Marseille fait partie des 100 métropoles retenues par la Commission européenne pour viser la neutralité carbone d’ici 2030. « Mais pour éviter que cette transition ne se résume à un diktat technocratique, notre municipalité privilégie une approche profondément sociale, inclusive et ancrée dans les réalités locales » explique Fabien Pérez, conseiller municipal à la Ville de Marseille en charge des financements européens, dans une tribune (*) proposée à Gomet’ que nous publions ci-dessous.
Dans une ville où les inégalités territoriales, la précarité énergétique, les logements insalubres, la pollution de l’air et les vagues de chaleur urbaines sont le quotidien, la transition écologique ne peut pas être décrétée depuis un bureau. Elle doit être vécue, incarnée et appropriée par les habitants. C’est la ligne que nous suivons depuis 2020 : celle d’un changement ambitieux, mais équitable, concret et partagé. C’est aussi, loin des tumultes et des invectives, un projet qui a permis de faire travailler ensemble Métropole, Région et Ville.
En 2024, Marseille a reçu le label “Climate Neutral and Smart City” de la Commission européenne. Ce label n’est pas un trophée de plus : c’est un levier, un accélérateur pour agir plus rapidement, plus intensément, plus efficacement. Grâce à lui, la Ville a mobilisé près de 5 millions d’euros de fonds européens pour appuyer quatre projets concrets. Des projets qui ne relèvent pas, selon nous, d’un “greenwashing” abstrait, mais qui répondent à des urgences bien réelles.
Des projets européens concrets pour une transition juste
• Le financement ELENA (2,6 M€) renforce notre capacité à rénover le patrimoine municipal. Ce dispositif nous permet de constituer une équipe dédiée pour trois ans, afin d’accélérer la rénovation énergétique de nos bâtiments publics et développer les énergies renouvelables : panneaux solaires, réseaux de chaleur, etc. Cela signifie concrètement des écoles, des gymnases et des équipements de quartier moins énergivores, plus confortables et moins coûteux à entretenir. C’est aussi un pas vers l’autonomie énergétique de Marseille.
• Avec le programme BANPER (1,6 M€), nous nous attaquons aux “passoires thermiques”, une problématique bien connue des Marseillais. Plus de 100 000 logements sont concernés. Ce projet vise à lever les obstacles financiers à la rénovation pour les foyers les plus modestes, en complétant les dispositifs existants comme MaPrimeRénov’. Nous développons aujourd’hui un outil public pour accompagner concrètement ces familles, car on ne peut pas défendre l’écologie quand des milliers de personnes vivent dans des logements qui nuisent à leur santé.
• Le projet JET CITIES (1,5 M€) prépare les métiers de demain. Porté par la Ville et plusieurs partenaires locaux (Le Paysan Urbain, la Régie de quartier de Bellevue, le Céreq), il anticipe les mutations économiques liées au dérèglement climatique. Il s’agit de former dès maintenant aux métiers de l’agriculture urbaine, de la réparation, de l’énergie locale, et d’ouvrir des perspectives concrètes d’insertion dans des filières qui ont du sens.
• Enfin, avec le projet pilote “Marseille 2030 – Actions Climat” (600 k€), nous misons sur l’implication directe des habitants. Trois initiatives locales – vélos cargos, toitures solaires citoyennes, copropriétés végétalisées – permettent d’associer citoyens, associations et entreprises à la transition. À Marseille, nous croyons que le changement ne se décrète pas : il se construit avec celles et ceux qui s’engagent déjà sur le terrain.
Réduire les fractures, faire entendre les villes du Sud
Ce que montre Marseille aujourd’hui, c’est que les grandes métropoles méditerranéennes ont toute leur place dans la transition écologique européenne. Nous savons porter des projets ambitieux, manier des outils financiers complexes, articuler exigence climatique et justice sociale. Et surtout : nous savons agir.
C’est une manière aussi de bousculer les clichés : ceux d’une Europe divisée entre un Nord exemplaire et un Sud censé “combler son retard”. Marseille prouve qu’on peut mener de front lutte climatique et combat contre les inégalités. Et ce message est d’autant plus crucial que les équilibres européens ont récemment basculé vers la droite et l’extrême droite, reniant les engagements nécessaires pour maintenir le cap de la transition. Le Green Deal, fondé sur la responsabilité des élu·e·s envers les générations futures, continuera à vivre et à résister à Marseille.
Mais pour amplifier cette dynamique, l’Union européenne doit continuer de soutenir ces démarches locales, ancrées dans les territoires et porteuses de progrès social. Car des villes comme Marseille sont en première ligne. Elles expérimentent, innovent, adaptent.
Et si l’Europe veut faire du Green Deal une réalité concrète, elle doit miser plus que jamais sur les territoires qui savent allier urgence écologique et dignité humaine.
Fabien Perez
Conseiller municipal à la Ville de Marseille en charge des financements européens,
président du groupe écologiste et pluriel-s
(*) Gomet’, attaché à la vitalité du débat local publie régulièrement des contributions extérieures sous la formée tribunes, chroniques et autres analyses. N’hésitez pas à proposer des sujets à la rédaction à l’adresse contact@gomet.net