Les attaques contre les sciences, la recherche, les scientifiques se multiplient aux Etats-Unis, depuis la prise de fonction de Donald Trump et la nomination d’Elon Musk (département de l’efficacité gouvernementale). Ces attaques sont d’une ampleur inédite depuis la Seconde guerre mondiale. Il s’agit d’interdire tout travail de connaissance rationnelle au nom d’une idéologie imposée par le mensonge et l’intérêt de quelques-uns. La démocratie, dans ses dimensions de respect des diversités, support des droits humains, expression des libertés est ébranlée par ces actes d’autoritarisme politicien. Après un premier effet de sidération, la résistance s’organise dans les universités américaines. Le 7 mars, sera aux Etats-Unis une journée de mobilisation Stand up for science.

En solidarité avec leurs collègues d’outre-Atlantique et avec une conscience grave que cette situation ne se limite pas seulement aux frontières des USA, les scientifiques d’Aix-en-Provence, Avignon, Marseille ont décidé d’afficher leur solidarité internationale. En écho à la journée Stand-up for science initiée aux États-Unis, ils appellent à un rassemblement le 7 mars, à Marseille à 12h au Palais Longchamp – Muséum d’histoire naturelle. Leur objectif est clair : défendre les sciences et les humanités, la liberté académique et l’Université comme piliers d’une société démocratique. Nous publions ici la tribune de l’un de ces scientifiques : l’astrophysicien Jacques Boulesteix.

[Tribune] Jacques Boulesteix : « des régressions considérables, parfois irréparables »

Le 7 mars à 12h devant le musée d’Histoire Naturelle à Marseille, chercheurs et universitaires se réuniront dans le cadre de l’initiative de Stand Up For Science. Une vingtaine de rassemblements de ce type auront lieu en France en écho au mouvement initié aux États-Unis et face aux menaces contre les institutions scientifiques. En soutien, un appel national de scientifiques connus sera publié le 4 mars dans le journal Le Monde.

Cette initiative dépasse en fait largement les acteurs mêmes de la recherche scientifique ou de la transmission des savoirs. Car même si les attaques de l’administration Trump contre la science sont spectaculaires et touchent hélas un pays majeur dans ce domaine, la liberté d’enseignement et de recherche fait aujourd’hui l’objet de menaces de plus en plus fréquentes dans le monde entier. Au premier rang le pluralisme, la tolérance, la transmission des savoirs, la formation des opinions individuelles et collectives, les débats d’idées au travers des dissensus exprimés…

Dans ce contexte général où les idées les plus complotistes, négationnistes, obscurantistes se répandent, il est impératif que citoyens et scientifiques réagissent. La prestigieuse Académie des Sciences vient de publier une nouvelle alerte, rappelant les conséquences pour tous de cette dangereuse évolution.

Dans les Etats-Unis de Trump, la surveillance satellitaire des gaz à effet de serre est interrompue

Car ces idées se traduisent par des actes, des régressions considérables, parfois irréparables. Dans les Etats-Unis de Trump, l’accès universel aux soins est remis en cause au même moment où la désinformation médicale se répand dans les réseaux sociaux. Le gouvernement supprime ou censure toutes les actions liées au changement climatique. La surveillance satellitaire des gaz à effet de serre est interrompue. La liste des recherches dans la ligne de mire ne fait que s’allonger : environnement, biodiversité, études de genre, énergies propres et renouvelables. Ceci se traduit par des coupes budgétaires soudaines et drastiques et des milliers de licenciements de chercheurs.

Comme l’indique l’Académie des Sciences, « des années de formation et de recherche sont soudain perdues, les travaux interrompus, et les collaborations internationales sacrifiées. La recherche scientifique est aujourd’hui mondialisée, et tous les pays vont subir l’impact de ces décisions. (…) Les dégâts causés en si peu de temps seront beaucoup plus longs à réparer. »

La National Science Foundation (NSF) qui est l’agence publique américaine pour soutenir la recherche scientifique, vient de perdre 10% de ses chercheurs, avertis par simple courriel de devoir quitter leur bureau sous deux heures. Ceux qui restent ont été informés que les termes « handicap, activisme, diversité, équité, ethnicité, femme, minorité, socio-économique » étaient désormais bannis de toute rapport et de toute publication scientifique…

Elon Musk pille à son profit personnel les agences fédérales

Sciences humaines et sociales, environnement, santé, toute la recherche américaine est progressivement touchée. Même l’astrophysique ! Le télescope spatial international James Webb, lancé en 2021 et qui nous a éblouis par ces images extraordinaires de l’Univers, voit son exploitation remise en cause par une coupe unilatérale de 20% de la contribution américaine. Au même moment, Elon Musk, promoteur du projet de voyage humain vers la planète Mars, pille à son profit personnel les agences fédérales, et notamment le savoir-faire accumulé depuis près de 70 ans par la Nasa.

Nous, scientifiques, sommes plongés dans un état de sidération et souhaitons agir. Ce qui se passe dépasse de loin notre propre activité scientifique. La connaissance scientifique, la diffusion des savoirs, la liberté de recherche et la liberté d’apprendre, font partie des bases fondamentales du fonctionnement démocratique de nos sociétés. Nous espérons que nous serons nombreux aux rassemblements du 7 mars, notamment à 12h devant le Muséum d’Histoire Naturelle à Longchamp.

Jacques Boulesteix
Astrophysicien

Lien utile :
Le site Stand Up for science France