« Arles et la Région Sud : capitale de la fabrication des masques médicaux jetables », c’est le rêve affiché par Mourad Amara, le patron de la start-up Protecto. Plus connu pour ses housses anti-gel pour les compteurs d’eau, le dirigeant a annoncé le 8 mai sur les réseaux sociaux qu’il se lançait dans un nouveau défi : relocaliser la production de millions de masques pour la crise sanitaire sur le territoire.
Une usine pour se libérer de la dépendance à la Chine
« Notre initiative, commencée il y a plus d’un mois, fait suite à une prise de conscience sur la nécessité de se libérer, une fois pour toute, de notre dépendance de pays comme la Chine et autres et vers qui nous nous tournons lorsque nous avons les genoux à terre face à des épidémies qui touchent nos concitoyens. Comme tout le monde, j’ai assisté devant mon écran fin mars à l’arrivée des premiers masques à l’aéroport de Paris sous la garde du GIGN. On avait l’impression que c’était des lingots d’or. Alors que nous sommes l’une des plus grandes puissances mondiales, on a dû négocier auprès des Chinois pour les obtenir, ce n’est pas acceptable », dénonce Mourad Amara. Fort des compétences de confection textile de Protecto, il estime pouvoir créer en quelques semaines une usine made in France de masques jetables capables de rivaliser avec les Asiatiques.
Déjà propriétaire d’un site de 700 mètres carrés disponibles à Arles, il ne lui manque que les machines et la matière première. « J’ai mobilisé mes contacts en Asie pour trouver les meilleurs fournisseurs. Ce n’est pas facile car il faut s’assurer de la qualité des produits très fluctuants. De plus, les prix se sont largement emballés depuis le début de la crise. Début avril, la matière première qui compose le filtre des masques est passé de 9,5 dollars à 130 dollars en quelques jours », révèle-t-il. Les fournisseurs trouvés, il s’est ensuite tourné vers Ceva, la filiale logistique de la CMA CGM, pour acheminer le matériel. « Ils m’ont beaucoup aider avec leur pont aérien qui m’a permis de faire venir trois tonnes de matières premières et de boîtes », indique Mourad Amara. Les machines qui vont composer la ligne de production doivent arriver dans quelques jours et l’usine sera opérationnelle avant la fin du mois de mai.
La Région financeur et relais commercial de Protecto
Pour prendre corps, ce projet a nécessité un investissement de départ conséquent pour une petite société comme Protecto. Si elle est déjà propriétaire de ses locaux sur la zone Sud d’Arles, elle a tout de même dû mobiliser 200 000 euros, dont près de 150 000 euros pour l’achat de la nouvelle ligne de production achetée Artech, une société chinoise. La société a pu compter sur ses partenaires bancaires pour ouvrir un crédit mais surtout sur une subvention du Conseil régional. Mourad Amara, déjà connu par les services de la Région grâce à Protecto, est surtout un proche de Cyril Juglaret, conseiller régional et candidat LR aux municipales d’Arles. « Il m’a tout de suite mis en contact avec les outils de financement de la Région qui m’ont accordé une subvention sans laquelle rien n’aurait été possible », avoue Mourad Amara qui préfère ne pas divulguer le montant exacte de l’aide de la collectivité. Et séduit par ce projet de relocalisation de production de masques, la Région l’a encore aidé à trouver des clients : « Ils m’ont mis en relation avec plus d’une trentaine de collectivités qui seront livrées à la fin du mois », indique-t-il.
Un million de masques par mois
« On a des coups de fil tous les jours de particuliers, de collectivités, de sociétés privées… Il y a une très forte demande », avance Mourad Amara. En quelques semaines, Protecto a engrangé près de 300 000 commandes pour des clients de toute la région. « Et on commence à recevoir des appels d’Occitanie ou encore d’une société d’import-export de Paris qui veut distribuer nos masques en Afrique », poursuit le patron. Selon ses calculs, il devrait vendre environ 400 000 masques sur le mois de mai et 600 000 en juin avec une montée progressive jusqu’à la capacité maximale de son usine : 32 000 masques par jour, soit un million par mois. Et Protecto avance des tarifs très compétitifs entre 50 et 90 centimes le masques, « pas loin des prix chinois », assure Mourad Amara. En suivant ce rythme, l’entreprise pourrait bien réaliser plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires par mois, soit cinq fois son chiffre annuel réalisé avec ses housses pour compteurs d’eau. « Cette activité devrait rapidement être rentable », estime-t-il. Pour démarrer, Protecto a embauché six personnes, des opérateurs machines et du personnel dédié à l’emballage. Si sa cible principale reste les grands groupes et les collectivités, la société souhaite également fournir la population locale. Aussi, Protecto va ouvrir un point de vente physique ouvert à tous à côté de son usine arlésienne. Les masques y seront vendus entre 50 et 60 centimes l’unité. Et Mourad Amara compte même aller plus loin pour répondre à la demande croissante des habitants du territoire. « On va ouvrir un atelier de formation à la couture pour apprendre à la population à confectionner ses propres masques en tissus », annonce-t-il. Il va également mobiliser les détenus de la prison des Baumettes à Marseille qui fabriquent aujourd’hui ses housses pour les compteurs d’eau. « D’ici fin juin, on va leur proposer de faire des masques en tissus », avance le patron. C’est toute une filière autour de la fabrication de masques que Protecto est en train de construire. Si elle atteint ses objectifs, la société aura prouvé que la relocalisation de la production de produits de première nécessité en France est possible et fera peut-être des émules dans le reste du pays. « Le Made in France est important surtout sur ces produits de première nécessité sanitaire et ne doivent plus être guidé par des entités étrangères qui spéculent pendant que nos personnels soignants se battent aux côtés de nos anciens », conclut Mourad Amara.
Protecto a vendu plus de 1 000 housses anti-gel pour les compteurs d’eau l’an dernier
Avec cette nouvelle aventure, Protecto s’apprête à changer de dimension avec une promesse de chiffre d’affaires très importante. Cependant, il ne délaisse pas ses premières amours : la fameuse housse anti-gel pour compteurs d’eau qui lui a déjà valu des prix au concours Lépine et au CES de Las Vegas. Cela fait maintenant deux ans que la société commercialise son produit et elle commence à voir décoller les ventes. « Sur le dernier exercice, nous avons vendu environ 1 200 housses », indique Mourad Amara. Ce qui porte son chiffre d’affaires à près de 100 000 euros. Mais juste avant le confinement, Protecto a signé avec plusieurs enseignes de bricolages (Union Matériaux, la quincaillerie aixoise) pour distribuer ses housses dans leurs magasins. Un partenariat qui devrait booster ses ventes. Il continue aussi de travailler sur sa housse connectée, « un produit technologique très évolué qui permet de repérer les éventuelles fuites et économiser ainsi beaucoup d’eau », détaille le patron. Cette fois, il s’adresse surtout aux collectivités. Les premiers contrats étaient sur le point de se conclure au mois de mars « mais le Covid-19 a tout arrêté. Ce n’est cependant qu’un retard, on devrait bientôt signer », assure Mourad Amara.
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