Métha’Synergie, collectif au service du développement de la méthanisation en région Provence Alpes Côte d’Azur a dévoilé ses objectifs et ses projets lors d’une conférence de presse en ligne le 5 novembre dernier. La méthanisation qui permet de produire de l’énergie, du gaz, à partir des déchets organiques ne décolle pas dans notre région. Le biométhane est pourtant une source d’énergie propre et renouvelable produite à partir de matières organiques, permettant une réduction des émissions de gaz à effet de serre et une amélioration de la qualité de l’air. À l’horizon 2030, l’État a pour objectif d’injecter 10 % de gaz vert dans les réseaux. Seuls deux sites sont en activité dans le département :
- Celui de la calanque de Sormiou pour les eaux usées, c’est la plus grande unité de traitement de production de biométhane française qui collecte les boues provenant des eaux usées de Marseille et d’une dizaine de communes de la Métropole.
- Celui de l’unité de valorisation énergétique des biogaz issus de la dégradation des déchets du centre de stockage d’Aix-en-Provence.
Aucune exploitation agricole ne méthanise aujourd’hui dans la région
Aucune exploitation agricole n’est équipée autour de Marseille. Une situation qui s’explique par la nature de nos activités agricoles, des pommes, des fraises, des cerises ou du melon mais pas de grandes cultures céréalières ou de maïs, pas de grands élevages. Pour Yves Le Trionnaire, directeur régional de l’Ademe Provence-Alpes-Côte d’Azur, « notre territoire n’est pas connu pour ses grandes exploitations intensives comme peuvent l’être d’autres régions en France, qui voient tout de suite l’intérêt de la méthanisation. L’important dans la région n’est pas de devenir une région leader de la transformation des ressources méthanisables, comme nous pouvons l’être pour la production d’énergie solaire par exemple. Il s’agit bien de faire notre part et de participer à l’effort collectif. »
Le collectif Métha’Synergie s’est créé en 2018 avec cet objectif, réaliste, mais ambitieux. Comme la région part de loin, il est nécessaire de faire de la pédagogie, de l’information et de lever les préjugés. Métha’Synergie rassemble les partenaires publics et privés engagés pour la promotion, l’accompagnement et le développement de la méthanisation : la Dreal, Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Ademe, la Région Sud, la Chambre régionale d’agriculture, GRDF, GRTgaz, et le Geres (Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarités). Le collectif accompagne les porteurs de projets qui souhaitent s’engager dans un projet de méthanisation dans la région et s’est ouvert aux acteurs publics, économiques, financiers ainsi qu’à la société civile afin de faire bénéficier le plus grand nombre d’une énergie verte et locale.
Pour Philippe Maurizot, vice-président de la commission économie à la Région Sud, « la méthanisation répond à l’axe 2 du Plan Climat régional « une COP d’avance ». Nous consacrons 1,8 million d’euros par an, en moyenne, pour le seul développement de la filière méthanisation. Par exemple, nous avons aidé à hauteur de 800 000 € l’unité de production de la station de Sormiou et à hauteur de 750 000 € celle du Grand Avignon. » La Région est active avec le Pôle de compétitivité Cap Énergies et l’Opération d’intérêt régionale, l’OIR Énergies de demain.
Méthanisation : dénicher les porteurs de projets
Depuis deux ans, le collectif Métha’Synergie s’est structuré et il souhaite accélérer. Le Geres est le point focal du collectif. ONG basée à Aubagne qui œuvre depuis plus de 30 ans pour les énergies vertes sur la planète, en particulier en Asie et en Afrique, promeut une approche pragmatique.
Des groupes de travail transversaux ont été mis en place pour mettre en commun les retours d’expériences. Mais pour Georges Seimandi, délégué territorial Rhône Méditerranée GRTgaz « la filière doit accélérer ». La méthanisation n’est pas assez connue dit-il, « nous avons un potentiel de production équivalent à la consommation énergétique de Nice et Toulon réunies. Les opérateurs sont aujourd’hui encouragés par l’accompagnement, par les aides et surtout par une fiscalité favorable et un tarif de rachat positif. Nous avons désormais tous les ingrédients d’amont en aval pour que le biogaz puisse se développer, pour qu’il voie sa part augmenter dans le mix énergétique régional. Les résultats sont déjà là, avec des stations d’épuration déjà connectées au réseau ou en voie de l’être, et de nombreux projets à l’étude. Ce que nous souhaitons désormais c’est amplifier le mouvement, dénicher les porteurs de projets qui se raccorderont demain au réseau tout en tirant un bénéfice réel de leur investissement ».
L’agriculteur, producteur d’énergie
Le monde agricole devient un acteur clef de ce décollage. Patrick Lévêque, vice-président de la Chambre régionale d’agriculture le reconnaît : « La méthanisation a ses avantages : elle permet de transformer les déchets des exploitations agricoles en digestat, qui peut remplacer les épandages d’engrais, tout en créant une énergie verte qui pourra ensuite être revendue sur notre territoire. C’est un véritable changement, mais le métier d’agriculteur n’a cessé d’évoluer, de se diversifier : il devient aujourd’hui producteur d’énergie. La vente de biogaz lui offre aussi une sécurité supplémentaire de revenu qui participe à son chiffre d’affaires, avec une garantie sur son prix d’achat pendant 15 ans qui lui permet de s’assurer que son investissement est viable. » Par contre des interrogations demeurent, faute d’expérimentation probante dans la région, sur la qualité et les coûts des digestats, les résidus de méthanisation qui seront utilisés par l’agriculteur pour enrichir ses terres.
Un potentiel de produits méthanisables de 45 000 tonnes/an dans la région.
Jean-Luc Cizel, directeur délégué Méditerranée GRDF, veut que l’on avance plus vite : « Notre objectif, c’est de faire émerger une trentaine d’unités de méthanisation sur le territoire, dans l’ensemble des départements. Tous les types de productions agricoles sont concernés, avec l’utilisation de la paille de riz ou de blé dans les cultures intermédiaires de Camargue, des résidus du maraîchage dans la Durance, ou de l’élevage dans l’arrière-pays. Nous nous focalisons sur les exploitations agricoles dont la taille permet aux propriétaires de trouver un équilibre économique en fonction du volume d’intrants à leur disposition pour la méthanisation. Plusieurs exploitants peuvent parfois travailler à un projet commun pour atteindre la taille critique. Nos études montrent qu’il y a sur la région un potentiel de produits méthanisables de l’ordre de 45 000 tonnes par an, ce qui équivaut, in fine, au chauffage de 70 000 foyers de la région Provence Alpes Côte d’Azur. ».
Le collectif s’est doté d’outils pour convaincre et aider : un site internet dédié, un livre blanc, une cartographie interactive des installations et une newsletter.
L’agriculture n’est pas la seule concernée. Les stations d’épuration, les déchets issus de l’industrie agroalimentaire ou de la restauration collective sont une ressource potentielle. Par contre, il n’est pas question de créer des stations de production de méthane qui transformeraient les cultures existantes avec de cultures à vocation exclusivement énergétique ou qui entraîneraient des transports de déchets polluants. Le Gères veille à ce que le bilan global soit positif et que l’on bâtisse une économie vertueuse.
Enfin, Yves Le Trionnaire rappelle une échéance que les 963 maires de la région Sud n’ont pas tous intégrée : au 1er janvier 2024 les collectivités locales devront avoir mis en place une collecte séparée pour les bio-déchets. Qu’en feront-ils ?
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