Après trois ans d’activité, la start-up marseillaise produisant le site internet « agenda-journalistes », vient de mettre la clé sous la porte. Malgré le succès rencontré auprès de nombreuses rédactions, la plateforme, faisant le lien entre communicants et les journalistes, n’a pas réussi à convaincre ses investisseurs de remettre la main à la poche. Les explications d’Olivier Martocq, l’un des fondateurs d’Agenda Journalistes.
La décision rendue par le tribunal de commerce de Marseille a dû engendrer une grande vague de frustration et de déception dans un grand nombre de rédactions françaises, pouvez-vous revenir sur les dernières semaines du site ?
Olivier Martocq : Tout d’abord, pour en revenir sur le nombre d’utilisateurs, il y avait 3 800 journalistes inscrits et 1 500 qui l’utilisaient régulièrement. Ensuite concernant la start-up, nous avons eu du retard concernant la livraison de la nouvelle plateforme, elle devait prévoir le paiement des communicants directement sur la base. Ce laps de temps a entraîné, un besoin de liquidité, aux alentours de 300 000 euros. Les investisseurs n’ont pas voulu, donc pendant six mois, on a tenté de se maintenir sans cet apport d’argent, mais le retard pris a totalement chamboulé notre plan de développement. À la base, la nouvelle mouture devait arriver en septembre, elle a réellement été mise en place fin décembre. En janvier, nous avons principalement fait des réglages, en février et mars le décollage a été plutôt mou. Puis après la politique a bouffé toute l’actualité, donc on n’a pas réussi à tourner comme on l’aurait voulu.
Comment cela s’est-il passé avec le tribunal ?
O.M. Très bien, il faut leur rendre hommage. Ils ont suivi la boîte, ils nous ont laissé faire, puis ils ont obligé la BNP à assurer nos comptes, ils ont bien fait leur job. Le problème est que nous avons été incapables de faire entrer suffisamment de recettes pour être autonome.
Combien de temps vous a-t-il manqué pour retourner à l’équilibre ?
O.M. Il nous fallait un an, soit 300 000 euros. Nous avions communiqué cette somme-là, aux investisseurs, et ils n’ont pas suivi. Mais nous avions de grosses rentrées d’argent, le premier trimestre, on fait entrer 70 000 euros. On n’était pas loin du tout de s’en sortir, mais il nous manquait la somme pour avoir cette année de sursis.
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— Agenda Journalistes (@AJOfficiel) 1 septembre 2016
Pourquoi les investisseurs ne vous ont pas suivi ?
O.M. Déjà se sont de très gros investisseurs, qui ont mis de l’argent sur un projet qu’on leur a exposé une fois, en juin 2016. Derrière ça, ils s’appuient sur un système rédhibitoire, qui fait que tous les engagements fixés, lors de la mise de départ, soient respectés. Sauf que nous avons eu le retard avec l’outil qui n’a pas été livré à temps, à partir de là, c’était mort.
Combien aviez-vous d’employés dans la start-up ?
O.M. Au plus fort de l’activité, nous étions 14 personnes. Puis fin novembre, il y a eu une vague de démissions. Suite à cela, on a juste gardé l’équipe technique qui devait se réapproprier les codes de la nouvelle plateforme, ils étaient avant traités en externe. Vous savez, faire un tel agenda, cela coûte cher. Il faut compter entre 150 000 et 200 000 euros par an, uniquement pour créer un site comme nous avions, juste pour mettre de l’information dedans. C’est quelque chose, que fait Radio France, ça lui coûte un peu plus.
Quel était le modèle économique ?
O.M. Les communicants payaient pour mettre leurs communiqués, pour les associations ou les start-up, cela coûtait 20 euros, et pour les gros comme Matignon, la région… Il y avait un abonnement forfaitaire plus onéreux, en raison d’un grand nombre de communiqués de presse. Mais l’intérêt était que non seulement, on faisait connaître aux journalistes les événements et les dossiers, et derrière il y avait énormément de datas qui permettaient aux communicants de savoir quels étaient les journalistes ayant lu leurs publications, ceux qui n’étaient pas intéressés, ceux qui étaient venus en ayant vu la publication sur le site… Il y avait de la data derrière, qui permettait aux sociétés voulant communiquer, d’éviter les choses comme la relance téléphonique, ou par mail… Les numéros des journalistes n’étaient pas communiqués, mais par contre, on pouvait connaître leurs centres d’intérêt, et leurs recherches.
