SOS. Centres-villes en souffrance. Quelle que soit la région, le constat est le même : des stores métalliques baissées, des rues désertées, parfois encore des pancartes, « à vendre », ou à « bail à céder ». Peu à peu, les commerces de proximité, (boulangerie, boucherie…) ont été remplacés par des agences bancaires, des assurances…. La dégradation du bâti, l’urbanisme vieillissant, une fiscalité importante, la concurrence des grands pôles commerciaux, la montée des achats sur internet… Les causes qui expliquent la dévitalisation des centres-villes sont multiples et parfois complexes.
Fin 2017, le gouvernement a décidé de s’attaquer à cette problématique à travers le plan « Action, cœur de ville ». « Pour nous, ce grand débat national doit être complété par des discussions et des échanges avec les décideurs locaux publics et privés », explique Thierry Moallic, directeur de l’Agence départementale d’information sur le logement (Adil). C’est sous son impulsion qu’une conférence-débat sur le thème « Habiter en centre-ville, est-ce possible ? », a été organisée le jeudi 14 juin, à l’Hôtel du département. Une manière pour l’Adil, qui a démontré à plusieurs reprises sa capacité à mobiliser ces acteurs, de mettre son « grain de sel dans ce dossier d’envergure », en faisant émerger des diagnostics précis et des idées nouvelles. « La seconde étape de notre travail consistera à mettre en forme les mesures et expériences conduites ailleurs, dans le domaine de l’habitat principalement et qui pourraient bénéficier aux communes de notre département ».
Repenser la ville sur la ville: l’exemple de Miramas
Un exemple concret s’est déjà détaché à travers la commune de Miramas. Avec plus de 25 000 habitants, à l’instar d’autres villes, Miramas n’a pas attendu le programme du gouvernement pour mettre en place des actions visant à redynamiser son centre-ville. L’enjeu est de repenser la ville sur la ville, « reprendre la main sur ces centres-villes, ce qui n’est pas simple, parce qu’il y a des habitudes de comportements, comme d’aller en voiture acheter son pain », souligne le maire, Frédéric Vigouroux, qui a travaillé sur différents aspects : d’abord sur la définition d’un projet, la préemption des bâtiments, la lutte contre le logement insalubre ou encore l’élargissement des cellules commerciales. Un fonds d’amorçage au commerce vient d’être lancé « pour permettre à de jeunes commerçants de s’implanter dans notre ville ».
Dès 2013, Miramas devient démonstrateur national de la Caisse des dépôts et consignations, avec sept autres villes françaises. Paradoxalement, le plan du gouvernement n’incluant pas des villes des grandes métropoles, Miramas ne bénéficiera pas d’une convention de revitalisation sur cinq ans, pour redynamiser son centre-ville. « Une douzaine de la métropole Aix-Marseille Provence sont concernées par la désertification des centres-villes. On va demander avec le président Jean-Claude Gaudin, que ces villes puissent être intégrées ».
Mettre en place un « cercle vertueux »
Pour Thierry Moallic, directeur de l’Adil, la vitalité d’un centre-ville réside dans la somme des différents éléments qui compose son écosystème. « Un cercle vertueux où chaque élément interagit avec les autres ». On note ainsi, l’importance du cadre de vie, « qui influe beaucoup sur la santé du centre-ville ». Espaces publics et espaces verts y jouent un rôle essentiel. Côté commerce, les mots d’ordre restent diversité et accessibilité. Le développement des transports doux, comme le traitement de la question du stationnement contribuent à réoxygéner les centres. « Sur la mobilité, il faut raisonner en termes de chaîne de déplacement et d’offres complémentaires. On ne se déplace pas qu’une fois, avec un seul mode, c’est bien la complémentarité des modes qu’il faut intégrer, ajoute Christian Brunner, directeur général de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam). D’autre part, la façon dont on va stationner est déterminante sur la façon dont on va se déplacer. Et là, nous avons deux paramètres sur lesquels on peut jouer pour inciter à des pratiques un peu différentes : le niveau de l’offre de stationnement et son prix. »
A la question bien vivre en centre-ville vient naturellement se greffer celle du logement. « Les logements anciens des centres-villes ne correspondent plus aux aspirations actuelles des ménages tant en termes de conforts (besoin d’extérieur que de typologie », souligne Thierry Moallic. On note ainsi, l’importance d’un habitat entretenu et rénové avec une typologie de logement adapté aux populations comme facteur d’attractivité d’un centre-ville, d’autant que la demande existe, même « si elle est en train de changer », affirme Didier Bertrand, président de la FNAIM, Aix-Marseille Provence. La demande initiale de famille avec deux-trois enfants est en train de se tarir, pour des raisons évidentes de déplacement et de coût bien entendu. Aujourd’hui, nous avons une demande d’étudiants, familles monoparentales, de location saisonnière et une petite demande qui arrive et concernent les cadres en transit ou en formation qui veulent se rapprocher des sièges sociaux (banques, administrations…) ».
