4e opérateur de trottinettes électriques à se lancer à Marseille, VOI n’est toutefois pas un amateur. Leader sur le marché européen, il est installé dans neuf pays, dans le Nord de l’Europe mais aussi en Espagne et au Portugal. Il mise sur sa démarche « responsable » pour faire partie des trois opérateurs à s’installer durablement dans la deuxième ville de France. Lucas Bornert, directeur général de VOI France, nous en dit plus sur sa stratégie.
Après Paris en décembre 2018 et Lyon en février dernier, c’est à Marseille que VOI s’est lancé depuis le 2 mai 2019. Pourquoi ce choix ?
Lucas Bornert : C’était naturel de choisir Marseille après Paris et Lyon, déjà car c’est la deuxième ville de France ! Il faut dire aussi que le climat ici est particulièrement favorable et que l’on a de très bonnes relations avec la Ville de Marseille.
Lime, 1er opérateur à s’être implanté à Marseille, a connu un gros succès. Idem pour les deux suivants, Flash et Tier. Mais les conflits d’usage sont légion, notamment à cause du manque de piste cyclable pour accueillir les trottinettes qui circulent donc souvent sur les trottoirs…
L.B. : On interdit évidemment à nos utilisateurs d’utiliser les trottoirs mais on ne peut pas être derrière tout le monde. On est une entreprise suédoise donc c’est dans notre ADN d’établir des règles de sécurité. Sur notre application par exemple, l’utilisateur doit suivre un tutoriel obligatoire sur ce sujet. On a aussi des patrouilles dans les rues qui interpellent les utilisateurs pour leur expliquer pourquoi leurs comportements sont dangereux, s’ils le sont, ou encore un système de pop-up qui s’ouvre quand un usager utilise son téléphone pendant une course.
Est-ce un problème que l’on retrouve aussi à Paris et Lyon ?
L.B. : Nous venons tout juste d’arriver à Marseille donc nous n’avons pas encore de retours de mauvais comportements ici. À Paris et Lyon, les usagers sont plutôt respectueux même si d’autres le sont un peu moins. Mais c’est une question de comportement individuel. Certains vont mal garer leur trottinette comme ils se gareraient mal en voiture, en scooter ou avec n’importe quel moyen de transport.
Pensez-vous que Marseille est vraiment prête à accueillir des trottinettes électriques ?
L.B. : Elle l’est oui. Beaucoup de personnes les utilisent déjà donc il y a une réelle demande et un réel besoin. Pour autant, notre but n’est pas de saturer la ville mais d’adapter la flotte à ce besoin.
Combien d’utilisateurs présagez-vous justement à Marseille ?
L.B. : On n’a pas d’objectifs sur le nombre d’utilisateurs. On vient tout juste d’arriver, donc il est trop tôt encore pour se prononcer. On aura plus de données d’ici quelques jours. Ce que l’on peut dire, c’est que l’on a enregistré un très bon début à Marseille et que le taux d’utilisation à Paris et Lyon est très fort.
Beaucoup pensent que les trottinettes électriques sont un effet de mode, que dans trois ans voire même deux ou un an, l’engouement va retomber…
L.B. : Ça fait à peu près un an que l’on entend cela, mais dans les faits, les utilisations sont en croissance. Une étude réalisée à Paris montre des statistiques d’utilisation des trottinettes électriques phénoménales (ndlr : selon cette enquête réalisée par l’institut Odexa, 1 Parisien sur 10 a déjà testé les trottinettes électriques en libre-service). Ce n’est pas une mode sinon elle serait déjà passée, mais un réel outil pour les gens qui ont besoin de se déplacer car c’est un moyen de transport rapide, propre, pas cher (ndlr : VOI pratique les mêmes tarifs que ses concurrents marseillais à savoir 1€ pour débloquer l’engin puis 0,15€ la minute d’utilisation), sûr et respectueux de l’environnement. Ça va débloquer dans le futur des nouveaux modes de transports multimodaux.
Vous êtes pour le moment à Marseille pour une expérimentation d’un mois. Quel est votre modèle économique aujourd’hui ?
