Rien ne se perd, tout se transforme. A l’heure où les ressources se font rares, la prise de conscience intervient chez les entreprises et collectivités. Au sein de la station d’épuration de la Pioline (Aix-les-Milles), détenue par la Régie des eaux du Pays d’Aix (Repa) et exploitée par Veolia, une nouvelle unité vient de voir le jour : la valorisation du biogaz. Cette nouvelle unité a été inaugurée ce mercredi 9 novembre, en présence du maire d’Aix-en-Provence Sophie Joissains, du président de la Repa, Stéphane Paoli, et des représentants de l’Etat, la Métropole ainsi que la Région. « Les événements survenus ces derniers mois ont mis cruellement en exergue l’importance d’approches novatrices en matière de production d’énergie et les efforts nécessaires dans le cadre de la transition énergétique », souligne en préambule Sophie Joissains, faisant référence au contexte actuel de crise énergétique en partie causée par la guerre en Ukraine.
La Régie des eaux du Pays d’Aix est un établissement public à caractère commercial créé en 2019 et rattaché à la Métropole Aix-Marseille. Elle gère l’approvisionnement en eau de dix communes du Pays d’Aix (Aix-en-Provence, Venelles, Saint-Marc-Jaumegarde, Gardanne, Vitrolles, Saint-Antonin-sur-Bayon, Châteauneuf-le-Rouge, Saint-Paul-lez-Durance, Saint-Estève-Janson et Fuveau).
« La création de cette unité s’inscrit dans les objectifs de l’Etat dans la loi Climat et Résilience de 2021 de réduire de 55% la production de gaz à effet de serre d’ici 2030. […] Ce projet est exemplaire est ce qu’il est à la fois économique et écologique » se réjouit le préfet d’arrondissement d’Aix-en-Provence Bruno Cassette. « Il faut ce type d’installation pour que la Région atteigne son objectif de neutralité énergétique », ajoute pour sa part Violaine Richard, conseillère régionale et vice-présidente de la commission transition énergétique de la collectivité.
Un investissement de 2,7 millions d’euros et un amortissement sur trois ans
Coût total de l’opération : 2,7 millions d’euros, financés pour plus de la moitié par des subventions de l’Agence de l’eau (970 000 euros), de la Région (400 000) et de l’Ademe (83 000), les 1,2 million restants étant issus des fonds propres de la Repa. Cette dernière espère rentabiliser son propre investissement d’ici trois ans, en générant entre 500 000 et 600 000 euros par an de chiffre d’affaires issus de la vente du biogaz.
« Il s’agit d’un coût de réalisation très faible », tient à souligner le président de la Repa et conseiller municipal aixois Stéphane Paoli. En effet, un projet similaire porté par la Métropole de Nîmes a été inauguré en octobre 2022 pour un montant de plus de 20 millions d’euros et une production de biométhane estimée à 770 000 Nm3 (normo mètres cubes) par an, une quantité égale à l’unité de la Pioline. Une économie rendue possible grâce à la pré-existence des digesteurs sur le site aixois. En effet, si la Repa ne commercialisait pas le biométhane jusqu’alors, elle en connaissait déjà le processus et l’utilisait notamment pour chauffer les boues et réduire leur volume, avant de les transformer en compost à destination de l’agriculture. « Depuis cinq ans, nous avons l’autorisation règlementaire de le réinjecter dans le réseau de ville une fois qu’il est épuré », précise Guillaume Gérin, chef du pôle exploitation au sein de la Régie des eaux du Pays d’Aix.
Une production équivalente à 850 foyers
Comment la Repa peut-elle créer du biogaz à partir du traitement des eaux ? Une fois l’eau filtrée, les « boues », substances dues à la décomposition des bactéries qui détruisent la pollution dans l’eau, sont récupérées et chauffées grâce à des digesteurs, qui utilisent eux-mêmes la chaleur issue du traitement des effluents, ce qui permet d’optimiser l’énergie. Le chauffage de ces matières provoque leur réduction et la production de biogaz. « Le processus est le même que dans nos intestins : les boues sont chauffées et fermentent, ce qui génère des gaz », explique Guillaume Gérin. Ce gaz une fois récupéré est épuré puis odorisé – il est en effet totalement inodore mais doit l’être par mesure de sécurité – puis réinjecté dans le réseau du gaz de ville via GRDF.
