La Méridionale récolte le fruit de trois ans d’études et d’essais techniques. Son navire amiral, Le Piana, est devenu lundi 5 septembre le premier bateau de commerce à s’équiper d’un filtre à particules. « C’est une solution inédite et totalement novatrice dans l’univers maritime », se félicite Marc Reverchon, le président de la compagnie marseillaise. À bord du ferry construit en 2011, l’ancien président de l’union maritime et fluviale de Marseille-Fos (2001-2009) est accompagné des membres de l’équipage, et des partenaires institutionnels du projet. Le président de la Région Sud, Renaud Muselier, le maire de Marseille, Benoît Payan et le préfet de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christophe Mirmand, expriment tour à tour leur fierté commune de contribuer depuis Marseille à l’essor d’une navigation plus propre.
En 2017, la Méridionale était déjà la première compagnie marseillaise à raccorder électriquement ses navires à quai. Cinq ans plus tard, habillé de son filtre à particules, le Piana devient selon Marc Reverchon « le navire de commerce le moins polluant de toute la Méditerranée ». La première traversée propre du bateau équipé reliera Marseille à Ajaccio.
Ceux qui ont mis la main à la poche affichent un large sourire pour l’inauguration de ce projet à 15,8 millions d’euros. Entre la recherche, les essais, la fabrication et la pose, la Méridionale, filiale maritime du groupe Stef a investi près de 11 millions d’euros en fonds propres. Le reste de l’addition est assuré par la Région Sud, dans le cadre des plans “Une Cop d’avance” et “Escales zéro fumée“, avec une enveloppe de 4,4 millions d’euros. L’Agence nationale de l’environnement (Ademe) contribue elle aussi avec un chèque légèrement supérieur au million d’euros. Côté technique, la compagnie marseillaise a sollicité Solvay (Bruxelles), le fournisseur de bicarbonate de sodium – réactif indispensable au processus de captation et de filtrage des particules – et Andritz Group (Graz, Autriche), le fabricant du filtre.
Le filtre à particules va permettre au Piana d’éliminer la quasi-totalité des oxydes de soufre capturés (99%), des particules fines et ultrafines (99,9%). « Nous surpassons la réglementation Marpol 2020 (la convention internationale qui surveille la pollution du transport maritime, ndlr) », remarque Benoît Lahaye, le directeur général de la Méridionale. Avec l’installation de ce premier filtre à particules, Le Piana est d’ores et déjà conforme aux normes imposées par la zone d’émissions contrôlées pour le soufre (SECA) en Méditerranée. L’organisation maritime internationale (OMI) a approuvé sa création le 10 juin dernier, et sa mise en vigueur est prévue le 1er janvier 2025.
Tous les navires circulant à l’intérieur de cette aire auront l’obligation d’utiliser des carburants moins émetteurs : la teneur en soufre ne devra pas dépasser 0,1%, contre 0,5% actuellement. « La France doit désormais plaider pour la création d’une zone ECA en Méditerranée », a surenchéri le maire de Marseille, Benoît Payan, fin juillet dernier – un propos soutenu lundi par Renaud Muselier. La zone ECA est plus stricte que la zone SECA. En plus de restreindre les émissions soufrées, elle encadre également la pollution à l’oxyde d’azote rejetée par les panaches. Sur un trajet, 80% des fumées polluantes sont émises en mer.
Une première mondiale en mer inspirée de l’industrie terrestre
Le filtre à particules inauguré lundi par la Méridionale est inédit sur un navire de commerce. Mais la technologie existait déjà à terre « depuis une vingtaine d’années », indique Christophe Seguinot, le directeur technique de la compagnie. Les ingénieurs mobilisés par la compagnie se sont donc inspirés de solutions terrestres. Le même genre de filtre à manches est en effet utilisé par plusieurs industriels européens. Il permet de limiter les émissions polluantes des centrales thermiques notamment – c’est le cas de la société Tehag. Avant d’être transposé sur le Piana, et ajusté aux conditions de la navigation, cet équipement a donc subi un retrofit. Il a été “marinisé”.
En mer, ou à terre, le fonctionnement du filtre à particules reste le même. Il combine la désulfuration à sec des gaz d’échappement – avec du bicarbonate de sodium mais sans utilisation d’eau – et l’élimination des particules fines et ultrafines. Les déchets sont ensuite récupérés par des camions citernes sous forme de poudre, puis valorisés. Le filtre à particules se distingue du scrubber, un système moins performant de lavage des fumées à l’eau de mer. Après l’électrification à quai de ses navires, et la neutralisation des particules fines, la Méridionale entend s’attaquer dans les prochaines années aux rejets de CO². La compagnie doit encore équiper d’un filtre les autres navires de sa flotte – le prochain sur la liste pourrait être le Kalliste, un ferry dont l’envergure est proche de celle du Piana.
Pollution maritime : Benoît Payan n’a plus le mal de mer
À bord du Piana, la présence de Benoît Payan surprend. Le maire a défendu tout l’été l’interdiction pour les bateaux de croisière d’accéder au port de Marseille lors des pics de pollution – sa pétition a récemment dépassé les 50 000 signatures. Finalement, l’édile marseillais n’a plus le mal de mer et se retrouve, comme les autres élus du territoire, sur le pont d’un navire de commerce pour célébrer la protection de la nature. « Aimer l’entreprise n’interdit pas d’aimer l’environnement, bien au contraire », se justifie Benoît Payan. Il dénonce tout de même, sans les nommer, « l’inaction de certains géants de la croisière (…) qui mettent en danger la vie de nos habitants ».
Le maire marseillais rappelle enfin son engagement dans le plan régional “Escales zéro fumée” – 30 millions pour moderniser les ports de Marseille, Nice et Toulon. Un programme voté en octobre 2019, qu’il soutient à hauteur de 10 millions d’euros, selon certaines conditions. Cet argent devra financer d’ici 2025 l’électrification à quai des navires, notamment sur le terminal croisière de Marseille, et « profiter d’abord à des compagnies respectueuses des engagements écologiques ». Il cite en exemple la Méridionale, bien sûr, son concurrent Corsica Linea, et l’armateur CMA CGM. L’État participe également à ce plan avec une enveloppe de 10,5 millions d’euros.
Grand port maritime : Renaud Muselier prêt à déposer sa candidature à la présidence du conseil
Renaud Muselier salue le geste de Benoît Payan. En revanche, l’ex-député européen fait part de son agacement sur un dossier bouillant : la succession de Jean-Marc Forneri, décédé en décembre 2020, à la tête du conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille – l’intérim d’Elisabeth Ayrault prend fin dans à peine un mois et une semaine. Le président de la Région Sud a suggéré deux profils, « un homme et une femme ». Mais l’Etat, maître à bord, n’a pas donné suite. Si la question n’est pas définitivement résolue au 14 octobre, date de la prochaine réunion entre les acteurs du GPMM, Renaud Muselier entend déposer sa candidature à la présidence du conseil de surveillance. Hervé Martel, le directeur général du port et président du directoire, n’était pas présent lundi pour l’inauguration du filtre à particules.
🔴 “Marseille doit avoir un président de son port. J’ai fait deux propositions, j’ai donné mon avis (…) Si nous n’avons pas de réponse d’ici le 14 octobre, je me présenterai à la présidence du port pour sortir de cette impasse” @RenaudMuselier pic.twitter.com/oMA0PgY7Vz
— Gomet’ (@Gometmedia) September 5, 2022
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