« Je ne veux pas mettre une cible sur quelqu’un et prendre une mitraillette ». Ainsi parlait Sabrina Agresti-Roubache ex-députée, ex-secrétaire d’Etat chargée de la Ville dans le gouvernement d’Elisabeth Borne et toujours conseillère régionale en évoquant la volonté de Renaud Muselier de désigner Benoît Payan comme « l’homme à abattre ».
Des propos tenus dans un long entretien accordé à La Provence pour justifier son engagement, sous condition, derrière Mme Martine Vassal, officiellement candidate à la mairie de Marseille. Et pourtant les hostilités ont commencé et malgré les recommandations de Sabrina, l’indéfectible macroniste, on a opté à droite pour l’arme lourde, style « kalach », l’outil préféré des quartiers difficiles.
A écouter ses interventions publiques Mme Vassal affirme avoir pris la décision de partir à l’assaut de la mairie en 2026 après avoir entendu ses enfants projeter de « quitter Marseille ». Trop c’était trop. S’est-elle plongée du coup dans les œuvres complètes de Michel Audiard mais à entendre sa première déclaration de candidature dans le sous-sol de La Major, on a songé à Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs : « Moi quand on m’en fait trop, je correctionne plus, je dynamite, je disperse, je ventile ! »
Au commencement ce n’était pourtant qu’une belle déclaration d’amour : « Marseille je t’aime et je serai candidate aux élections municipales ». Martine Vassal avait choisi un samedi, jour des mariages par excellence, pour annoncer ce que partie de ses supporters attendaient depuis plusieurs mois.
Devant elle une droite très plurielle, allant du gaullisme chimiquement pur de Renaud Muselier, au fillonisme empêché de Valérie Boyer, en passant par toutes les nuances du centre, de l’ex-Aixois Bruno Genzana à la macroniste absolue, Sabrina Agresti-Roubache, sans oublier quelques « traitres » de 2020, Yvon Berland ou Bruno Gilles revenus au bercail pour grossir ces troupes. Même un absent, Frédéric Collart, lui aussi candidat à la mairie, était cité, avec un mot d’excuse plus ou moins bricolé par l’entourage de la présidente de la Métropole. Le médecin s’empressait en fin de semaine de démentir et d’affirmer qu’il n’était le vassal d’aucuns partis, annonçant qu’il présenterait bientôt les grandes lignes de son programme.
En cet été finissant une météorologie favorable s’annonçait néanmoins pour cette famille recomposée. Et la température ce soir « d’annonce faite par Martine » a battu des records.
Au diable d’abord les Cassandre qui s’entêtent à déplorer comme le quotidien Libération que la présidente du Département et de la Métropole s’avance en « terrain miné » par les affaires en cours la concernant. Martine Vassal a balayé les soupçons d’une formule audacieuse et très « Me Too » pour fustiger le lanceur d’alerte auto-proclamé Erwan Davoux (voir l’article du Nouvel Obs), ancien directeur des relations internationales au Conseil départemental qu’elle préside : « C’est un féminicide politique » a-t-elle osé devant un parterre chauffé à blanc. Du Rachida Dati dans le texte qui estime que la seule défense possible en politique c’est l’attaque.
A la justice donc de délivrer avant le mois de mars et la joute des municipales un permis de chasser Benoît Payan du fauteuil que Mme Vassal convoite, malgré les accusations de son ex-collaborateur qui ont provoqué l’ouverture par la justice d’une enquête préliminaire pour « trafic d’influence, corruption passive et détournements de fonds publics ». Et parce qu’il fallait emprunter à Franz Kafka pour évoquer sa « métamorphose », elle ne cédera rien « aux attaques des cloportes ». Ce bain de jouvence passé, celle qui est passé d’un gaudinisme discipliné à un macronisme mou a consacré sa semaine à prouver que le « en même temps » cher au locataire de l’Elysée ne passerait pas par elle.
L’extrême droite conduite par Franck Allisio aura beau tenté de la titiller ou de la mettre face à ses contradictions en s’insurgeant par exemple contre les subventions départementale et métropolitaine accordées à Radio Galère. Une radio qualifiée d’extrême gauche par le Rassemblement National et crime parmi les plus condamnables « d’anti-Bolloré ». Le Breton énamouré d’Eric Zemmour, qui remplacerait volontiers le prix Albert Londres par le Prix Albert Vichy, n’en attendait pas autant des ouailles de Mme Le Pen.
D’autres moins loquaces se sont émus de voir Mme Vassal rebaptiser l’ancien collège Fraissinet, « Ariane Ascaride » au nom d’une volonté de « féminiser les noms » des établissements scolaires pour rendre hommage à « celles qui marquent ce territoire et dont le parcours a parfois été mis sous silence ». La comédienne qui porte si bien avec son compagnon Robert Guédiguian la parole de ceux qui n’ont rien, n’a pas boudé son plaisir, même si elle ne partage pas les idées de la présidente du département. Passé ce moment de grâce, la campagne a repris son cours, au moins dans ce camp puisque la gauche taiseuse est toujours à l’image de ses dirigeants : à la recherche d’un cap.
Pour autant on aura revu sur le pavé marseillais Jean-Luc Mélenchon, entouré de sa garde prétorienne au garde-à-vous – les députés Sébastien Delogu et Manuel Bompard – venu récolter ici les lauriers qui revenaient partout à l’union des syndicats le mercredi 18 septembre. Le leader des Insoumis a fait le service minimum sans doute échaudé par la précédente journée du 10 septembre où il rêvait de voir le pays bloqué et le président Macron prié de faire ses valises. La France est restée insoumise à ses injonctions.
On notera encore que M. Payan canonné par Mme Vassal a dû une fois encore subir une rafale de fléchettes du groupe Ecologistes et pluriel réclamant que la mairie hisse le drapeau palestinien lors de la cession de l’Onu où la France devrait reconnaître l’Etat palestinien, le jour du nouvel an juif.
La campagne des municipales est-elle pour autant lancée après l’entrée en fanfare de Martine Vassal. Il y a loin de la coupe aux lèvres comme en témoignait ce samedi dans La Provence l’interview de Benoît Payan.
Le maire sortant, traité d’usurpateur (pour avoir rapidement succédé à l’écologiste Michèle Rubirola) relativement serein s’est contenté d’effleurer les thèmes que Mme Vassal veut imposer dans le débat à venir. L’insécurité, la propreté, le dynamisme économique font partie des griefs que la présidente de la Métropole souhaite disséquer pour dénoncer l’incurie, le laisser-faire, le manque de perspective de la gauche marseillaise au pouvoir.
Pour ce faire elle flirte sans complexe avec les idées de l’extrême droite, même si elle s’en défend. Attention comme le dit avec une métaphore inédite son alliée Sabrina Agresti-Roubache de ne pas « franchir la ligne écarlate ». Martine Vassal n’en a cure. Poussée par Renaud Muselier, les poings faits au bord du ring, elle tente d’emblée d’imposer ses directs et ses uppercuts. Sauf qu’on le sait depuis un certain Cassius Clay, il faut avoir aussi un solide jeu de jambes et du souffle à revendre pour éviter de se retrouver dans les cordes.
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