L.B. : On déploie les trottinettes, elles font leurs courses la journée et sont collectées le soir par des « hunters » (ndlr : chasseurs en anglais). Ces derniers sont payés à la tâche pour les récupérer, les recharger et les redéployer le lendemain. Toute la maintenance est par contre assurée par VOI, par une équipe de Lyon détachée à Marseille pour cette phase pilote.
Votre objectif est de vous implanter durablement à Marseille ? De faire partie des trois opérateurs qui seront choisis par l’appel d’offres lancé par la mairie ?
L.B. : Oui, nous allons répondre à cet appel d’offres. Mais comme je l’ai dit, notre volonté n’est pas de saturer la ville en trottinettes électriques. Le but de ce pilote est de nous permettre d’apprendre et de comprendre la ville pour savoir comment améliorer la mobilité. Notre objectif est de changer la mobilité urbaine, qu’il y ait du report modal et moins de voitures en ville. On voit un futur avec des véhicules électriques légers, sans pollution, sans bruit et pas cher.
Comment comptez-vous faire la différence par rapport aux autres opérateurs qui eux aussi vontse positionner sur cet appel d’offres ?
L.B. : Notre approche autour de la sécurité et la collaboration que l’on met en place avec les municipalités peut faire la différence. On ne déploie pas un marché si on n’a pas eu de discussions avec les villes. Au cours de ces échanges, on leur propose, si elles n’en ont pas, une charte de bonne conduite pour encadrer les opérateurs en attendant la loi (ndlr : voir Repères en fin de l’article). On l’a d’ailleurs partagée à la Ville de Marseille dès le début de nos relations il y a quelques mois. On commence aussi toujours par une phase pilote pour montrer aux villes notre approche véritablement différente des autres.
Une approche que vous qualifiez de « responsable ». Qu’entendez-vous par-là ?
L.B. : Elle commence déjà par lancer ce pilote. Pendant ce laps de temps, peu de trottinettes sont déployées, comme ici à Marseille où il y en a 100. Ça n’a aucun sens selon nous d’arriver dans une ville et d’en mettre des milliers dès le premier jour. Il faut comprendre le marché, travailler avec la ville avant d’imaginer s’y développer. Ensuite, quand on y est et que la flotte augmente, on est très attentif au fait que tout se passe bien, autant pour les usagers VOI que les autres citoyens. C’est pourquoi on propose pas mal de tutoriels aux utilisateurs et que l’on échange beaucoup avec les élus mais aussi avec tous les acteurs de la ville.
Après Marseille, où allez-vous tenter de vous installer ?
L.B. : On a de nombreuses discussions avec plusieurs villes de France. Le prochain lancement est pour le 1er juin, mais on ne communique pas sur le lieu pour le moment.
Outre la France, vous êtes présents dans huit autres pays européens. Où se trouve votre plus gros marché ?
L.B. : Les trottinettes électriques fonctionnent très bien dans les pays nordiques, mais aussi en France. C’est un phénomène qui est arrivé à peu près au même moment et même d’abord à Paris (ndlr : Lime s’est implanté dans la capitale en juin 2018). Nous sommes les premiers à nous être installés à Stockholm et ça ne remonte qu’à août 2018 !
Vous avez d’ailleurs un nouveau projet dans la capitale suédoise…
L.B. : Oui, mais il reste confidentiel pour le moment. Ce que je peux dire, c’est qu’il sera dévoilé à la mi-mai et qu’il s’agit d’un nouveau produit autour des micro mobilités électriques dans les villes.
Repères
> Le 4 mai 2019, les ministères de l’Intérieur et des Transports ont dévoilé la mise en place d’une nouvelle réglementation à la rentrée de septembre 2019. Un décret créera des dispositions nouvelles dans le code de la route. Il reconnaitra les engins de déplacement personnels (EDP) motorisés, dont les trottinettes électriques, comme une nouvelle catégorie d’engins et en définira le statut, leurs équipements et leurs règles de circulation ainsi que les éventuelles obligations d’équipements de leurs utilisateurs. Parmi les règles qui entreront en vigueur : avoir au moins 8 ans, l’interdiction de circuler sur les trottoirs, l’interdiction de transporter un passager ou encore l’interdiction de porter des écouteurs.
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