A terme, le biométhane produit à l’issue du processus a vocation à fournir l’énergie nécessaire pour alimenter l’équivalent de 850 foyers. Cela ne constitue toutefois qu’une estimation, car le gaz réinjecté dans le réseau est acheté par le fournisseur de gaz Proviridis « mais il a vocation à être consommé sur le territoire aixois (à La Pioline, Les Milles, Montclar, Saint-Joseph et La Parade, ndlr) dans une logique de circuit court » ajoute Guillaume Gérin. Concrètement, ce biométhane est utilisé pour l’approvisionnement des foyers mais également pour la mobilité et le fonctionnement des véhicules au GNV (Gaz naturel véhicule).
Aix mise sur le mix énergétique
Pour l’heure, la Repa n’a pas prévu d’agrandissement de ses infrastructures biogaz : « Il faudrait pour cela que les gens augmentent leur utilisation d’eau et donc la production de boues », explique Guillaume Gérin. A l’heure actuelle, la régie traite les eaux de 165 000 habitants du bassin aixois. En revanche, les trois digesteurs qui permettent de chauffer les boues et ont été acquis dans les années 50 feront l’objet début 2023 d’une rénovation, pour un coût avoisinant le million d’euros.
Peut-on imaginer à terme d’alimenter toute la population en biogaz ? « Je ne pense pas qu’on aura assez de biogaz un jour pour alimenter toute la France. Regardez à l’échelle d’Aix : pour l’eau de 165 000 habitants, nous n’alimentons que 850 foyers en biogaz. Pour autant, c’est toujours cela de moins à aller chercher en Russie… », analyse Guillaume Gérin.
De son côté, la Ville d’Aix applique une politique de mix énergétique pour son réseau de chaleur urbain. En effet, le biogaz est complété par la biomasse, générée par la combustion du bois et assurée par le réseau APEE (Engie), pour chauffer au total l’équivalent de 16 000 logements aixois. « A ce jour, 30 000 Aixois sur 150 00, soit 20% de la population aixoise, sont desservis par une énergie verte, décarbonée et en circuit court », assure Stéphane Paoli.
La deuxième station des Bouches-du-Rhône, et bientôt une troisième à Salon
L’unité de valorisation du biogaz est donc la deuxième à voir le jour sur le département, après la station de Sormiou à Marseille, exploitée par Suez depuis 2018. Une troisième devrait prochainement voir le jour à Salon-de-Provence, mais n’est encore qu’au stade du projet. « Et ce n’est que le début ! », se réjouit auprès de Gomet’ Roland Giberti, représentant de la présidente de la Métropole Martine Vassal lors de l’inauguration. L’élu promet la démultiplication de ce type d’installations sur le territoire. A l’échelle de la région, d’autres unités de valorisation du biogaz existent aussi à Cagnes-sur-Mer et Fréjus. Sur la France entière, au 31 mars 2022, ce sont 401 installations qui ont injecté du biométhane dans les réseaux de gaz naturel, selon les chiffres du ministère de la transition et de la cohésion des territoires, repris par la Repa. La production de biométhane poursuit sa croissance dans l’Hexagone et a augmenté de 79% par rapport au premier trimestre 2021, soit 1514 gigawatt-heure produits au premier trimestre 2022.
De son côté, la Repa veut continuer de s’inscrire dans une démarche vertueuse sur le plan énergétique : elle planche ainsi sur la récupération de l’énergie hydraulique pour produire cette fois de l’électricité, la réutilisation des eaux usées, ou encore la pose de panneaux photovoltaïques sur ses infrastructures. La Régie a même lancé des études pour la récupération du CO2 émis lors de l’épuration du biométhane, qui pourrait servir à l’industrie agroalimentaire particulièrement pour la gazéification des sodas. L’énergie produite ne peut plus se perdre dans la nature…
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