Comme chacun sait, une assurance est obligatoire pour circuler légalement en France avec son véhicule personnel ou professionnel. Ainsi, en cas d’accident de la route, les victimes sont protégées et peuvent obtenir réparation par un assureur de leur préjudice matériel ou corporel. La preuve de l’assurance était jusqu’à présent fournie par la présentation de la « carte verte », document papier renouvelé et envoyé tous les ans par les assureurs, à apposer sur le pare-brise du véhicule. Le coût écologique de l’impression et de l’envoi des cartes vertes est estimé selon le Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à 1200 tonnes de CO2 par an.
À partir du 1er avril 2024, Bercy a annoncé que les automobilistes et les usagers de deux-roues motorisés ne sont plus obligés d’apposer la vignette de l’assurance sur leur véhicule, ni de détenir la carte verte de l’assurance dans leur véhicule. La preuve de l’assurance sera désormais rapportée par la consultation du Fichier des Véhicules Assurés (FVA), qui compile l’ensemble des contrats d’assurance automobile au tiers du territoire français. Ce fichier accessible aux forces de l’ordre lors de contrôles est constitué et géré par l’AGIRA (Association pour la gestion des informations sur les risques en assurance). Cette réforme doit faciliter le contrôle du respect des obligations assurantielles des conducteurs afin de lutter contre la circulation sans assurance. Selon l’observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 800 000 personnes rouleraient sans assurance en France.
Pour connaître la réforme plus en détail, Gomet’ a interrogé deux spécialistes du sujet au sein de deux courtiers d’assurance marseillais plus que centenaires. Cédric Couté pour Montmirail et Alexandra Devred pour Delta Assurances nous donnent leur avis sur ce changement, pour eux en interne et pour les automobilistes clients.
Avec 20 ans d’expérience en flottes automobiles, Cédric Couté est responsable commercial flottes à destination du risque professionnel en région Provence Occitanie Rhône-Alpes chez Montmirail : « Courtier en assurances accompagnant les chefs d’entreprises, fondé en 1898 à Marseille, notre cabinet dispose d’une équipe spécialisée dans la gestion des risques flottes d’entreprises et d’une notoriété reconnue auprès des acteurs du marché (assureurs, assisteurs, réseaux de réparation…) ; quelle que soit la taille de la flotte automobile, Montmirail apporte son expertise dans le pilotage et la maîtrise de ce risque particulier et a notamment suivi de près cette évolution règlementaire et digitale.
Notre premier rôle est d’informer nos clients par courrier électronique à notre clientèle et par avis détaillé sur notre site. De plus, malgré la disparition du papillon vert annuel, il reste un volet éditique et documentaire : certes le décret a pour impact la suppression de la carte verte, mais trois différents documents restent à émettre à la place, ce qui nuance l’allègement papier et écologique annoncé :
- un memo pour chaque véhicule assuré circulant en France et en Europe est à remettre à l’assuré une fois (et non plus chaque année) au début du contrat, sans limite de validité ;
- un IMIC (insurance motor immatriculation certificate) pour les véhicules amenés à circuler hors de l’UE, sous forme de papier non pas vert mais blanc, valable trois mois ;
- et un équivalent carte verte sur fond blanc pour les non immatriculés tels les engins de chantiers ou agricoles ou bien encore les engins de déplacements motorisés électriques (trottinettes…).
Quant au travail informatique de gestion des flux d’information, c’est en réalité depuis le 1er janvier 2019 que le FVA est actif et alimenté par les assureurs et intermédiaires délégués. Ce fichier commun est consultable par les assurances et les autorités, et aussi par les usagers, par téléphone au 01 83 64 32 22 et sur le site dédié. Également sur l’applicatif de l’assureur déclarant et des courtiers agréés, autonomes et d’une certaine taille, dont Montmirail. Montmirail est prêt pour ce nouveau schéma au 1er avril, mais tous les intervenants le seront-ils ? Du fait d’atermoiements en 2023 et du peu de communication descendante, la mise en application effective au 1er avril 2024 a un peu surpris la profession. Ainsi, par exemple, l’acteur de référence GMF (premier assureur des agents des services publics en France) serait prêt seulement au 15 juin. »
Alexandra Devred est consultante spécialisée en flottes automobiles depuis neuf ans au sein du département responsabilités et dommages de Delta Assurances, courtier-conseil en assurances qu’elle a rejoint il y a 20 ans : « Depuis plus de 100 ans à Marseille, Delta Assurances conseille et élabore des programmes d’assurances pour ses clients basés en France ou à l’international, en protection sociale, en risques d’entreprise et en risques financiers. Nous comptons au sein de notre département responsabilité et dommages une équipe d’experts spécialement dédiée au conseil et à la gestion des programmes d’assurance de flottes automobiles. Leur connaissance sectorielle approfondie et leur expérience opérationnelle, leur permet de conseiller, de mettre en place et de gérer avec soin le contrat d’assurance le mieux adapté aux besoins de nos clients. Nous mettons un point d’honneur à leur offrir un service de qualité et à assurer un suivi attentif de leur parc de véhicules et d’engins.
