C’était prévisible. Les écoles de Marseille ont été une nouvelle fois au centre des débats. Plus d’une heure pour commenter le rapport 206, qui prévoit le remplacement des 31 écoles Geep (lire encadré) par la construction de 34 nouveaux établissements. Le Parti socialiste a lancé l’offensive en présentant deux amendements en urgence, le premier pour renvoyer le rapport en commission Education, pour avis consultatif, pour cause « d’irrégularités ». Le second, pour dénoncer le choix juridique et le mode de financement. Car c’est là que le bât blesse : le choix de la Ville de recourir à un accord cadre de marché de partenariat public-privé (PPP) et le coût de 1,4 milliard d’euros sur 25 ans (un peu plus de 41 millions d’euros par an représentant 20 millions d’investissement, 9 millions de frais financiers et 11 millions pour la maintenance). S’il s’agit pour Jean-Claude Gaudin d’un « véritable plan Marshall, qui n’a aucun équivalent ailleurs », le programme le plus important sous l’ère Gaudin, c’est, pour Benoît Payan, « un armageddon budgétaire ».
Manque de transparence et de concertation
« Ce plan ne prépare en rien l’avenir de notre ville, c’est une bombe à retardement financière », a-t-il déclaré dans l’hémicycle, estimant avoir été écarté des réflexions menées par la Ville. Manque de transparence et de concertation également mis en avant par Karim Zéribi (EELV) et Jean-Marc Coppola (PC) qui ont également remis en cause le choix du PPP, rappelant aux bons souvenirs du conseil la note salée dans l’épisode du Vélodrome sur fond de PPP. « Nous avions voté en conseil municipal une dépense de 167 millions d’euros la première fois que vous nous avez présenté la rénovation du stade, rappelle Karim Zéribi. Un an après, nouvelle délibération, par le biais d’un PPP, nous sommes parvenus à 260 millions d’euros. Plus de 100 millions d’euros d’écart entre le projet initial et le projet final. Le PPP n’est pas la solution pour une collectivité qui se dit endettée ».
Et pourtant pour la Ville, « c’est la meilleure solution aussi bien financièrement, que juridiquement », a affirmé Roland Blum, adjoint en charge des Finances. Ce marché est inférieur à la MOP (maîtrise d’ouvrage publique) de 8,6% et prend en compte la notion de risque (conception, « infructuosité » des marchés, bâti, sol…) » Reste que cette mention des risques « reste flou » pour Benoît Payan, qui interroge : « Comment se fait-il qu’au départ la MOP est de 93 millions d’euros moins chère que le PPP et que lorsqu’on introduit la notion de risque elle est 50 millions plus cher ? »
Pour Roland Blum, il s’agit justement de faire en sorte que les risques à la charge de la municipalité, en tant que maître d’ouvrage public, soient transférés au privé. « S’il y a des risques importants, c’est le maître d’ouvrage privé qui devra les assumer, voilà toute la différence. » Pour l’élu, le PPP est le contrat garantissant le mieux les finances publiques et municipales, le meilleur garant de la bonne réalisation, du non-dépassement des prix et du respect des délais, « car les écoles doivent être livrées au plus tard au mois de juillet, si ce n’est pas le cas, l’année est perdue car la rentrée scolaire ne peut se faire. »
Les deux amendements déposés par le PS ont été rejetés. Le rapport a été voté à la majorité municipale, l’opposition dans son ensemble a voté contre.
De l’histoire des « Geep » au choix du PPP
Dans les années soixante, une cinquantaine d’écoles regroupées sur 32 sites marseillais ont été construites : des préfabriqués en usine, toutes à l’identique, appelées « Geep » ou encore les écoles Pailleron. Ces écoles vieillissantes, représentant au fil du temps des difficultés de gestion, coûtent plus chères que prévu et s’adaptent mal aux nouveaux usages et aux contraintes réglementaires imposées dans ces équipements.
Ainsi, en 2016, il avait été décidé en conseil municipal de lancer une grande mission économique financière, juridique et technique afin de prévoir le renouvellement de ces écoles devenues obsolètes. Il avait été décidé d’associer à ce projet la construction de six nouvelles écoles. Après comparaison de différentes solutions juridiques et financières, c’est celle d’un partenariat public-privé que la Ville a choisi de privilégier.
Ce rapport a été soumis au contrôle de l’Etat plus précisément l’organisme de Fin Infra, spécialisé dans les montages juridiques et financiers des infrastructures publiques au ministère de l’Économie, en charge de la commande publique. Après plusieurs semaines d’analyse, Bercy a confirmé à la Ville, « que l’accord cadre de partenariat était la meilleure solution », a signifié le maire de Marseille. Ce contrat permettra de retenir trois ou quatre entreprises, qui seront mises en concurrence pendant plusieurs années pour réaliser les différents marchés subséquents qui auront chacun cinq, six ou sept écoles. Ainsi, la Ville espère détruire les 31 « Geep » et construire 34 nouveaux établissements en l’espace de six ans.
Par ailleurs, une étude de « soutenabilité » budgétaire a également été réalisée pour évaluer la faisabilité du projet et son impact sur les finances communales. Étude soumise à la Direction régionale des finances publiques pour avis extérieur, qui après plus d’un mois d’analyse, a également émis un avis positif, confirmant les prévisions budgétaires de la Ville.