A l’occasion de l’annonce d’une série de mesures à destination des quartiers défavorisés, le 22 mai dernier, le président de la République lançait quelques pistes pour lutter contre le trafic de drogue. Il a notamment annoncé le recrutement de 1300 policiers dans 60 quartiers d’ici 2020 et insisté sur le rôle majeur des maires. En déplacement à Marseille, jeudi 5 juillet, Gérard Collomb, lui, a passé une heure à la rencontre d’habitants de la cité de La Castellane, théâtre d’une vaste opération anti-drogue, à la fin du mois de juin. « Nous travaillons avec l’ensemble des forces de police pour mettre de la sécurité partout », avait déclaré le ministre de l’Intérieur lors de son passage dans cette cité des quartiers nord, rongée par le trafic. « Je suis pour qu’à court terme on fasse tout pour assurer la sécurité, mais qu’on travaille aussi sur le fond, qu’on travaille sur l’urbanisme, sur les activités sociales, sur la culture, etc… C’est comme ça qu’on viendra à bout des difficultés ».
« Si on réussit à Marseille, on réussira partout »
Le député Saïd Ahamada (LREM) n’a pas oublié ces mots. A l’occasion d’une rencontre avec les membres du cabinet du ministre, mercredi 18 juillet, place Beauvau, le parlementaire a tenu à s’assurer que Marseille serait en premier plan dans la lutte contre le trafic de drogue. « Marseille est bien considérée comme une priorité du gouvernement. Elle aura un traitement particulier dans le cadre des mesures qui seront mises en place », confie à Gomet’ le député. Et d’ajouter : « Si on réussit à Marseille, on réussira partout ». Si la stratégie sera adaptée en fonction de la spécificité de chaque territoire, les premières orientations visent à renforcer les coopérations avec la police, « amplifier » les dispositifs comme la police de sécurité du quotidien (PSQ). Trente quartiers de « reconquête républicaine », selon l’expression du ministre, devraient bénéficier de moyens supplémentaires d’ici à janvier 2019, dans le cadre de la PSQ, dont Marseille.
Ces quartiers sont décrits par Gérard Collomb comme des « territoires où la délinquance et les trafics ont augmenté de manière forte, où les habitants ont parfois peur de sortir de chez eux, de prendre le bus ». Et c’est aussi l’un des enjeux du plan du gouvernement. Si en termes d’action, Saïd Ahamada dit « attendre de voir ce qui sera mis en place », avec des annonces prévues à la rentrée, il a également insisté auprès du ministère sur la lutte contre le sentiment d’insécurité. « Il ne faut pas seulement des opérations de grandes ampleurs pour démanteler le trafic. Il faut être en capacité de répondre lorsque la population fait appel aux forces de police, qu’il y ait une réponse quasi systématique, que la population sente que la police et la République est derrière elle, pas l’inverse. Cet aspect-là est essentiel ».
L’amende forfaitaire pour les usagers de cannabis
En terme de lutte contre le trafic, le député des quartiers nord estime que « l’accent n’est pas suffisamment mis sur ceux qui achètent ». Pour que la sanction soit immédiate, le Gouvernement opte sur une amende forfaitaire pour les usagers de cannabis, assortie éventuellement de poursuites pénales. « J’ai demandé d’aller plus vite sur la forfaitisation. Le but est d’arrêter de poursuivre les gens qui ont dix grammes, même si on se garde cette possibilité, et de mettre des amendes. Je ne suis pas non plus naïf, ça ne va pas faire tout faire disparaître d’un coup, mais ce serait de nature à décourager les consommateurs, faire baisser leur nombre de façon drastique et le trafic… »
Ce système de contravention pour l’usage du cannabis signifie que la consommation et la détention de cette drogue douce sortirait du champ pénal ? Saïd Ahamada estime que cela aurait pour effet de « désengorger les tribunaux et simplifier les procédures, mais en restant ferme…» Plutôt favorable à la dépénalisation, il juge « plutôt dangereux » la légalisation. « Je pense qu’il faut ouvrir ce débat, mais soyons clair, si on légalisait demain, on trafiquerait autre chose. Si l’objectif c’est de mettre fin aux trafics, la légalisation ne répond pas à cette problématique. »
Accompagner plus fortement ceux qui sont pris dans cet engrenage et qui souhaitent en sortir est aussi une des préconisations. Au Canada, où le Sénat a voté en faveur de la légalisation du cannabis en juin dernier, des dispositifs permettent de réinsérer d’anciens dealers. A la tête d’une « entreprise » illégale, ils sont néanmoins reconnus pour certaines de leurs compétences de gestion, de rigueur… Des aptitudes qui leur permettent d’entrer dans la légalité en gérant des commerces type coffee-shop.
La détection de profils à risques
Sans aller jusque-là, Saïd Ahamada pense qu’intervenir en amont est plus efficace. « On sait quels sont les types de profils qui, lorsqu’ils sont très jeunes, risquent de basculer. » Il mise davantage sur de la détection de situations difficiles qui peuvent sur le long terme entraîner un basculement vers la drogue. « Pour exemple, si une proposition de logement pour une mère seule avec un enfant de dix ans, c’est de l’envoyer à La Castellane, le risque sera plus important d’être tenté. Même s’il ne faut pas stigmatiser, ni généraliser les situations, il y a des facteurs à risques », précise-t-il. Cette détection repose aussi sur un travail interministériel. « Envoyer seulement la sécurité, l’armée pour éradiquer le trafic ce n’est pas une réponse. Vous pouvez mettre toutes les forces de sécurité de France à Marseille, on éradiquerait le trafic de drogue mais on n’empêcherait pas de trafiquer autre chose. Ce n’est pas seulement une question sécuritaire. »
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