Le président de la République, Emmanuel Macron, est revenu longuement dimanche soir durant un entretien accordé à TF1 et France 2 à 20h sur la situation des migrants, et plus généralement sur la politique d’immigration en France. Une manière de répondre aux nombreux appels du pape François qui durant son passage à Marseille vendredi 22 et samedi 23 septembre à appeler les pays d’accueil à lutter contre le « fanatisme de l’indifférence » face aux drames des naufrages.
« Le pape a raison d’appeler à ce sursaut contre l’indifférence, parce qu’à chaque fois que l’on parle d’immigration on parle de femmes et d’hommes. Il ne faut jamais l’oublier. Mais l’Europe est le continent qui fait le plus, affirme d’emblée Emmanuel Macron, nous autres Français nous faisons notre part.»
« Il y a en moyenne en France plus de 100 000 demandeurs d’asile chaque année dans notre pays. On accueille de plus en plus d’enfants. Nos départements le savent. L’Etat est à leur soutien et continuera de l’être, je veux ici leur dire. Nous investissons chaque année, et on l’a augmenté très fortement cette année deux milliards d’euros sur l’hébergement d’urgence. Ce qui permet de loger les sans abris de notre pays mais pour près de 60% ce sont des personnes qui attendent un titre ou sont en situation irrégulière. Donc la France fait sa part. »
Interrogé par Laurent Delahousse et Anne-Claire Coudray, le président français confie : « Je suis pas indifférent au message d’universalisme, nous devons être humains, accueillir en particulier ceux qui fuient les conflits. Mais on doit aussi être rigoureux, parce que l’on a un modèle social qui est généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », une formule utilisée par l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard dans les années 80.
On ne peut pas laisser les Italiens seuls, la réponse est d’ensemble, européenne
Emmanuel Macron
Interrogé sur le nombre de migrants de Lampedusa que la France est prête à accueillir, le Président, sans répondre directement, donne raison à son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui a fait un distinguo entre la situation de migrants qui arrivent et qui immigrent à travers l’Europe sans titre, « avec des femmes et des hommes a qui on donne un titre et qui sont en attente de l’asile. Ils sont à ce moment-là des réfugiés, des gens dont on instruit la situation. » Puis Emmanuel Macron décrit ce qui se passe à Lampedusa. Entre lundi et mercredi derniers, environ 8 500 personnes, soit plus que l’ensemble de la population de la petite île italienne, sont arrivées à bord de 199 bateaux, selon l’agence des Nations unies pour les migrations. « C’est la réalité du phénomène migratoire. il est européen. Et donc le coeur de la réponse n’existe pas en franco-français. » Se félicitant que l’Italie « joue désormais son rôle de premier port sûr », il estime nécessaire le devoir d’ « aider les italiens. On ne peut pas laisser les Italiens seuls. Et donc la réponse est d’ensemble, elle est européenne. »
Pays d’origine : mieux conditionner « notre aide »
Puis le Président décline son projet. « On doit nous européens avoir une approche cohérente avec les pays d’origine. L’Europe doit jouer groupée, ce qu’elle n’a pas fait jusqu’alors. Et on doit traiter avec les pays d’origine et les pays de transit. (…) la plupart des migrants qui sont arrivés à Lampedusa venaient d’Afrique subsaharienne depuis beaucoup de pays où nous envoyons beaucoup d’aides au développement. Et la France a augmenté cette aide. Nous sommes au rendez-vous de nos engagements. Et beaucoup de pays dans lesquels nous avons des ambassades qui délivrent des visas. Et donc nous devons en Européens, mieux conditionner notre aide à une politique responsable en matière migratoire. Et en disant on vous aide pour donner des opportunités économiques à la population mais vous devez nous aider à démanteler chez vous les réseaux qui conduisent à quitter leur pays et surtout mieux coopérer au retour. (…) Aujourd’hui, cette politique ne fonctionne pas parce que l’on ne la jamais fait en vrai en Européen. »
Pays de transit : des aides et des experts
Concernant les pays de transit, le Président évoque d’abord la Tunisie : « Que c’est il passé à Lampedusa ? En quelques jours nous avons eu plusieurs milliers de migrants qui partaient tous du port de Sfax. Je souhaite que l’on engage avec la Tunisie, en Européen, là aussi une politique responsable. On vous aide budgétairement, l’Italie et la France sont d’accord… et je souhaite que l’on obtienne un accord européen. Ensuite Emmanuel Macron, propose d’embarquer des experts et des matériels pour démanteler ces passeurs… C’est un partenariat respectueux. Il se trouve que c’est ce que l’on fait avec les Britanniques. On accepte d’avoir des experts britanniques à Calais pour nous aider à démanteler ces réseaux de passeurs. Nous avons de très bons résultats. On va proposer la même chose aux Etats de transit dans la rive sud de la Méditerranée. Parce que la clé c’est que l’on doit mieux protéger nos frontières.»
