La pollution liée au trafic maritime fait à nouveau parler d’elle. S’il est désormais indéniable que les panaches de fumées sont néfastes pour la santé, comme pour l’environnement, la composition exacte de ces fumées et leur zone d’impact était plus floue. Une nouvelle étude menée dans les ports de Toulon, Bastia, Ajaccio, Marseille et Nice, réalisée par Atmosud, Qualitair Corse et le Laboratoire chimie environnement (Aix-Marseille Université et CNRS), dissipe le brouillard qui entoure ces compositions (voir l’étude en document source).
Surtout, elle dresse un constat alarmant : les panaches de fumées des navires colportent majoritairement des particules ultrafines, entre autres polluants. Invisibles à l’œil nu, ces particules fines n’en font pas moins de dégâts : en raison de leur taille microscopique, elles pénètrent en profondeur dans les voies respiratoires, et peuvent même atteindre le système sanguin.
La liste des composés nocifs ne s’arrête pas là : on trouve également des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des métaux lourds (nickel et vanadium), des composés organiques volatils ou encore du carbone de suie, de l’oxyde d’azote et de soufre (les fameux Nox et Sox). Mais ce sont bien les particules ultrafines (PUF) qui inquiètent le plus Atmosud et ses partenaires.
Selon l’étude, la combustion d’un litre de carburant équivaudrait ainsi à 80 000 fois plus de PUF que la combustion d’un litre de carburant dans un moteur thermique diesel équipé d’un filtre à particules. L’étude rappelle néanmoins que les polluants émis par les navires sont différents de ceux émis par les voitures en raison de la différence de combustible et des systèmes de dépollution dont sont équipés véhicules terrestres.
Un impact direct au niveau du sol en centre-ville de Marseille
Atmosud détaille la méthodologie de l’étude : l’observatoire de l’air en Provence-Alpes-Côte d’azur explique que l’examen des zones de retombée des particules a été menée conjointement à d’autres laboratoires universitaires. Ils ont utilisé diverses méthodes de modélisation afin d’avoir un spectre d’étude le plus précis et le plus possible car « les observations faites en un point ne permettent pas d’avoir une vision complète des niveaux de polluants émis par les navires », d’autant que les conditions météorologiques influent fortement sur leur dispersion. Les chercheurs ont spécifiquement étudié trois rades de la région : Toulon, Cannes et Marseille.
Pour le cas de la cité phocéenne, les observations concluent que les particules restent en suspension les premières minutes qui suivent le départ d’un navire, avant de se déplacer du port vers le centre-ville. Des premières retombées sont ainsi observées au niveau du quartier du Panier et du Vieux-Port (2e). Au bout d’une demi-heure, les retombées s’observent au-delà d’un kilomètre de la zone d’émission.
Selon l’étude, les zones les plus impactées ne sont donc pas forcément celles qui se trouvent à proximité immédiate des navires, lorsque ceux-ci manœuvrent pour quitter le port. La distinction est également faite entre la perception visuelle des fumées et les mesures effectuées au niveau du sol. En revanche, pour les navires en escale dans la partie Nord de la ville, les pollutions se constatent directement à proximité des terminaux.
La conclusion de l’étude globale affirme donc que les navires ont un impact réel sur la qualité de l’air sur des durées courtes. Atmosud remarque que cette source de pollution se combine à d’autres liées au trafic routier ou encore les activités industrielles et alimente donc une situation de pollution chronique.
De leur côté, les acteurs de la filière tentent de limiter cet impact. La Région Sud a mis en place un plan « Escale zéro fumée » et poursuit son objectif d’électrification à quai, tandis que les sociétés navigatrices innovent, à l’instar de la Méridionale, qui a inauguré en septembre 2022 un filtre à particules fines installé sur un de ses navires. Néanmoins, cette nouvelle étude vient alimenter la vindicte lancée à l’égard des navires de croisières : à ce jour, la pétition lancée par la Ville de Marseille contre la pollution maritime a cumulé plus de 53 000 signatures.
[Document source] L’étude Atmosud, Qualitair Corse et le laboratoire Chimie Provence
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