« Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fière : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés… » C’est par ces mots empruntés à Stéphane Hessel, ambassadeur, diplomate et résistant (1917-2013) que débute le manifeste du Parti communiste français. A travers les cinquante pages de ce petit livret intitulé « Pour une France hospitalière et fraternelle, une Europe solidaire » est proposée une nouvelle approche pour mener une « autre politique migratoire ». L’adoption de la loi asile et immigration, le 22 avril dernier, à l’Assemblée nationale (lire aussi la tribune des députés La république en marche), non sans causer quelques dissensions au sein de la majorité présidentielle, est vécue par le PCF comme « insupportable » et « injuste ».
Un peu partout dans l’Hexagone, les militants communistes et les citoyens révoltés deviennent acteurs de la solidarité envers les migrants, « mais il faut une réponse politique », insiste Cécile Dumas, secrétaire départementale de la fédération PCF des Alpes-Maritimes. Jeudi 3 mai, elle était à la fédération des Bouches-du-Rhône, aux côtés de Valérie Diamanti, responsable du secteur « lutte contre les discriminations », PCF13, et conseillère municipale de Marseille et de Jean-Marc Coppola, conseiller municipal à Marseille pour présenter le manifeste, fruit d’un travail collaboratif de trois mois avec des députés, des sénateurs, des universitaires, des avocats… Le petit fascicule jaune est composé de cinq parties : L’accueil des migrants en France, Pour une intégration réussie, Pour une Europe solidaire, Initiatives de l’Onu en faveur des réfugiées/migrants et enfin Migrants : le coût élevé de la politique sécuritaire.
« Il y a une crise de l’accueil des migrants, non pas une crise migratoire »
Il ne s’agit pas d’un document à « distribuer comme un tract ». Il sert de support pour porter le débat publiquement, « faire de la pédagogie », et contient aussi une série de « propositions d’urgence et d’avenir que l’on pourrait faire parvenir à l’Onu », assure Cécile Dumas. Le 4 avril dernier, trois experts des droits humains de l’Onu ont d’ailleurs confié leurs préoccupations sur le sujet, dénonçant des « politiques migratoires toujours plus rétrogrades », et le fait que « la France viole ses obligations internationales en matière des droits de l’homme ». Des propos rapportés dans le journal Le Monde, le 5 avril, que les élus PCF reprennent à leur compte. « Il y a une crise de l’accueil des migrants, non pas une crise migratoire et peut-être même dans tout ça un peu de racisme », osent-ils. « Cette loi va donner plus d’ailes encore aux racistes et aux xénophobes, estime Jean-Marc Coppola, alors que nous avons besoin de plus de solidarité, et de justice, et lutter contre l’ignorance ». Et Cécile Dumas de poursuivre : « si les droits internationaux étaient respectés nous ne serions pas là. On va prendre le problème de façon extrêmement offensive », annonce-t-elle.
La secrétaire départementale du 06 a d’ailleurs invité les députés LaRem et LR de son département à venir débattre de cette question. En attendant, c’est en portant le manifeste que le PCF va tenter de faire entendre sa voix, au travers des Etats généraux de l’immigration, initiatives qui se lancent un peu partout en France et à l’occasion de la marche solidaire pour les migrants (lire ci-dessous), qui a débuté le 30 avril à La Roya et se terminera le 8 juillet à Calais.
Préoccupations concernant les mineurs isolés
L’une des mesures qui fait l’objet de leurs préoccupations les plus vives, concernent les mineurs, non-accompagnés principalement. La loi prévoit de rallonger la durée maximale de rétention des étrangers en attente d’expulsion qui passe de 45 à 90 jours. Les détracteurs du texte soulignent les risques encourus par les enfants, dont le nombre en centres de rétention augmente d’année en année (plus de 300 mineurs détenus en 2017). La France a d’ailleurs déjà été condamnée à six reprises en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), au sujet de la rétention des enfants. « Permettre d’enfermer des enfants, c’est gravissime, jugent les élus PCF, surtout que la France est signataire de la convention relative aux droits des enfants (des Nations Unies) ».
Le PCF propose différentes solutions comme élaborer une loi de programmation de 50 000 places d’hébergement en Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), installer dans tous les départements frontaliers des centres de premier accueil en collaboration avec les associations humanitaires et donner les moyens aux départements d’accueillir des mineurs isolés. « Comme la loi l’oblige, tous les mineurs doivent être mis à l’abri et avoir droit à la scolarité ». Martine Vassal, la présidente du Département, avait elle même soulevé le problème, en octobre dernier à l’occasion de la visite du premier Ministre.
Enfin pour tordre le coup à certaines idées reçues selon lesquelles les « migrants envahissent la France, viennent profiter des allocations ou encore viennent pour se soigner… c’est faux ! », clame Cécile Dumas. En 2017, la France a accueilli au titre du droit d’asile 78 016 personnes, soit 0,1% de la population française. « Il n’existe pas d’allocations familiales, ni d’APL, ni de RSA pour les demandeurs d’asiles et les migrants en situation irrégulière et l’aide médicale d’Etat (AME) est accordée gratuitement en justifiant une résidence stable et sans conditions aux enfants mineurs », rappellent les élus. « Il ne s’agit pas de concurrence des misères, il y a un combat à mener contre toutes les misères. Une politique de paix est essentielle en France ».
La Marche solidaire pour les migrant(es).
Des citoyens révoltés par le sort fait aux migrants ont imaginé l’accueil de la marche nationale, avec l’appui de bénévoles de plusieurs associations et réseaux qui œuvrent de longue date à l’aide aux migrants sous toutes ses formes, des adhérents d’organisation syndicales, politiques ou citoyennes. Cette marche a débuté le 30 avril à La Roya et se terminera le 8 juillet à Calais. 60 étapes, 1400 km, pour rallier la frontière franco-italienne à la frontière franco-britanique. Objectif : militer pour l’accueil des migrants, contre le blocage des frontières, contre le « délit de solidarité », mais aussi pour collecter des fonds et susciter des donations en nature pour aider les migrants… Les marcheurs inviteront les citoyens solidaires à les rejoindre à l’entrée des villes-étapes. L’étape marseillaise les 12 et 13 mai est organisée en trois temps. Samedi après-midi, la marche revendicative et dans la soirée la «belle soirée de mai», à La Friche, puis dimanche midi un pique-nique géant.
> Infos pratiques et inscriptions : laubergedesmigrants.fr