Les loyers sont-ils trop chers ? C’est la question posée par l’Agence départementale d’informations sur le logement des Bouches-du-Rhône (Adil 13) lors de la Conférence départementale de l’habitat mardi 11 juin. Pour y répondre, onze spécialistes du logement étaient invités à débattre autour de ce sujet délicat.
Comment faciliter l’accès au logement ? Quelles sont les aides et solutions mises en places ? Que penser des politiques interventionnistes ? Ces différents points ont été débattus pendant près de deux heures dans l’hémicycle du conseil départemental.
Et d’abord le constat dressé par Thierry Moallic, le directeur de l’Adil. Il présente les chiffres et les prix moyens par m2 dans le département et la Métropole. Ces chiffres ne montrent pas en apparence de tensions particulières (même si des disparités fortes apparaissent selon les communes) par rapport à d’autres zones urbaines en France. Le loyer median toutes catégories confondues au mètre carré est ici à 12,20 euros. Le plus bas se situe à Tarascon à 8,80 euros contre un plus haut à Sausset-les-Pins à 17,20 euros. A Marseille, le niveau moyen se situe à 11,7 euros contre 13,3 euros à Nice, 12,9 euros à Lille et 23,5 euros à Paris !
Mais M. Moallic recentre le débat : « il faut regarder quelle est l’adéquation avec les ressources. » De ce point de vue, tout dépend des situations. La capacité des ménages à accéder à la location d’un logement varie en fonction de ses revenus. On estime qu’il faut des ressources équivalentes à trois fois le loyer pour accéder à un bail dans le parc privé. Le tableau ci-dessous montre ainsi la diversité des situations, et en particulier les difficultés rencontrées par la famille monoparentale.
Le parc social constitue-t-il un possible recours pour les recalés du marché privé ? Ici aussi, les chiffres des montants des loyers paraissent raisonnables et se placent dans les moyennes. Mais dans le détail Thierry Moallic observe plusieurs disparités, notamment selon l’âge du bâti. « Les loyers les plus élevés sont dans le parc social des communes péri-urbaines où le parc s’est développé le plus récemment. » C’est l’un des effets de la loi SRU qui vise à imposer 25% de construction de logements sociaux dans les communes. Mais nombre d’entre-elles n‘atteignent pas ce niveau.
D’autres chiffres témoignent d’une réelle tension dans le parc social. Ainsi Pascal Gallard, le directeur régional de l’ARHLM Paca parle d’un indicateur de tension de niveau 7,2. « Il faut plus de sept années pour répondre aux besoin en logement social » dans le département explique-t-il. En 2018, les offices HLM ont recensé 82000 demandes (dont 24000 déjà logées dans le parc social). Il y a eu seulement 10 800 attributions.
Bailleurs, locataires : une multitude de dispositifs d’accompagnement
Ceux qui n’ont pas accès au parc social n’ont d’autres choix que de se rabattre sur le marché privé. Jean Berthoz, président de l’Unis Marseille Provence Corse et François-Xavier Guis, vice-président de la FNAIM Aix-Marseille-Provence en témoignent. Ce dernier insiste : « les propriétaires bailleurs veulent de la simplicité dans les dispositifs d’incitations. »
Car face à la tension constatée de nombreuses mesures ont été mises en place au niveau national comme au niveau local pour stimuler l’offre, accompagner les bailleurs ou aider les locataires : incitations fiscales (Pinel, Denormandie, Cosse) comme les a détaillées Amandine Ripoll ; mesures d’aides à la gestion telle que la garantie de paiement du loyer du Fonds de solidarité pour le logement (FSL géré par la Métropole) ; garantie Visale (accès à l’emploi en facilitant l’accès au logement géré par Action Logement), prévention des expulsions (gérée par l’Etat); intermédiation avec l’association Soliha représentée par son directeur Jean-Jacques Haffreingue.
Sans parler des allocations logements gérées par la Caf qui apportent un soutien majeur à 216 000 foyers du département. 90 000 APL d’un montant de 224 euros ont ainsi été versées en mai 2019 dans le parc public où le loyer mensuel moyen atteint 370 euros. dans le parc privé les aides aux logements (126 000 versées en mai) atteignent 239 euros pour un loyer de 544 euros, soit une couverture de 44% contre 60% dans le social.
Le problème central c’est l’offre de logement
Faut-il envisager d’autres actions comme l’encadrement des loyers ? Hélène Le Gall, la directrice de l’Adil de Paris partage l’expérience menée dans la capitale et qui va être relancée pour une durée de cinq ans à partir du 1er juillet. Selon elle, le test déjà réalisé a permis de contenir la hausse des loyers en particulier les plus élevés. A l’inverse, François-Xavier Guis voit un réel danger à mettre en place cet encadrement des loyers, craignant que les propriétaires fassent des arbitrages au détriment de l’immobilier et retirent leurs logements du marché. Un effet qui pourrait être dévastateur dans le centre de Marseille par exemple où 70% de l’offre provient du privé.
Or « le problème central c’est la question de l’offre. Tant qu’il y a une tension de cette importance nous ne sommes pas suffisamment capables et armés pour une mise en relation équilibrée entre les loyers et les ressources » affirme Jean-Pierre Soureillat, le directeur de la Caf. Il ajoute que « toutes les politiques publiques convergent en ce sens mais il faut sans doute plus d’intervention colbertiste et volontariste de l’Etat pour aider à fabriquer du logement, soit par un appui au parc public, soit au parc privé. »
Après un débat avec la salle, la conclusion revient à Thierry Moallic qui insiste sur un renforcement des dispositifs en place, notamment en matière d’informations. « Ils ne sont pas encore assez connus » observe-t-il. Il prône aussi l’innovation : « plusieurs mesures arrivent pour lancer des expérimentations dans le parc social » avec notamment la possibilité de moduler les loyers.
Liens utiles :
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