Au bout de quinze ans d’atermoiements et de changements d’aiguillages, la Ligne Nouvelle Paca est enfin sur les rails. Enfin, c’est ce que promet la SNCF qui a réuni la presse ce jeudi 27 juin à Marseille pour présenter le projet avec, cerise sur le gâteau, les premières images de la future gare souterraine à Saint-Charles.
Un géant de verre et d’acier de 10 000 mètres carrés
En arrivant à Marseille, les trains débouchent sur un cul de sac et se retrouvent obliger de rebrousser chemin pour desservir les autres gares de la région. « C’est un véritable aspirateur à irrégularités ! », avoue Jean-Marc Illes, directeur territorial adjoint Paca et chef de la mission LNPCA chez SNCF Réseau. Pour remédier au problème, l’Etat et la compagnie ferroviaire prévoient donc de réaliser une nouvelle gare souterraine qui permettrait d’éviter ce nœud de congestion. Jusqu’alors, elle n’existait que dans les déclarations des élus mais pour la première fois, la SNCF dévoile un plan précis de ce que pourrait être la gare dans un avenir plus ou moins proche : « La construction de la gare fait partie de la phase 2 du projet de la Ligne Nouvelle. On envisage un début des travaux en 2027 pour une mise en service en 2033 », prévient Jean-Marc Illes. L’agence d’architecture Arep, filiale du groupe SNSF, a travaillé sur le projet de la future gare souterraine pour livrer une projection concrète (voir photo). Elle viendra s’installer sur la zone dite des Abeilles, qui est aujourd’hui occupée par de nombreux parkings et le service auto-train appelé à disparaître, entre les voies existantes et le boulevard National. La gare historique avec la halle honorat ouverte en 2007 sera donc conservée. Les dimensions annoncées du nouveau bâtiment : 400 mètre de long, 50 mètres de large et 25 mètres de profondeur. Au total, elle s’étalera sur 10 000 mètres carrés disposés en quatre étages dont deux souterrains. Côté design, « On va partir sur un bâtiment en verre et acier pour faire entrer le plus de lumière possible », explique Roland Legrand, le directeur des Gares Nouvelles pour SNCF Réseau. La partie en surface proposera vraisemblablement les services d’accueil de la SNCF et des commerces. La mezzanine inférieure sera également un lieu de déambulation pour les passagers tandis que les trains circuleront dans l’étage le plus bas. Au total, il y aura quatre voies qui seront principalement dédiées aux trains à grande vitesse et aux trains régionaux qui traversent la ville. « La nouvelle ligne souterraine permettra de réduire les temps de parcours d’environ 15 minutes », estime Jean-Marc Illes.
Un tunnel ferroviaire de 11 km sous Marseille
Pour créer la gare souterraine, c’est une toute nouvelle ligne enterrée qui va être réalisée dans les profondeurs de Marseille. La SNCF annonce le creusement d’un tunnel long de 11 kilomètres qui débuterait dans les quartiers Nord pour ressortir au Sud-Est de la Ville à la Parette. Côté Nord, trois options sont envisagées. La première est de reprendre l’entrée du tunnel au niveau du souterrain existant de la déchetterie des Aygalades. Deuxième opportunité, reprendre à partir du tunnel de Bassens « mais cela impliquerait de lourdes modifications pour les cités existantes et sur du bâti industriel », précise Jean-Marc Illes. Enfin, troisième possibilité, le doublement du tunnel Saint-Louis qui passerait à quatre voies. Ce scénario représente tout de même un surcoût de 85 millions d’euros. Mais avant de mettre en route les tunneliers, la SNCF va d’abord engager la phase 1 du projet de Ligne Nouvelle qui va s’atteler à l’amélioration des lignes régionales vers l’Est et l’Ouest du département des Bouches-du-Rhône. « En surface, sur la gare existante, nous allons nous consacrer à la création d’un réseau de RER métropolitain », explique Jean-Marc Illes. Et de préciser les objectifs : « Dans la journée, on doit doubler le trafic en passant de 140 à 280 trains régionaux ». Pour y parvenir, la SNCF compte réorganiser complètement les voies de l’actuelle gare Saint-Charles en les spécialisant par destinations. « En clair, nous allons faire des sous gares avec des voies consacrées vers Aix-en-Provence, Miramas, la Côte Bleue et Aubagne », avance Jean-Marc Illes. Rien que cette première phase nécessite de gros aménagements prévus bien avant la gare souterraine.
