en détresse, tout le temps, partout, tout le monde, tout navire et ce en accord avec le droit maritime international ». En deux ans l’Aquarius a sauvé 29 000 personnes, les Etats européens en ont sauvé 290 000.
Au même moment où l’Aquarius arrivait à Marseille, le Conseil européen se réunissait pour discuter de la question des migrants. SOS Méditerranée déplore que ces Etats souhaitent « renforcer les capacités d’interception des gardes côtes libyens » alors que ces gens fuient la Libye, la violence et le travail forcé qui y règnent. De plus les ports libyens ne sont pas considérés comme des ports sûrs où débarquer les rescapés. « L’assistance humanitaire n’est pas la bienvenue. Les bateaux d’ONG sont criminalisés et on les empêche d’intervenir en Méditerranée » conclut Frédéric Penard. Selon l’association « le Conseil européen débouche sur des contradictions et incohérences sur le cadre des sauvetages en mer ».
« Nous devons être en mer »
Médecins sans frontières (MSF) et SOS Méditerranée travaillent ensemble sur l’Aquarius, MSF s’occupe des soins aux rescapés et participe au financement de l’opération. Deux membres de l’équipages David Beverluis et Aloys Vimard témoignent de leur expérience à bord de l’Aquarius et des personnes qu’ils voient passer. « Sur un des canots, il y avait un jeune homme du Nigeria d’une vingtaine d’années qui ne respirait plus et était proche de la mort. Honnêtement en tant que médecin j’étais persuadé qu’il allait mourir. Pourtant sept jours plus tard, lorsqu’on a débarqué à Valence il souriait et il avait récupéré quasiment toutes ses forces » relate David Beverluis médecin pour MSF . « Son histoire et surtout la manière dont il s’est remis de cette situation, est pour moi la parfaite illustration pour laquelle nous devons être en mer ». Les membres de l’équipage de l’Aquarius sont en colère contre les leaders européens qui n’ont pas l’air de s’inquiéter des morts et corps qui flottent dans la Méditerranée, et qui refusent d’écouter les histoires de viols, de torture et de meurtre qui ont lieu en Libye .
Vidéo : Ludovic Dugueperoux, marin sauveteur sur l’Aquarius
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