Et de préciser : « Nous avons su le faire il y a quelques années en formant des gardes-côte Libyens. Et donc je veux proposer à la présidente du conseil italien et convaincre les autres européens et la Commission, de mettre plus de moyens dans ces pays de transit, de leur proposer des partenariats pour éviter les départs. Parce que c’est là que les gens prennent tous les risques en Méditerranée. C’est ce que dénonçait le pape. »
Pour Emmanuel Macron la politique migratoire est « un tout. Nous devons avoir une politique européenne. C’est là que l’on va aider l’Italie. Quand les migrants arrivent en Italie, il faut que l’Europe aide à enregistrer les situations. c’est un investissement de l’Europe toute entière. et après il y a notre réforme nationale. »
Une loi pour accélérer l’instruction des dossiers des demandeurs
Le projet de loi immigration doit revenir devant le Parlement à l’automne. « Il faut faire une loi pour mettre le système français au diapason des modèles européens. nous ne pouvons pas avoir un modèle qui est le plus généreux et qui est trop lent en terme d’instruction. Il ya plusieurs réformes très techniques qui sont dans le spectre de la loi (..) mais le coeur de ce texte c’est surtout d’accélérer nos procédures et d’avoir une politique plus efficace pour mieux instruire les situations, et renvoyer plus efficacement dans leur pays les femmes et les hommes qui n’ont pas vocation à rester. »
Il n’y a pas de droit inconditionnel à la régularisation. Il n’y en aura jamais
Emmanuel Macron
A côté de cela « il ne faut pas être hypocrite, reconnaît le Président, il y a des métiers en tension qui embauchent beaucoup de femmes et d’hommes qui viennent de l’immigration. Il sont souvent en situation précaire. (…) Vous avez des situations très humaines. Quand vous avez des hommes et des femmes qui sont là pour travailler, qui sont de fait intégrés, il ne faut pas les laisser dans la précarité administrative. C’est ça que doit trouver ce texte. C’est du bon sens. Mais, s’empresse-t-il de rappeler, il n’y a pas de droit inconditionnel à la régularisation. Il n’y en aura jamais. Il faut continuer à lutter contre les réseaux d’immigration clandestine.»
Mais s’il souhaite qu’un compromis soit trouvé, un compromis intelligent lors des débats au Parlement (l’opposition LR et RN ne souhaite pas de régulation des demandeurs d’asile), il ne renonce pas à travailler sur les métiers en tension : « il faut quand même essayer que ce soit nos compatriotes qui y aillent. Nous avons encore 7% de chômage et c’est le coeur de la réforme France Travail. On ne peut pas accepter le discours qui consiste à dire que ce sont des gens en situation irrégulière qui vont occuper les métiers dans le BTP, la restauration ou autre. Non, il y a des Françaises et des Francais qui sont au RSA, qui ont parfois la possibilité d’occuper ces emplois. Il faut les former, les aider parfois au déplacement ou au relogement, il faut les accompagner sur ces métiers. »
Pas sûr que les réponses essentiellement techniques, du président français aient convaincu le pape. Sauront-elles faire bouger l’Europe ?
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Emmanuel Macron a durant son intervention télévisée évoquer d’autes sujets que l’immigration : le pouvoir d’achat, la transition écologique… Retrouvez l’intégralité des échanges ci-dessous :
Mon interview au 20h de TF1 et de France 2. https://t.co/wHjopTjekH
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) September 24, 2023