Les chefs d’accusation sont lourds, le procureur particulièrement intransigeant. Pourtant, le tribunal ordonne le renvoi d’audience au mois de janvier prochain. Lundi 3 octobre, à 15 heures pétantes, un tribunal fictif s’est rassemblé devant le tribunal de Grande Instance (TGI) d’Aix. En présence d’une centaine de professionnels de justice, avocats et magistrats, des députés Christian Kert (LR), Jean-David Ciot (PS) et de la maire de la ville Maryse Joissains, le tribunal a “jugé” de la culpabilité de l’Etat concernant le projet de construction d’un nouveau bâtiment de justice. À la manoeuvre, Philippe Klein, bâtonnier d’Aix, organise cette saynète dans laquelle il joue le rôle du procureur de la République.
Repoussé, abandonné puis perpétuellement ajourné depuis 1972, la construction du nouveau Tribunal de Grande Instance sait se faire attendre. En 2007, un précédent projet est abandonné par le ministère de la Justice. L’appel d’offre est relancé et un nouveau projet de 45 millions d’euros est mis sur pied avant d’être enterré, pour motif de rigueur budgétaire, par le Premier ministre Manuel Valls en 2014. Entre temps, le TGI d’Aix est scindé entre deux sites provisoires en distants de cinq kilomètres.
L’Etat semble prêt à accélérer
« C’est un enfer pour tout le monde, justiciables comme professionnels de justice » observe Olivier Quesneau, membre du conseil de l’Ordre d’Aix et président du tribunal pour l’occasion. Lui et ses confrères dénoncent les retards dus à la partition du TGI en deux sites, l’insécurité mais aussi l’insalubrité des bâtiments en préfabriqués. « Ca prend l’eau ! » fustige l’un d’eux, consterné de l’état de bâtiments représentant 62 communes et 750 000 justiciables.
Mais si l’accusé – l’Etat – n’est pas condamné, c’est parce qu’il semble prêt à bouger. Le 8 septembre, le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, adresse un courrier à Maryse Joissains dans lequel il annonce la relance du projet avec la reprise « à la fin de l’année 2016 » des études « afin de permettre la mise en concurrence des entreprises, qui seront chargées des travaux en 2017 ». « Nous voulons un engagement ferme de la chancellerie pour que les travaux reprennent à la fin 2016. On espère que cette promesse ne sera pas une déception de plus » ajoute Quesneau.
Les élus derrière les professionnels de justice
Du coté des élus, les députés Kert et Ciot ainsi que Maryse Joissains font front commun pour que le bâtiment sorte de terre. « Nous soutenons ce dossier mais c’est le bâtonnier qui l’a fait avancer avec cette manifestation » analyse la maire d’Aix, qui a revêtu la robe d’avocat pour l’occasion. Ces dernières années, la ville et l’ex-CPA ont proposé à l’Etat de lui avancer sans intérêt les fonds nécessaires à la construction. Une proposition refusée, au motif d’une directive européenne transposée au droit national en avril dernier qui interdit la pratique. « Mais ils ont attendu que la directive passe, ils auraient pu l’autoriser avant » accuse la maire.
Jean-David Ciot attend lui plus de précisions de la part du ministre de la Justice. Dans sa lettre, ce dernier annonce une augmentation de 31% du budget consacré à l’immobilier de la justice. De quoi assurer les travaux du TGI d’Aix, assure-t-il. Le député de la majorité répond en demandant « plus de précisions sur le calendrier et les montants réels de ces arbitrages. Mais aussi connaitre le nom des entreprises mises en concurrence ». En janvier, ce tribunal fictif sera convoqué à nouveau, afin de juger des avancées de l’affaire. « Aujourd’hui, c’était une audience de professionnels, la prochaine fois, ce sera une audience de justiciables » assure le bâtonnier Philippe Klein. Dans son style plus direct, Maryse Joissains annonce « ce jour-là, il va y avoir toute la ville ».