À l’heure actuelle, où en êtes-vous ?
O.M. Cette formule est arrêtée, la boîte a été liquidée. Il reste un savoir-faire avec des équipes qui ont montré que ça fonctionnait. Et nous avons montré à l’AFP et Radio France, que leurs systèmes de prévisions sont totalement obsolètes. Donc fort de nos compétences, et notre expertise acquises, nous regardons avec eux, ce que nous pouvons faire.
Existe-t-il une perspective de relancer l’agenda-journalistes ?
O.M. La renaissance de la start-up n’a aucun avenir, en revanche il y a une perspective de faire évoluer les services de prévisions du groupe Radio France, sur un modèle qui reprendra grosso modo le modèle dégagé par la start-up. Ce que nous n’avons pas réussi à faire, de gros groupes le peuvent. Ils ont un certain retard, ils pourraient ainsi adopter nos technologies, et notre modèle. Ce groupe a un avantage sur nous, car ils sont déjà de nombreux journalistes et donc rapidement l’ensemble de la presse sera inscrit, et donc pour les communicants, ce genre de service deviendra incontournable.
« On attend, mais les nouvelles ne devraient pas tarder, je pense d’ici deux à trois semaines. »
On peut dire qu’il y aura une plateforme, via Radio France, plus ou moins similaire dans les semaines à venir ?
O.M. Je ne peux pas l’affirmer, mais il pourrait y avoir un quelque chose de similaire. Ils sont intéressés, mais cela représente de gros investissements, donc vont-ils consentir à les faire ? Je ne sais pas, mais on peut leur montrer le process, comment cela fonctionne, les nouvelles choses que nous avions développées et qui sont très pointues… Donc nous pouvons leur expliquer, mais surtout leur faire gagner beaucoup de temps, reste à savoir si pour eux, cela représente un axe de développement. Il y a quelques jours, nous nous sommes rencontrés, on parlait de septembre.
Donc la réponse devrait être rapide…
O.M. Oui, oui. Après vous savez, l’AFP ou Radio France sont de très grosses maisons, les démarches y sont toujours plus compliquées, car il y a plein de services. Même si les patrons disent « ça nous intéresse », derrière cela prend beaucoup de temps.
Quel serait le montant de l’investissement ?
O.M. Pour être clair, la start-up entre les investisseurs, et tous les financements cela représente 1,2 million sur trois ans. Après pour la plateforme, cela représente un investissement de 400 000 euros.
L’agenda-journalistes permettait aux nouveaux ou jeunes professionnels d’accéder aux informations des sociétés et donc de se constituer un carnet d’adresses, cela reste dans les tuyaux ?
O.M. Paradoxalement, les communicants ont accès aux nantis et aux grosses rédactions, mais ils leur manquent tous les nouveaux journalistes. Le modèle de Radio France est basé sur la vente de prévisions aux médias, déjà, je leur ai dit que ce n’est pas à eux qu’il faut vendre, mais bon étant donné que le système est en place qu’ils en profitent, mais derrière ils devraient s’inspirer de notre système. Donc pour les jeunes journalistes, il faut mettre un système qui permet à ces personnes de s’abonner au prix par exemple de 2 euros par mois, donc la mission de service public sera maintenue.
Quelles sont les prochaines étapes ?
O.M. Aucune, j’attends leurs réponses. Que se soit à l’AFP ou Radio France, les dossiers sont dans les services. Mais à chaque fois que ce soit le numéro 1 ou le numéro 2, de chacune de ses maisons, ils ont lancé l’étude. Ce n’est pas des paroles en l’air il y a eu réellement une écoute, et une volonté de voir en interne comment incorporer le système. Donc on attend, mais les nouvelles ne devraient pas tarder, je pense d’ici deux à trois semaines.