Depuis mardi 10 janvier matin, huit agents assermentés font la ronde dans la cité des Campanules à la demande du bailleur Erilia pour contrer la présence de dealers, dénoncée par les habitants de la cité d’ordinaire calme du 11e arrondissement de Marseille.
Depuis le début de l’année 2023, ces derniers se relayaient pour camper devant le bâtiment H et repousser le groupe de jeunes. Ils avaient organisé dimanche une manifestation rassemblant environ 200 personnes. Après son importante médiatisation, ils ont obtenu lundi une réunion avec Erilia qui leur a annoncé le déploiement de huit vigiles 24 heures sur 24, la fermeture de locaux pouvant être squattés par les dealers, la réparation de ce qui a été dégradé et la mise en service des barrières, installées depuis de nombreux mois aux deux entrées de la cité mais inutiles puisque toujours relevées.
Les habitants affirment que ces jeunes dealers bien connus dans le quartier viennent de la cité Air-Bel, située à 2 stations de tramway, qu’ils auraient du quitter à cause des travaux. Tous les habitants interrogés affirment les avoir déjà croisés plusieurs fois sous le porche du bâtiment B, avant qu’ils se relocalisent au pied du fameux bâtiment H.
Les Campanules : des habitants inquiets face à l’arrivée des dealers
Kader, 65 ans, ayant habité la cité de ses 15 à ses 35 ans et revenant plusieurs fois par semaine rendre visite à ses parents, avait lui aussi déjà aperçu le groupe de jeunes plusieurs fois. « Ils étaient 7 ou 8 et avaient carrément mis un fauteuil dehors. Ils sont très très jeunes : une quinzaine d’années, pas plus. Le plus âgé devait avoir 18-19 ans », estime-t-il. Il ne les a pas senti agressifs, mais craint les règlements de compte et les balles perdues. « Les vigiles, c’est très bien, mais ça ne fait que déplacer le problème. D’après mes informations, les dealers se sont déplacés dans un local appartenant à la cité, derrière les bâtiments, et les policiers font une enquête. Ce qui les intéresse, c’est d’avoir la tête et non pas les refourgueurs », affirme-t-il.
Ancien habitant de la cité de Saint Thys, Kader est un habitué des trafiquants de drogue, qui s’étaient même installés dans son bâtiment : « à cause d’eux, les enfants ne peuvent plus sortir seuls. Il faut faire le nécessaire pour qu’ils ne s’installent pas ici aux Campanules ». En plus du déploiement d’agents assermentés, Kader voudrait que le bailleur ferme totalement les barrières de la cité pour qu’elle ne soit accessible que par les habitants. « Il y a des barrières, mais elles n’ont jamais fonctionné », déplore-t-il, « les HLM sont laissés à l’abandon, les maires sont là où ça vote ».
Emmanuel Baudet, habitant du bâtiment J de la cité âgé de 66 ans, était présent à la manifestation de dimanche et à la réunion avec le bailleur Erilia lundi. Lui aussi déplore la lenteur de la mise en service des barrières aux deux entrées de la cité : « Erilia a annoncé qu’elles fermeraient bientôt, mais si les dealers reviennent, c’est pas ça qui va les arrêter ». Il reproche aussi au bailleur de ne pas avoir été présent à la manifestation dimanche, mais d’avoir réagi seulement après sa médiatisation : « Ils ont brillé par leur absence, ils sont venus lundi pour se faire pardonner ».
Il aurait aussi aimé voir un représentant de la mairie de Marseille dimanche, « au moins l’adjoint à la sécurité. Il a fallu que cela passe sur les journaux pour qu’ils se bougent un peu », accuse-t-il. Il affirme que la police est elle venue plusieurs fois pour chasser les dealers et a « confisqué leur voiture à défaut de permis de conduire». Les dealers auraient selon Emmanuel Baudet « fracturé le local des balayeurs à l’entrée du bâtiment H et brûlé des caméras ». « L’un des dealers âgé de seulement 8 ans, paraît-il le plus méchant, a proposé du cannabis à mon voisin », confie-t-il.
Lui-même a aperçu samedi une dizaine de membres de la bande de jeunes sortir du local de son bâtiment, portant des cagoules et des masques. « Ils cherchent des planques où se cacher et se mettre à l’abri », analyse-t-il. Le retraité se réjouit de la décision d’Erilia de fermer le local à motos, où les dealers « s’installaient la nuit car c’était éclairé. Personne ne met sa moto là car elles se font fracturer ». Il affirme qu’un ancien habitant de la cité d’Air-Bel récemment installé aux Campanules serait « en cheville » avec les dealers et aurait été identifié lors de la réunion de lundi. « Depuis que les vigiles sont arrivés, je ne vois plus les dealers », se réjouit-il.
Célia, 42 ans, habite un bâtiment de la cité dont la porte d’entrée ne ferme pas. « N’importe qui peut rentrer dans le hall », déplore-t-elle. Absente ce week-end, elle n’avait aucune idée de la présence de dealers dans la cité et est très choquée de l’apprendre : « C’est pas vrai ! », s’exclame-t-elle, « j’ai souvent vu beaucoup de jeunes de quartier traîner sous le porche et me dévisager mais je ne pensais pas que c’était des dealers ! ». Elle décrit les Campanules comme une cité très soudée, mobilisée et solidaire : « tout le monde se connaît, tout a été refait, on n’a pas l’impression d’être dans une cité ». Cependant, elle a entendu parler de vols de voiture dans la résidence.
Le groupe de conseillers municipaux Une Volonté pour Marseille, dont fait notamment partie Sylvain Souvestre, maire LR des 11e et 12e arrondissements, a tout comme les habitants de la cité déploré lundi l’absence de réaction de la mairie centrale, et a particulièrement visé Benoît Payan et son adjoint à la sécurité Yannick Ohanessian. Les conseillers municipaux du groupe ont appelé le maire à prendre ses responsabilités : « La question sécuritaire à Marseille ne peut pas et ne doit pas être prise à la légère et l’absence du Maire de Marseille hier lors de la manifestation en soutien aux habitants du quartier envoie un bien mauvais message à toutes celles et ceux qui s’inquiètent légitimement du sort de leur quartier. Le Maire de Marseille doit sans plus attendre se saisir du dossier et déployer dans le cadre de ses compétences de police, en collaboration avec les services de l’État, tous les moyens à sa disposition pour aider les habitants de cette cité avant qu’un drame ou un accident n’arrive ».
Renaud Muselier, président de la Région, a lui aussi apporté son soutien aux habitants des Campanules, mardi dans la matinale de CNews et sur son compte Twitter : « Ils prennent leur destin en main, l’Etat leur vient en aide et le bailleur social prend ses responsabilités », a-t-il affirmé.
Lien utile :
Le trafic de drogue à Marseille dans les archives de Gomet’