La gare d’Arenc ne bouge pas, les voies sont mêmes doublées
Le début des travaux de la phase 1 sont annoncés pour 2023 avec une livraison pour 2027. Parmi les chantiers notables, le doublement des voies sur la gare d’Arenc-Euroméditerranée qui devraient finalement rester à son emplacement actuel. « Il existe une option avec le déplacement de la gare qui serait même moins cher que le doublement de l’existant mais elle ne serait plus connectée avec le réseau de transports marseillais. Et on a senti que les élus locaux insistaient pour conserver cette interconnexion », explique Jean-Marc Illes. Objectif : proposer un train tous les quarts d’heure vers l’Estaque. Le coût estimé du doublement d’Arenc est de 40 millions d’euros. A l’Est, la SNCF va créer une cinquième voie à la gare de la Blancarde et doit agrandir son technicentre. Aujourd’hui, la SNCF possède deux hectares et elle compte en acquérir trois supplémentaires à la Métropole propriétaire des terrains dits des pharmacies militaires. Enfin, il y a la question de l’augmentation tant attendue de la fréquence des trains entre Marseille et Aubagne. Ici aussi, plusieurs options sont envisagées. Actuellement, la ligne ne propose que deux trains omnibus par heure. « Avec la réorganisation des voies sur le plateau Saint-Charles et la mise en place de notre nouveau système de signalisation ERTMS, nous pouvons arriver à trois trains par heure », avance Jean-Marc Illes. Seulement, l’objectif initial était de passer à quatre trains par heure et pour y parvenir, la SNCF doit construire une quatrième voie entre la Blancarde et la Penne-sur-Huveaune. « Ce seul équipement coutera 310 millions d’euros supplémentaires », prévient le technicien de la SNCF. Il reste sur la table mais la priorité semble donner à l’optimisation des trains sur la gare existante.
La future gare au centre de l’aménagement du projet Quartiers Libres
La gare actuelle sera donc conservée et même rénovée. Le bâtiment historique, baptisé le « camembert » par les cheminots, doit être sérieusement retouché. « Aujourd’hui, il est bourré d’amiante et la moitié des locaux sont inoccupés », avoue Roland Legrand. Même si le chantier coûtera certainement plusieurs millions d’euros, il compte bien dépolluer le bâtiment et s’en servir pour accueillir les services qui devront déménager de la zone des Abeilles qui accueillera la gare souterraine. Au-delà de la gare elle-même, la SNCF compte créer un véritable quartier « ouvert sur la ville ». « Nous avons beaucoup travaillé avec la Métropole qui est très intéressée par la future gare. Elle s’inscrit pleinement dans leurs projets d’aménagements urbains notamment les 180 hectares de Quartiers Libres », affirme Roland Legrand. La future gare doit accueillir à terme 30 millions de visiteurs par an contre 15 millions aujourd’hui « et 20 % d’entre eux ne prennent même pas le train », précise Roland Legrand. Sur son plan, la SNCF s’est même permise de faire figurer un tramway qui relierait le boulevard National à Capitaine Gèze. « La Métropole nous a donné son accord car elle est persuadée de la pertinence de cette connexion multimodale », insiste Roland Legrand. Dans le cadre du chantier de la gare, le tunnel du boulevard national sera même raccourcie d’un tiers de sa longueur. La SNCF va également aménager la partie le long du boulevard Camille Flammarion. Elle dispose d’une grosse réserve foncière sur les Abeilles qu’elle espère bien valoriser. Pour l’heure, elle ne précise pas ce qu’elle souhaiterait en faire mais elle chiffre par contre à 40 millions d’euros les recettes qu’elle pourraient en tirer en y accueillant des projets publics ou privés. Un bénéfice qu’elle compte bien mettre en avant auprès de l’Etat pour faire diminuer le coût du projet. Rien que pour la gare souterraine, la dépense est évalué à 800 millions d’euros. Pour les phases 1 et 2 sur le nœud marseillais, elle varie entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros selon les options. Autant dire que la question du financement sera âprement discutée dans les mois qui viennent.
La mission de financement prévue pour 2020
Dans la décision ministérielle de mars dernier, Elisabeth Borne annonçait la mise en place prochaine d’une mission de financement pour préciser la répartition des couts et les différentes sources possibles. « La mission de financement doit être mise en place au plus tard en 2020 car on doit avoir un plan précis sur ce sujet avant la déclaration d’utilité publique prévue pour 2022 », explique Jean-Marc Illes. L’an dernier, le conseil d’orientation des infrastructures préconisait un engagement de l’Etat à hauteur de 50 % « mais cela reste à confirmer », prévient le cadre de SNCF Réseau. Pour le reste, les collectivités comme la Région et la Métropole seront certainement sollicitées mais Aix-Marseille Provence risque d’être dure à convaincre au vu de sa faible marge de manœuvre financière. Reste l’Europe qui pourrait mettre la main à la poche à condition que le projet rentre dans ses projets stratégiques. En attendant, les réunions de concertation du public ont démarré et permettront à la SNCF de s’assurer de l’adhésion de la population à ses premières esquisses.
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