Nicolas Fortuit, président de la Semag, décrit le futur Pôle Yvon Morandat, le projet de reconversion de l’ancienne mine de charbon de Gardanne.
A quoi ressemblera la reconversion de l’ancienne mine de charbon, une fois le projet abouti ?
Nicolas Fortuit : Le Pôle Yvon Morandat aura trois dimensions : économique tout d’abord, avec la création de 1000 emplois sur 10 hectares, dédiés à l’innovation technologique et sociale ainsi qu’une activité industrielle. Mais aussi un aspect énergétique avec le premier projet européen de géothermie sur eaux de mines de charbon. Nous allons récupérer les eaux d’exhaures remontées par les micro-fissures du sol. Ces 35 millions de m3 nous permettront largement de chauffer les 14 hectares de cet éco-quartier et plus tard, un bon pourcentage de la métropole. La troisième dimension est la dimension culturelle, avec le Puits de Sciences, la cité des sciences d’Aix Marseille Métropole et de la Région, qui prendra place dans les 4000m2 d’anciens vestiaires des mineurs à l’entrée du site et sur quatre hectares de pinède, pour une réhabilitation estimée à 15 millions d’euros.
En quoi consiste exactement la géothermie ?
N. F. En plein milieu du site, nous avons la chance d’avoir le plus grand puits minier d’Europe, profond de 1100 mètres, en dessous du chevalement. Techniquement, il n’existe pas de retour d’expérience sur ce type de technologie et nous sommes confrontés à des difficultés administratives. Nous sommes par exemple soumis au code minier et non au code de l’environnement et donc, à des contraintes complètement différentes. Il a fallu qu’on travaille de concert avec tous nos partenaires. La Semag (76%) et Dalkia (24%), le lauréat de l’appel d’offre, ont ainsi créé la SAS Energie Solidaire pour porter ce projet. 3,5 millions d’euros ont été investis, dont 1 million en fonds propres de la part de la Semag. Le but est d’alimenter en chaud, en froid et en préchauffage d’eau chaude sanitaire l’ensemble du site, mais également de produire de l’électricité.
Quel est le modèle économique de ce projet ?
N. F. Le montage financier n’est possible qu’en posant comme condition aux prospects qui s’apprêtent à s’installer sur le site leur raccordement au réseau. Les seules recettes de l’aménageur sont la vente de calories frigories. Les travaux ont déjà commencé. La phase la plus délicate sera la pose de tubes de 1000 mètres de long jusqu’au fond du puits, au premier semestre prochain. Le premier prospect, Steripure, sera alimenté l’été prochain.
Le Pôle Yvon Morandat sera à énergie positive. Comptez-vous revendre l’électricité produite ?
N. F. Oui, mais nous travaillons surtout à l’autoconsommation : avoir des échanges locaux d’électricité. Nous avons la chance de compter des bâtiments qui ne consomment pas forcément aux mêmes moments. En ce qui concerne la géothermie également, nous pourrons effectuer le pompage des eaux aux moments où les autres acteurs n’ont pas forcément besoin d’électricité. Les heures creuses et pleines changent complètement avec les énergies renouvelables.
Comment comptez-vous réhabiliter le chevalement ?
N. F. Il s’agit d’un projet de restaurant panoramique de 1300 m2, dans l’ancienne zone technique de la mine. Nous recherchons un investisseur et un exploitant, un chef de haut niveau qui viserait une étoile par exemple. Le montant estimé pour la réhabilitation et l’équipement de ce restaurant est de 2,5 millions d’euros. Le toit-terrasse sera par ailleurs équipé d’ombrières avec des panneaux photovoltaïques.
Qu’en est-il du Puits de Sciences ?
N. F. Il s’agit d’une synergie entre l’écosystème culturel et économique. Nous avons pour ambition d’aller au-delà de la vulgarisation de la culture scientifique. Un gros volet de ce Puits de Sciences sera l’aspect pédagogique de notre projet. Avant même la création de ce centre, nous allons créer une Maison de l’Energie, à l’intérieur de la chaufferie, où nous pourrons accueillir le grand public et expliquer comment marche la géothermie, le nombre de tonnes de CO2 évités, etc.
Où en êtes-vous de la commercialisation des lots ?
N. F. Environ 40% des 50 lots répartis sur les 14 hectares sont déjà cédés. Avec le projet d’Eiffage qui comprend une partie en blanc, nous pourrons proposer une solution foncière aux start-up qui voudraient s’installer d’ici le début de l’année 2019. Nous avons déjà acté la venue de Neowave, Nerys, Steripure, IP Energy et HighTaix. Entre 50 et 60 start-up intègreront le Pôle à terme. Nous les sélectionnons rigoureusement. Nous vérifions qu’elles partagent nos valeurs d’innovation sociale et technologique, ainsi que l’impact de leur installation sur l’emploi : toute restructuration d’entreprise avec une perte d’emploi est inenvisageable. Nous voulons créer de l’emploi. La Semag effectue ce premier filtre, ensuite un comité d’agrément constitué de nombreux partenaires : la ville, la métropole, PAD, l’école d’ingénieurs de Gardanne Charpak, Pôle Emplois, examine les candidatures. Le Pôle Morandat n’est pas uniquement un projet de vente foncière mais un projet de ville et de vie.
Quelles sont vos relations avec thecamp ?
N. F. Nous sommes en train de finaliser une convention de partenariat avec thecamp mais aussi avec l’école d’ingénieurs Charpak, avec Pôle Emploi ainsi qu’avec le CEA Cadarache et le technopôle de l’Arbois. Le but est de pouvoir monter des projets avec ces acteurs. Avec thecamp hors des murs par exemple, des classes des écoles de Gardanne sont déjà initiées à la diffusion de la culture scientifique et au développement du digital. thecamp travaille aussi sur des living labs. Nous voulons partager des outils de travail, des événements, des animations. Nous sommes complémentaires.
Quel est le coût global du projet ?
N. F. Plusieurs acteurs entrent en jeu. Trois millions d’euros de subventions publiques sont fournis à l’aménageur par la ville de Gardanne et l’Etat dans le cadre du Fonds d’industrialisation du bassin minier. 10 millions d’euros sont investis par la Semag pour les réseaux et l’aménagement des voiries pour pouvoir accueillir les entreprises. Au total, les financements publics et privés s’élèveront à au moins 100 millions d’euros.
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