Quel bilan tirez-vous de l’opération des Docks Village, le centre commercial qui a ouvert dans la galerie du bâtiment historique et emblématique du quartier des docks à la Joliette ?
Marc Pietri : Les Docks Village, c’est d’abord un mode de vie, un état d’esprit. Il n’est pas régi comme un centre commercial traditionnel dans lequel il y a des règles de surface, de marketing et où tout est normé, tout est réglé. Ça n’existe pas dans un lieu de vie, parce que dans un lieu de vie, rien n’est normé, rien n’est réglé. Pourquoi c’est passionnant ? Parce ce que d’abord il y a un lieu historique, 1851 c’est l’Histoire… Tous ces espaces, étaient très bien construits selon des règles plus philosophiques qu’urbanistiques (365 mètres de long pour 365 jours…) et au fil des années, des choses se sont ajoutées, d’autres ont disparu… C’est ça un lieu de vie. Evidemment, vous ne trouvez pas ça dans un centre commercial qui est fait pour disparaître. Ce type de lieux que l’on connaît bien aux Etats-Unis à San Francisco, à Los Angeles, à San Diego constituent une matière vivante. Le centre commercial traditionnel c’est une matière morte. Ici, la seule chose que nous ayons faite c’est de dire à l’architecte de laisser libre cours à sa propre sensibilité tout en respectant le bâtiment historique. Dans ce type de projet, chacun a sa lubie. Moi ce sont les oliviers d’où la cour aux oliviers…
Avez-vous complètement réalisé ce que vous souhaitiez faire aux Docks ?
[pullquote]On attend de pouvoir faire ici un lieu sur l’histoire de Marseille[/pullquote]M.P. Pas tout à fait. Il nous reste encore 25% de chemin à parcourir entre les animations, et le fignolage. Je veux y ajouter une partie avec des maquettes de bateaux que la chambre de commerce va peut-être me prêter. Je veux y ajouter tout le travail que l’on a fait pendant trois ans sur le site de St Charles et qui nous montre que Marseille a 8600 ans. Tout cela, on l’a répertorié, rangé, et on attend de pouvoir faire ici un lieu sur l’histoire de Marseille. Parce qu’ici on a une multi-vocation. Ce centre n’est donc pas terminé. Malheureusement il nous manque une banque mais les banques ne veulent pas ouvrir d’agences; il nous manque une poste mais La Poste ne veut pas ouvrir de bureau de poste; il nous manque un bureau de tabac mais bien évidemment la concurrence met tout en oeuvre pour que ne puissions le faire. La conception n’a d’égal que la gestion. Ici il y a 100% de commerçants indépendants. Quand on prend un lieu historique, si c’est pour y mettre Uniqlo ou Primark, ce n’est pas le but. Ensuite, la gestion doit être à l’image de la gestion d’un village. A la mairie, vous avez affiché heure par heure tout ce qui va se passer. Et nous, on veut que trois fois le matin et trois fois l’après-midi il y ait des choses qui se passent. Par exemple, j’espère que l’on va avoir des cours de gym pour les seniors, des jeux, comme dans un village.
Comment se déroule l’activité des commerces implantés aux Docks ?
M. P. Il y a des commerces qui marchent très bien, d’autres qui marchent moins bien, d’autres qui surperforment comme la restauration mais aussi un coiffeur. Il faut mutualiser les choses. Dans le commerce indépendant, c’est le commerçant qui fait la vitalité de son commerce. S’il est dépressif pendant une semaine il va faire zéro, s’il est amoureux et sur-motivé il va faire 100. On a voulu dans ce projet remettre le commerçant au centre. Ce que l’on avait oublié. Quel que soit le respect que j’ai pour les travailleurs, on ne peut pas dire que les vendeurs de chez Primark ce sont des commerçants.
Est-ce que cela veut dire que vous excluez les franchises ?
M.P. Non pas du tout. Il y en a… Reebok, Jean-Claude Biguine. On veut des commerçants indépendants. La meilleure preuve c’est lui [l’entretien se déroule à la table extérieure du magasin d’alimentation Be O]. Il a ouvert un supermarché bio de 500 mètres carrés. Au début il a ramé, et maintenant il marche bien. Il a pris le pari d’aller sur du vegan dans son restaurant.
Demain la suite de notre entretien (réalisé le 8 juillet) avec Marc Pietri :
[L’entretien] Marc Pietri : « Il a fallu attendre Robert Vigouroux qui a relancé Marseille » (2/3)