« Ça devrait le faire cette fois ». Dans l’hémicycle du Conseil régional qui commence lentement à se remplir cette petite phrase claque soudain. Une petite plaisanterie. C’est dire que les rendez-vous manqués par le passé de Renaud Muselier continuent d’alimenter les conversations, mais ce lundi 29 mai 2017, c’était bien son heure, son grand jour, sa consécration. Sans surprise, puisqu’il était le seul candidat, Renaud Muselier a été élu président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avec la totalité des voix exprimées : 81 voix sur 81 votants et sur 122 conseillers présents, le FN ayant annoncé dès l’ouverture de la séance qu’il ne prendrait pas part au vote. C’est sous de longs et chaleureux applaudissements que le tout nouveau patron de la Région a savouré le résultat de ce scrutin. L’élection est la conséquence de la démission, dans le courant du mois de mai, de Christian Estrosi qui a choisi de se retirer de la Région pour se consacrer à sa ville de Nice, dont il est redevenu maire. Il reste néanmoins premier vice-président de la commission permanente. «Ma place est d’abord à Nice, je le sais, je le sens, mais je resterai à tes côtés comme tu me l’as demandé», a déclaré Christian Estrosi, qui quitte la présidence avec le «sentiment du devoir accompli ».
Autorité, écoute et proximité
Renaud Muselier qui nous a confié ne pas s’être battu pour la première place « Je n’avais pas vocation à être le premier quand j’ai été élu avec Christian », accorde une grande importance à la confiance, celle que lui accorde Christian Estrosi et plus largement toute sa famille politique. A 58 ans, ayant revêtu l’écharpe rouge et jaune, c’est en présence de « personnalités politiques éminentes » venues le rejoindre qu’il a entamé son discours. Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement a accepté l’invitation en tant qu’ami. Renaud Muselier « heureux de sa présence » a d’ailleurs eu un mot pour lui. « Candidat aux élections régionales (ndlr en 2012), vous avez eu le courage de vous retirer au second tour alors que l’essentiel était en jeu. Je ne l’oublie pas ». Un retrait pour faire barrage au Front national. Les deux hommes ont toujours eu des relations de respect, de courtoisie et de franchise. « C’est rare en politique lorsque l’on est adversaire. »
Également présents pour ce moment, le sénateur-maire (LR) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, avec lequel il a formé un « tandem pendant des années pour construire notre ville, Marseille », le président Michel Pezet, dont il apprécie la « finesse d’esprit », le sénateur-maire Bruno Gilles, son « indéfectible compagnon de route», la sénatrice Sophie Joissains ou encore la sénatrice-maire Samia Ghali, dont il aime « le courage et la détermination ».
La gouvernance de Renaud Muselier sera marquée par trois mots d’ordre : autorité, écoute et proximité. « Elle nous permettra de replacer notre institution au cœur de l’action politique et d’être clairement identifiée par nos concitoyens. » Le docteur en médecine a également affirmé la volonté de poursuivre les engagements pris au cours de ces derniers mois et maintenir le cap. « Il y a dic-huit mois, nous avons passé un pacte moral avec les cinq millions d’habitants de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ce pacte, je ne l’oublierai jamais. Il est et restera ma boussole ». À la barre, Renaud Muselier mettra tout en œuvre pour faire de la région Paca un fleuron international. « Nous allons convaincre le monde entier que nos talents, notre capacité d’innovation, de création, notre art de vivre sont des atouts pour créer des emplois. Nous continuerons le travail engagé pour faire de notre région la référence européenne de la préservation de la biodiversité et l’énergie durable ». Dans son ADN politique, la culture du résultat. En suivant sa feuille de route, il entend replacer la jeunesse au cœur de son action et faire de la région le premier investisseur public, avec comme fil rouge : l’Europe. Il conserve d’ailleurs son mandat de député européen. « Aujourd’hui, l’Europe c’est le 13e mois de Provence-Alpes-Côte-d’Azur ».
La première Smart région d’Europe
L’attractivité du territoire et la stratégie économique resteront également une priorité. « La Région soutiendra toutes ses TPE et PME en mettant ses moyens et services à leur disposition. » Elles représentent 95% du tissu économique et 75% des créations d’emplois. Cette aide se manifeste à travers un coup de pouce aux dirigeants et salariés pour réussir leur transition numérique et ainsi renforcer leur compétitivité. « Un effort considérable » est réalisé cette année, pour renforcer la couverture numérique et devenir la première Smart région d’Europe. « Ce sont ainsi plus de 171 millions d’euros que nous consacrons au déploiement du haut débit dans nos territoires ruraux. » Attaché aux services publics, aux soins, à l’accès à la culture pour tous ou encore à l’enseignement supérieur, Renaud Muselier a évoqué les différents atouts de la région, géographiques, culturels et économiques, « pour être aux avants postes d’une politique internationale ambitieuse et stabilisatrice. »
S’il a eu des mots d’encouragement envers Christophe Castaner dans sa campagne législative, lui, soutiendra les candidats de sa famille politique. Et il en est un qu’il n’a pas oublié : Jean-Luc Mélenchon. « Ce qui nous intéresse, ce sont les Marseillais. Représenter les Marseillais à Paris, c’est surprenant quand on est de nulle part». Renaud Muselier, lui, revendique d’être Marseillais, cette ville qu’il adore. Dans la continuité mais en même temps cultivant une différence avec Christian Estrosi dans le mode de gouvernance, Renaud Muselier qui, toute sa vie, a été guidé par le serment d’Hippocrate, entend honorer dignement sa nouvelle fonction. « Je ne vous décevrai pas ». Son premier déplacement est prévu aujourd’hui, mardi 30 mai, dans le Vaucluse.
Dernière séance pour Marion Maréchal – Le Pen. Le Front national qui n’a pas pas pris part au vote a toutefois souhaité s’exprimer. C’est donc par la voix d’Olivier Bettati que le FN a adressé ses « félicitations républicaines », à Renaud Muselier. Pour lui, cette élection devrait changer les choses, car Renaud Muselier souhaite « des débats apaisés, que tout le monde travaille ensemble, je pense que c’est une bonne chose, exprime le conseil régional FN. C’est ce que nous avons essayé de faire depuis dix-huit mois, mais Christian Estrosi se servait de ce poste comme marche pied vers Monsieur Macron et tout prenait toujours des proportions invraisemblables. Je suis content que Monsieur Muselier ait fait passer ce message ». Olivier Bettati qui pourtant dans l’hémicycle décochait ses dernières flèches vers Christian Estrosi : « La vieillesse est un naufrage, surtout quand on vous voit finir avec Macron ».
Le seul groupe d’opposition au sein du Conseil régional n’a pas encore choisi le successeur de Marion Maréchal Le Pen, qui a décidé de quitter ses mandats politiques pour se consacrer à sa famille. Au nom du groupe, Olivier Bettani a souhaité une pleine réussite évoquant un retour futur. La jeune femme a été longuement applaudie par les élus frontistes. Le nouveau président a, lui aussi, eu un petit mot pour son départ : « Je vous souhaite d’être très heureuse dans votre vie. » Il a salué sa décision de s’occuper de sa famille tout en lui conseillant de se préserver de la sienne. Il regrette néanmoins « de ne pas pouvoir ferrailler contre elle. » Ambiance apaisée ? Les prochaines séances le diront…