C’était la première assemblée plénière la nouvelle métropole née de la loi 3DS – cette« Métropole de l’an II», comme se plaît à l’appeler sa présidente Martine Vassal. Jeudi 30 juin, les élus métropolitains ont définitivement dit adieu aux conseils de territoire et commencé à esquisser l’avenir sans eux.
Le début était prometteur, marqué par une allocution aux accents optimistes de la présidente d’Aix-Marseille Provence : « cette réforme est une véritable victoire pour la proximité publique. La nouvelle Métropole sera un outil territorial au service des communes », promet-elle. Un scénario idéal … mais par trop simple, pour cette réforme qui vient bousculer un système vieux de plusieurs décennies – les premières intercommunalités, dont les conseils de territoires étaient les héritiers, ayant été créées au 20e siècle.
Le budget 2023 dans le flou
Très vite, de premières interrogations fusent à propos des comptes administratifs de l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI) présentés ce jour là. Devant le satisfecit affiché par la majorité métropolitaine sur « une balance positive dépenses / recettes » et une capacité de désendettement passée de dix à huit ans en 2021, l’opposition met un bémol : « Certes, ces ratios sont bons, mais il faut les relativiser au regard des incertitudes liées à la hausse du point d’indice des fonctionnaires, de l’inflation et surtout des effets de la loi 3DS », souligne la présidente du groupe de gauche Pour une Métropole du bien commun Sophie Camard qui appelle à une programmation pluriannuelle d’investissement globale à la métropole, alors que chaque territoire gérait lui-même son budget.
« 2021 était une année de transition. Les ratios sont effectivement bon mais on ne peut pas se gargariser au regard des graves décisions politiques que nous auront à prendre prochainement » reconnaît Didier Khelfa, président de la commission finances de la Métropole. Il fait notamment référence au calcul des attributions de compensation, pour l’instant suspendu à l’avis de la Chambre régionale des comptes qui paraîtra en octobre prochain, mais aussi aux sommes qui seront allouées aux communes pour assumer leurs nouvelles compétences. Dans l’attente de ces changements, la Métropole s’est montrée prudente sur ses dépenses en 2021, n’investissant qu’à hauteur de 368 millions d’euros au lieu de 450 millions les années précédentes. « Cela nous permet de dégager une manne d’autofinancement pour limiter le recours à la dette et anticiper les dépenses liées au transfert des compétences », explicite par ailleurs Didier Khelfa, interrogé par Gomet’. « Lorsque l’ambition métropolitaine sera définie et que nous aurons les conclusions de la Commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect), là nous pourrons bâtir un fonctionnement et un budget pour 2023 », complète Martine Vassal.
La loi 3DS, une loi « mal faite »
Or, cette nouvelle répartition des compétences ne sera pas connue avant la fin de l’année. Et d’ici là, un no man’s land semble s’étendre devant les élus. « Comment se fait-il qu’une réforme censée apporter de la proximité fasse que toutes les compétences détenues jusqu’alors par les conseils de territoire remontent à la présidente de la Métropole ? », interpelle Gérard Bramoullé, désormais ex-président du feu conseil de territoire du Pays d’Aix. Une remarque sur laquelle rebondit le président de la commission dédiée au partage des compétences Georges Cristiani, également maire de Mimet. « La loi nous impose de réformer la collectivité au 1er juillet mais cela est impossible car nous n’avons pas encore le retour des commissions sur les transfert de compétences. Nous ne pouvons donc pas aujourd’hui nous lancer dans une réorganisation de fond en comble des services sans avoir ces éléments ! Nous, nous sommes dans le concret. L’Etat commet une erreur temporelle et la loi est mal faite » s’insurge-t-il.
Relancé à l’issue de la séance par Gomet’, il précise sa pensée : « On peut regretter le système hors-sol de l’Assemblée nationale précédente : il aboutit à ce type de malfaçon qui font que l’article 181 de la loi 3DS pose des difficultés. Au 1er juillet, les principes sont énoncés, mais le préfet a fait en sorte que l’application vienne plus tard. »
« Parti comme c’est parti, on ne sera pas prêts »
Benoît Payan, maire de Marseille
Et pour critiquer la loi, le maire de Marseille, Benoît Payan n’est pas en reste : « Qu’est-ce que c’est que ces parisiens qui vont nous dire comment nettoyer Marseille ? » peste-t-il. Interrogé par Gomet’, il déclare « On a tous envie que la réforme se passe bien, il n’y a pas de clivages politiques là-dessus. Nous, Ville de Marseille souhaitons récupérer la compétence voirie. Maintenant, la question sur la table est de savoir avec quel argent cela se fera. Les Marseillais ne peuvent pas assumer cette charge. C’est un travail de fourmi de faire cette équation, mais nous sommes pressés par le temps car tout doit être prêt en décembre. Mais parti comme c’est parti, on ne sera pas prêt », s’inquiète-t-il.
Pour l’édile, le problème ne vient cependant pas que de la loi : « L’institution est mal née et elle est aujourd’hui encore handicapée par ce mauvais départ. On ne peut pas nettoyer de la même façon à Marseille ou à Fos-sur-Mer. Il est normal que les compétences redescendent aux communes. »
« Tout changement occasionne des inquiétudes » (Martine Vassal)
De son côté, la présidente de la Métropole se veut rassurante : « Tout changement occasionne des inquiétudes. Il est normal que chacun se pose des questions. Nous travaillons avec l’ensemble des 240 élus métropolitains pour rassurer tout le monde. Nous sommes à une période de transition et il faut mettre tout le monde autour de la table pour savoir ce que nous voulons », estime Martine Vassal.
Interrogée sur l’hypothèse émise par les élus marseillais de mettre en place un système de conventions de gestion avec la Ville de Marseille (voir notre précédent article), Martine Vassal reconnaît qu’elles « pourront être particulièrement utiles » pour redonner de la proximité à l’action publique d’ici la fin de l’année. Toutefois, elle précise que « rien ne va changer dans l’entre-deux car il existe des services décentralisés de la Métropole. Les postes des présidents de conseils de territoire se sont transformés en poste de vice-présidents métropolitains avec des délégations spécifiques qui seront communiquées prochainement. » A l’aube de son commencement, la« Métropole de l’an II» peine encore à se dessiner. Comme un bégaiement de l’histoire…
Liens utiles :
> Revoir le conseil métropolitain en vidéo
> Loi 3DS : les maires de la Métropole AMP ont commandé leurs nouvelles compétences
> [Métropole] De MPM au conseil de territoire Marseille Provence, on efface tout
> Notre suivi des actualités sur la loi 3DS