Si dans la rade de Marseille, ce sont les paquebots géants de Costa, MSC et consorts qui sont les plus voyants, la cité phocéenne abrite également le leader de la croisière de luxe qui a fait le pari de voyages plus confidentiels à bord de navires plus modestes. Créée à Nantes il y a trente ans, la compagnie Ponant a jeté l’ancre sur le Prado il y a maintenant treize ans. C’est la CMA CGM qui l’a rachetée en 2005 et en a profité pour rapatrier le siège à Marseille. Depuis, elle a successivement été reprise par le fonds d’investissement Bridgepoint en 2012 puis par François Pinault himself en 2015 à travers sa holding Artemis (Christie’s, Le Point, Kering…). Si la compagnie attire les plus grands investisseurs, ce n’est pas un hasard. Avec son positionnement haut de gamme, elle n’a cessé de progresser pour atteindre 180 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017. Aujourd’hui, elle s’apprête à franchir un nouveau cap. L’entreprise présidée par Jean-Emmanuel Sauvée ambitionne d’atteindre les 360 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici trois ans et investi pour cela 1,5 milliard d’euros dans la construction de sept nouveaux navires.
Six navires Explorer et le Commandant Charcot pour atteindre le cercle arctique
Le 10 juillet dernier, Ponant inaugurait en grande pompe son yacht d’expédition de luxe, le Lapérouse, en présence de Ségolène Royal, Jean-Louis Debré ou encore Maryvonne Pinault, la marraine du navire. Ce bateau nouvelle génération est le premier né de la gamme Explorer qui viendra rejoindre les cinq vaisseaux existants de la famille Boréal. Le deuxième, le Champlain, a été livré il y a dix jours tandis que les quatre autres suivront d’ici 2020. « Nous les avons designé avec toujours la même idée : petit, c’est mieux qu’immense », explique Hervé Bellaïche, le directeur général. Dans sa stratégie, l’armateur ne mise pas sur la taille. Les six bateaux Explorer seront même plus petits que leurs prédécesseurs avec 90 cabines contre 130 en moyenne pour les boréals. Il parie davantage sur la technologie. Réalisés par le Norvégien Vard, ils seront équipés de moteurs au diesel moins polluant que le fioul et de système de recyclage des eaux usées et des déchets ménagers. Très axés sur l’observation de la faune et la flore sauvage, les bateaux Explorer sont équipés d’un salon sous-marin multi-sensoriel appelé « Blue Eye » qui permet de s’immerger dans l’univers aquatique, grâce à deux hublots en forme d’œil de cétacé et une sonorisation qui retranscrit l’ambiance extérieure.
Ponant a forgé sa réputation autour du luxe mais aussi de ses destinations exotiques. A la rencontre des pingouins du cercle arctique, des tortues de la mer de Cortez ou des secrets de l’île de Pâques… l’armateur propose plus de 120 destinations dans les coins les plus reculés du monde à bord de navires de plus en plus sophistiqués. En plus de la gamme explorer, la compagnie travaille sur un septième navire, le commandant Charcot, qui sera livré en 2021. D’une longueur de 150 mètres, ce bateau brise-glace a été spécialement conçu pour se rendre dans le cercle arctique. Proposant 150 cabines, il sera le seul de cette taille à pouvoir atteindre l’extrême nord du globe et sera également le premier à bénéficier d’une propulsion hybride électrique et gaz naturel liquéfié : « Nous nous rendons dans des endroits sauvages où la protection de l’environnement est cruciale. On se doit de montrer l’exemple », insiste Hervé Bellaïche. Ponant travaille avec des ONG, des naturalistes ou encore des scientifiques qui embarquent avec ses passagers lors des voyages. Ils apportent un éclairage technique supplémentaire et sensibilisent les croisiéristes à la cause environnementale. « Ma propre conscience écologique est née au cours d’un voyage en Antarctique », avoue Hervé Bellaïche.
Plus de 300 nouvelles croisières en 2020
Pour faire découvrir de nouvelles contrées à ses clients, l’entreprise prévoit d’enrichir très fortement son catalogue de destinations. Elle vient de signer un accord avec la marque National Geographic pour créer en quatre ans 130 nouveaux itinéraires. « Ils ont passé un appel d’offres international et c’est un français, un marseillais même, qui le rempote. Nous en sommes très fier », se félicite le directeur général. Concrètement, les partenaires vont créer de nouveaux programmes de voyage qui seront animés par des experts de l’organisation scientifique américaine. Sept ont déjà été programmés pour l’an prochain et les autres suivront au rythme d’une trentaine de nouvelles offres chaque année. Au total, la compagnie devrait proposer 350 destinations l’an prochain et plus de 420 en 2020. L’an dernier, elle a transporté environ 30 000 croisiéristes et espère doubler ce chiffre dans trois ans.
Pour accompagner cette phase de forte croissance, Ponant va recruter de nouvelles compétences. « Nous sommes le plus gros recruteur de tourisme du pays », affirme Hervé Bellaïche. Il embauche environ 60 personnes par an dont la grosse majorité à Marseille. Aujourd’hui, la société emploie 850 membres d’équipages, 50 personnes dans le monde et 300 salariés au siège marseillais. Elle regroupe des métiers très différents : marins, designer-concepteur de navire, scientifiques, personnel hôtelier… Pour imaginer ses nouveaux services et navires, Ponant s’appuie sur une cellule de recherche et développement d’une vingtaine de personnes dans ses locaux du Prado.