Dans le cadre de la suppression de la carte verte annuelle, un document unique sera délivré à la place, une fois pour toutes, à la souscription du contrat ou à l’entrée du véhicule en flotte : le mémo véhicule assuré, dit MVA, dématérialisé, reprenant les éléments clés (assureur, courtier, contrat…), afin que le client ait un justificatif (mais non plus annuel). Mon avis sur ce décret de réforme est qu’il est utile :
- sur le plan écologique pour réduire l’empreinte carbone liée à l’impression ;
- pour les forces de l’ordre, qui peuvent détecter rapidement les falsifications et les résiliations en accédant au fichier central des dates et paiements d’assurance ;
- pour les clients ayant de nombreux véhicules en flotte car la dématérialisation leur simplifie grandement la gestion administrative.
Notre priorité, en tant que courtier conseil, est à la relation clients et à l’accompagnement que nous pouvons leur apporter. La transition vers le MVA plutôt qu’une carte verte annuelle s’inscrit dans une démarche proactive d’informations et de communication auprès de nos clients, à travers divers contenus tels que des articles de blog, des emails dédiés ou encore des fiches pratiques comme ici :
Par ailleurs, dans le cadre de notre mission d’accompagnement, nous initions des actions concrètes, soulignant ainsi notre engagement continu envers nos clients. Nous dispensons notamment des formations auprès de leurs salariés amenés à utiliser les véhicules de l’entreprise. Ces sessions animées par nos experts portent par exemple sur l’écoconduite ou encore la bonne manière de remplir un constat amiable.»
Et qu’observent un assureur de flottes automobiles en matière d’électrification du parc automobile, dans le cadre de la transition écologique, du fait des encouragements et de la date butoir de fin de vente des véhicules thermiques en 2035 en Europe ?
« Le verdissement des parcs automobiles et l’hybridation est une tendance qui a émergé depuis quelques années maintenant. Cette évolution reflète d’abord une prise de conscience des enjeux environnementaux et une volonté de réduire l’empreinte carbone associée aux activités commerciales. Par ailleurs, les entreprises sont tenues de respecter des obligations légales. En réponse à cette évolution, les compagnies d’assurance adaptent leurs offres pour accompagner les entreprises dans leur transition vers des flottes plus écologiques. Elles proposent notamment des produits d’assurance spécifiquement conçus pour les véhicules hybrides ou électriques, offrant des couvertures adaptées aux spécificités de ces véhicules. » note Alexandra Devred.
Cédric Couté confirme : « Nous constatons le verdissement progressif des flottes professionnelles en conséquence de l’application de la loi LOM (orientation des mobilités) parue en 2019, obligeant notamment les flottes automobiles au delà de 100 véhicules à électrifier minimum 10% de leur parc. Parce qu’un véhicule électrique diffère d’un thermique, l’écosystème autour se met en place, chez les réparateurs, qui ont besoin de qualification, et chez les assisteurs, qui doivent assister des véhicules plus lourds en adaptant leur réseau de dépanneurs. Mais il n’y a pas encore de réelle grande différence coté assureurs, car les garanties d’assurance d’un véhicule sont identiques qu’il soit thermique ou électrique. Toutefois, à court terme, un renchérissement de l’assurance est à attendre pour les véhicules électriques, car l’exonération partielle (à 75%) de la taxe assurance applicable sur le véhicule électrique, qui représente 24 % de l’assurance en moyenne (base formule Tous Risques) va arriver à échéance. Et à plus moyen terme, on analysera la sinistralité et le coût des réparations propres à ces véhicules, dont les premiers indicateurs observés affichent un coût supérieur à celui des véhicules thermiques. »