Gomet’ : Quelle a été votre réaction en découvrant la loi de finances 2017 ?
L.C. : La première interrogation que nous pouvons formuler est la suivante : la loi de finance va-t-elle réellement s’appliquer ? L’élection présidentielle peut tout remettre en question. La particularité de la France, c’est qu’une loi de finance rectificative peut être votée à tout moment dans l’année. Il y a cinq ans, dès son élection, François Hollande avait convoqué le Parlement en session extraordinaire et annulé de nombreux amendements.
Que préconisez-vous alors ?
[pullquote] Il n’y a aucune nécessité à changer la fiscalité tous les ans[/pullquote] L.C. : A l’Ordre des Experts-Comptables, nous militons pour que la loi de finances soit valable pour 5 ans. Ce serait beaucoup plus logique. La visibilité serait meilleure, la confiance aussi et cela injecterait un peu d’énergie dans l’économie. Cette mesure serait tout-à-fait viable puisqu’elle existe déjà en Allemagne. Il n’y a aucune nécessité à changer la fiscalité tous les ans. Modifier les lois en permanence engendre de la fébrilité. Le monde économique attend une mesure de ce type, cette volonté doit à présent se transmettre au monde politique. Notre seul but, c’est que l’économie fonctionne mieux, toute la vie d’un pays en dépend.
Quelles mesures phares retient-on du cru 2017 de la loi de finances ?
L.C. : Celle qui apparaît symbolique, c’est la baisse du taux de l’impôt sur la société de 33,1/3 à 28 %. Mais concrètement, pour une entreprise qui en bénéficie au maximum, cela représente une économie de 2000€ : ce n’est pas ça qui va sauver l’économie ! De plus, c’est un dispositif extrêmement complexe. L’application de ce nouveau taux devrait être progressive, pour concerner l’ensemble des sociétés à l’horizon 2020. En 2017, les sociétés seront donc soumises à trois taux différents : 15% pour des bénéfices inférieurs à 38 120 €, 28 % pour des bénéfices compris entre 38 120 € et 75 000 € et 33, ⅓ % pour des bénéfices supérieurs à 75 000 €. Par ailleurs, le taux réduit d’IS (15%) sera étendu à partir de 2019 aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros. Actuellement, il est applicable, dans la limite de 38 120€ de bénéfice imposable, aux PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros.
L’augmentation du CICE est-elle également une mesure favorable aux TPE et aux PME ?
L.C. : Oui, le taux passe de 6 à 7% de la masse salariale des entreprises, dès 2017. Pour rappel, ce taux concerne les salaires allant jusqu’à 2,5 fois le Smic. Mais pour un salarié qui gagne 2000€, l’augmentation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne représente que 240€. Encore une fois, c’est un peu tiède. Bercy estime cet allègement de charge à 3,3 milliards d’euros pour les entreprises mais il bénéficie surtout aux grosses sociétés et peu au TPE et aux PME, qui sont les vrais poumons économiques du pays, puisqu’elles embauchent et ne délocalisent pas. Il faudrait ainsi cibler ces mesures sur ces entreprises-là : augmenter le CICE pour les PME / TPE et le supprimer sur les grosses entreprises.
Vous déplorez une inefficacité des mesures prises cette année ?
[pullquote] Des mesures pas assez franches et beaucoup trop complexes[/pullquote] L. C. : Oui, elles ne sont pas assez franches et surtout, beaucoup trop complexes. La réforme du recouvrement de l’impôt, prélevé à la source est une véritable usine à gaz et risque aussi d’être reporté par la future majorité. Le futur président n’aura pas envie de polluer sa première année de mandat avec des anomalies qui auront forcément lieu. On n’aurait pas pu imaginer un dispositif plus complexe. Aujourd’hui si vous êtes mensualisé, vous payez 10% de l’impôt net de ce que vous avez gagné l’année dernière. Après la réforme vous paierez 1/12e de l’impôt brut. L’année d’après, vous déclarerez vos revenus ainsi que les crédits d’impôts de l’année d’avant et l’Etat vous remboursera. Cette avance budgétaire est complexe et inappropriée.
Quelles mesures souhaiteriez-vous voir appliquées ?
L. C. : Nous aimerions une baisse des impôts ainsi qu’une réforme du droit du travail. On n’est plus au temps de Zola et de Germinal, les relations sont différentes entre patrons et employés. Les textes sont tellement en faveur des salariés que les entreprises n’embauchent pas. J’ai des clients qui n’acceptent pas de chantiers, de peur de devoir embaucher. On ne peut pas compter en France 6 millions de chômeurs pour 1 million d’offres d’emplois non pourvus, c’est absurde. Il faut inventer un nouveau concept : la flexisécurité ! Flexibilité pour l’employeur, sécurité pour le salarié.
Comment s’y retrouver dans cet océan d’informations ?
[pullquote]Nous essaierons d’analyser l’impact des mesures proposées par les candidats[/pullquote] L. C. Avec l’Ordre des Experts-Comptables de la région Paca, nous lançons cette année « Campagne Expert ». En toute indépendance politique, nous essaierons d’analyser l’impact des mesures proposées par les candidats de tous bords sur les TPE / PME. Cette initiative régionale a pour objectif de faire bénéficier les chefs d’entreprises de notre expertise sur le sujet. Ce projet sera lancé dès que tous les candidats seront connus, d’ici mi-mars, sur le site internet www.experts-comptables-paca.fr