Nolwen Berthier est une grimpeuse professionnelle engagée dans la cause environnementale. Elle réunit sa passion de l’escalade et son engagement pour la protection de la biodiversité, notamment au travers d’un projet qui s’inscrit dans le cadre des Eco aventuriers de la Maif. A la rencontre de chercheurs, en immersion en mer, dans la montagne ou encore dans l’espace urbain, elle souhaite sensibiliser davantage à diverses problématiques environnementales.
Sophie Hébrard (présentatrice BFM Marseille) : Vous êtes donc grimpeuse professionnelle, mais pas seulement. Pourriez-vous présenter davantage votre métier ?
Nolwen Berthier : J’ai deux métiers dans ma vie : le premier c’est effectivement d’être grimpeuse de haut niveau, donc je parcours les falaises pour grimper par les voies les plus dures possibles. Et à côté de ça, j’accompagne les transformations dans les organisations au sein du collectif “Mission possible”. On est basés à Aix-en-Provence et on organise des séminaires justement pour accélérer le changement dans les entreprises et les structures publiques.
Julie Rampal Guiducci (Gomet’) : Comment votre pratique sportive a-t-elle forgé votre engagement écologique ? Est ce que le sport a été un vecteur de sensibilisation pour vous ?
N.B : Ma sensibilité vient surtout de mon activité auprès des entreprises, en prenant conscience des enjeux que les organisations doivent porter aujourd’hui pour faire face au défi écologique. Mais c’est vrai que, en tant que sportive, j’ai aussi un rôle à jouer et donc j’ai eu envie d’utiliser ma voix pour mettre ces enjeux au devant de la scène. Concernant l’escalade, il est certain qu’être au contact de la nature donne envie de la protéger. J’y suis tous les jours, c’est mon terrain de jeu donc j’ai envie de prendre soin de tout ça.
Constatez-vous des changements dans votre activité liés au réchauffement climatique, au changement des conditions naturelles ? Par exemple, plus de pollution visuelle, atmosphérique …
N.B : Il y a beaucoup de changements visibles : je le constate notamment sur les saisons, on se rend compte que les saisons ne sont plus du tout les mêmes. Or, l’escalade est très conditionnée aux conditions météorologiques. De même, lorsqu’on est au sommet d’une falaise, on a une vue d’ensemble sur la pollution lumineuse dans les villes, par exemple.
Vous venez d’achever une traversée des calanques, en compagnie de la biologiste marine et violoniste Marie-Kell de Cannart. L’objectif était de dresser un constat sur la pollution sonore en milieu marin… Pouvez-vous détailler ce projet ?
N.B : Il s’agit du projet “une voix pour la nature”, en lien avec la Maïf : ce sont des voyages sportifs d’escalade, au cours desquels je vais a la rencontre d’experts qui m’expliquent comment ils protègent le vivant au quotidien. Marie-Kell de Cannart travaille beaucoup sur la protection des océans notamment sur les sujets de pollution acoustique. C’est une femme assez incroyable. Elle joue du violon sur des vidéos et des chants de baleines pour transmettre des émotions aux gens et pour les inciter à protéger les baleines.
L’idée de ce voyage, c’était vraiment de partager nos passions : la protection de la vie marine, pour elle, et l’escalade, pour moi. Pendant ces dix jours sur le voilier, nous étions au plus proche de la mer pour échanger ces deux passions là. Elle m’a expliqué les enjeux de la pollution acoustique, on a écouté par exemple le bruit dans la mer, le bruit des bateaux dans la mer, et a contrario le bruit de la vie dans la mer quand il n’y a pas de bateaux. L’idée est de retranscrire tout ça derrière dans une websérie qui sera diffusée sur Youtube l’année prochaine, dans un objectif de sensibilisation.
Qu’avez vous constaté au cours de ce voyage, concrètement ? Est ce qu’il y a moins de bruit ou plus de bruit dans les calanques lié à l’activité humaine ?
N.B : C’est une activité cyclique, des fois il y a du bruit et des fois il n’y en a pas. Mais on se rend compte que l’humain a une empreinte très forte sur la nature. Aujourd’hui, moi dans mon activité je me rends compte qu’on consomme la nature pour notre passion. De manière générale, le dérèglement climatique est un enjeu écologique. L’objectif final de ce projet est de dire qu’il y a un autre enjeu, dont on parle pas assez a mon sens, c’est la protection de la biodiversité. On a une emprise très forte sur la nature et sur les autres vivants, une sorte de rapport de domination. L’objectif de ce projet est de se demander si l’on peut avoir une autre manière de vivre avec les vivants, qui soit plus égalitaire.
Cette traversée des calanques était la première étape de votre projet puisque vous avez trois autres étapes qui sont prévues sur d’autres thématiques que la pollution sonore.
N.B : Tout à fait, la prochaine étape est en ville avec de l’escalade urbaine et le sujet de la pollution lumineuse. Je vais aller à la rencontre d’un expert, Samuel Busson qui travaille au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Il travaille sur l’aménagement public et comment peut-on gérer les éclairages au niveau public pour avoir le moins d’impact possible sur la biodiversité. L’idée est de mettre son propos en lien avec des images d’escalade urbaine pour transmettre les émotions que procurent le sport, plus spécifiquement le sport dans la nature, parce que je suis convaincue que ces émotions sont nécessaires pour le passage à l’action. C’est aussi ce dont on manque aujourd’hui, les enjeux écologiques on en parle beaucoup, c’est beaucoup dans notre tête au sens rationnel de la chose. Aujourd’hui je me dis que le côté émotionnel est nécessaire pour passer à l’action.
Les Jeux Olympiques approchent (*), est-ce que les sportifs sont assez engagés sur la thématique environnemental, selon vous ?
N.B : Il est vrai que les sportifs ont, à mon sens, un rôle vraiment important à jouer. A partir du moment où on est médiatisés, on a la chance de pouvoir faire passer des messages. Donc effectivement les sportifs ont un rôle important dans notre société. Sur les JO, chacun est libre de prendre la parole s’il le souhaite. Chacun fait aussi ce qu’il pense être juste.
[Replay] Nolwenn Berthier dans l’émission Planète locale du 25 juin 2024
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