Une nécessaire mixité sociale et économique
En matière de logement, les bailleurs sociaux peuvent apporter des solutions pour sortir les centres-villes de l’ornière. « Il y a une volonté des bailleurs sociaux d’être présents dans les cœurs de villes, avance Lionel Royer-Perreaut, président de 13 Habitat et maire de 9/11e arr. de Marseille. Cela dépend bien sûr de la configuration du centre, mais lorsque nous intervenons sur les centres anciens, la réhabilitation coûte relativement chère et suppose un investissement de la collectivité, néanmoins, il est nécessaire d’avoir aussi cette mixité sociale et économique dans l’hyper-centre. Mais l’enjeu de la réussite d’un cœur de ville, ce n’est pas seulement l’habitat, c’est aussi la mobilité, les commerces, l’approche est plus globale et nécessite des intervenants croisés sur ces questions-là ».
Sur cet aspect, le programme local de l’habitat (PLH) constitue un levier. « Il s’agit d’un document fondateur pour la métropole qui permet d’orienter sur les objectif de production de logements, comment et où on les fait. Et notre priorité c’est de construire et de valoriser en centres-villes », explique Arlette Fructus, en charge de la délégation habitat-politique de la ville à la mairie de Marseille et vice-présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Elle entend « faire bouger les lignes » en créant « un pacte de confiance » entre la métropole et l’Etat afin de s’orienter vers un objectif de production de logements sociaux à l’échelon métropolitain.
L’apparition du coworking, une des solutions
Comment adapter l’offre de commerce et de logement à des nouveaux besoins ? Face à une mutation que personne n’a anticipé, il est nécessaire de réinventer un modèle de société et d’adapter les solutions. Pour redonner une nouvelle vie à des locaux vacants et créer une dynamique, le phénomène des espaces partagés commence à faire ses preuves. Le coworking apporte une nouveau souffle en créant du trafic, en permettant de travailler en réseau, fixer ses rendez-vous en ville et y déjeuner… Pour Tony Sessine, président de Terre de commerces, « ce nouveau concept est une des solutions pour redynamiser les centres ». Lui prône la « destination centre-ville ». La stratégie de l’association est de « penser global et travailler local ». Ainsi, elle est aux côtés des associations commerçantes dans les villes et met en place des outils coups de pouce comme shopping 13, « un chèque-cadeau mis en place par et pour les commerçants qui permet de valoriser le commerce de centre-ville ».
Revoir la fiscalité
Le 15 juin, le Sénat a adopté une proposition de loi LR et PS, instituant un pacte national pour la revitalisation des 700 centres-villes et centres-bourgs. L’une des priorités du texte, c’est la fiscalité, mise en avant également au cours de l’échange au Conseil départemental. Un immense chantier pour faire en sorte que la fiscalité soit au moins égale, au mieux plus avantageuse en centre-ville car aujourd’hui, il vaut mieux faire son business en périphérie. « Redynamiser les centres-villes, c’est avant tout le penser comme un lieu de vie, de création, de passage et pas seulement un centre pour les commerces et pour les voitures. Ainsi il faut avant tout concilier les quatre fonctions du centre-ville (économique, identité, habitat et service) pour permettre sa redynamisation », conclut Thierry Moallic.
L’Adil poursuivra ses travaux sur les outils à mettre en œuvre dans le domaine de l’habitat pour rendre plus attractifs les centres-villes des Bouches-du-Rhône. Elle prépare également pour cet automne un autre temps fort, sur la loi Elan.
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