Suite au drame de la rue d’Aubagne, l’Etat a annoncé la création d’une multitude de nouveaux outils dont la SPLA-IN, la grande opération d’urbanisme, le projet partenarial d’aménagement… Il est parfois difficile de s’y retrouver…
Lionel Royer-Perreaut : Vous avez tout à fait raison et cela nécessite une période d’assimilation pour beaucoup de monde, ce qui est mon cas. Nous héritons de ce que le législateur a voulu et on ne peut pas dire qu’il simplifie la tâche des acteurs locaux. Alors que dans la résorption de l’habitat indigne, il faudrait de la souplesse te de la réactivité. Or nous avons une législation qui ne cesse de se densifier et de complexifier les process. C’est une des raisons pour lesquelles il est nécessaire que nous mettions beaucoup plus de fluidité humaine entre nous pour surmonter les obstacles techniques et institutionnels.
Concrètement, où en est cette fameuse SPLA-IN ?
Lionel Royer-Perreaut : La SPLA-IN est légalement formée mais n’est pas opérationnelle. Elle va monter en puissance dans les mois qui viennent. Nous allons devoir travailler en osmose avec la SPLA-IN. Les mandats qui ont été attribués à la Soleam dans le cadre de l’opération grand centre-ville vont se poursuivre sur les durées initialement fixées. Nous avons le 25 novembre prochain un comité de pilotage à l’initiative du préfet de Région et de la présidente de la Métropole sur le projet partenarial d’aménagement qui fixe les grands principes stratégiques de l’action de la SPLA-IN. Sitôt ce comité de pilotage réalisé, nous aurons rapidement la réunion du conseil d’administration de la SPLA-IN pour la mettre en ordre de marche. Ce sera l’occasion de recruter un directeur général pour remplacer celui qui assure l’intérim depuis cet été. On choisira également un président. La mise en place des équipes pérennes est nécessaire pour avancer. Mais ce n’est pas parce que cela ne se voit pas que nous ne travaillons pas et la Soleam travaille déjà sur l’habitat indigne dans le cadre de ses missions actuelles.
On a encore du mal à connaître la vision globale de la Ville de Marseille
Lionel Royer-Perreaut
Sur le logement, la nouvelle majorité de la ville de Marseille a l’impression de ne pas avoir les leviers d’actions nécessaires pour appliquer sa politique. Comment allez vous prendre en compte leurs demandes sur des sujets où politiquement vous êtes parfois opposés ?
Lionel Royer-Perreaut : Les élus de la Ville sont en train de découvrir qu’à chaque fois qu’ils poussent une porte, il y a la Métropole, le Département ou encore la région et que leurs modes d’interventions sont très restreints. D’ailleurs cela les amène à être dans une posture très offensive pour donner l’impression aux gens qu’ils sont à l’oeuvre alors qu’en fait, ils ont assez peu de moyens pour le faire. Ils recherchent également d’autres modes de financement pour pouvoir mettre en place leur politique, en s’appuyant notamment sur le plan de relance du gouvernement. Sur le plan politique, il n’est pas question de nier la réalité démocratique. Nous devons entendre ce que la ville veut nous dire. Encore faut-il qu’elle ait des choses à nous dire. Dans leur document stratégique sur le logement qu’ils présenteront lundi 23 novembre en conseil municipal, une fois que vous avez additionné quelques grands totems de gauche, ça ne fait pas une grande politique de l’habitat et du logement. Ce document est relativement parcellaire. On a encore du mal à connaître leur vision globale sur le sujet. Malgré tout, il va falloir qu’on travaille ensemble. Ayons l’intelligence collective de travailler au bénéfice de nos populations. Surmontons nos postures politiciennes. Il faut faire preuve de beaucoup de modesties et d’humilité. Les bilans et les passifs arrivent très vite. Les décisions politiques doivent se prendre tout de suite.
Michèle Rubirola annonce vouloir créer 3 000 logements sociaux sur son mandat à Marseille. Est-ce une bonne idée et est-elle réalisable ?
Lionel Royer-Perreaut : En matière de logement, tout le monde sort des chiffres. Chaque ministre annonce son plan logement, chaque maire lance des grands chiffres… Sauf que je trouve que c’est très imprudent car la politique du logement est le fruit d’éléments que vous ne maitrisez pas. Au niveau national, les politiques changent régulièrement avec de nouveaux dispositifs et il faut le temps de s’adapter à cela. Le contexte économique influence également les actions sur le logement. Les Français ont moins de capacité à investir, les banques prêtent moins. Le parcours résidentiel se fige et cela a des répercussions sur la capacité de produire des logements sociaux en particulier. Ça n’est pas simplement la volonté d’un maire qui permettra d’atteindre le cap fixé. Sur le centre-ville, je me permets de rappeler que nous avons déjà fait des choses. Nous avons créé 500 logements sociaux dans le cœur de Marseille depuis 2005 grâce à la première opération de rénovation urbaine en centre-ville. Ensuite, on nous demande de racheter du bâti pour faire du logement social en centre-ville. Seulement, pour sortir une opération sociale, il faut un foncier entre 1 600 et 1 900 euros le mètre carré. Avec 13 Habitat, nous sortons des opérations au final aux alentours de 3 700 euros le mètre carré. Cela veut dire que pour les opérations en centre-ville, on multiplie par trois le coût du logement. On doit donc être puissamment aidé par la puissance publique sans quoi, il est impossible de proposer des loyers attractifs. C’est une réalité complexe.
Je suis contre l’encadrement des loyers
Lionel Royer-Perreaut
Michèle Rubirola propose à la Métropole d’expérimenter l’encadrement des loyers à Marseille. Qu’en pensez-vous ?
Lionel Royer-Perreaut : Je suis contre. L’encadrement des loyers s’expérimente depuis deux ans à Paris et seulement quelques mois à Lille, donc nous n’avons suffisamment de retour d’expérience. Ce dispositif a deux effets néfastes. Tout d’abord sur la mobilité. Une personne qui occupe un grand logement à bas coût alors qu’il n’a besoin que d’une petite surface ne sera pas incitée à quitter son logement. Cet encadrement fige le parcours résidentiel. Deuxièmement, cela a un impact sur la qualité de l’immobilier. Les investisseurs, compte-tenu que le bien devient mois rentable, investissent encore moins. Ce n’est pas comme ça que l’on va lutter contre les marchands de sommeil. Par contre, avoir une action avec le permis de louer me semble beaucoup plus intéressant.
A suivre demain, le volet politique de notre interview de Lionel Royer-Perreaut
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