Le congrès Intercolor a été organisé pour la première fois à Marseille par la Maison Mode Méditerranée et le Comité français pour la couleur pour déterminer les tendances de demain. C’est un événement ?
Aurélia Vigouroux. Effectivement, Intercolor a permis de faire venir à Marseille 16 pays pour travailler autour de la couleur dans le sport. Marseille était capitale du sport l’année dernière, il fait sens de poursuivre dans cette thématique. Le projet a été initié l’an dernier. Olivier Guillemin, président du comité français de la couleur et directeur artistique du salon Intercolor, a travaillé avec la MMM sur le fashion booster campus qui a été offert aux lauréats d’OpenMyMed, l’an dernier. A l’issue de ce workshop, il nous a proposé de faire venir Intercolor à Marseille. Pour nous, c’est une belle mobilisation et cela nous permet de montrer qu’on est actif pour promouvoir cette ville et la placer comme centre culturel international.
Le festival OpenMyMed sera inauguré le 19 juin. Au-delà de la manifestation artistique et culturelle, est-ce aussi l’occasion pour la MMM de s’inscrire dans des projets de la ville ?
A.V. On inaugure, en effet, le 19 juin, avec une double exposition : l’une rue de la République et l’autre au J1, sur la créatrice Christelle Kocher, carte blanche de cette troisième édition. Elle a travaillé avec Anissa Touati, créatrice d’art contemporain. L’idée est d’avoir une exposition très grand public car c’est la première organisée rue de la République, sur la mode avec des artistes d’art contemporain ouverte 7/7 jours et 24/24 heures, dans des espaces mis à disposition par Constructa et Primonial. Cette démarche nous permet de nous inscrire dans le projet « Ambition centre-ville » portée par la Ville et la CCI. La rue de la République représente un enjeu. Les visiteurs pourront traverser cette artère historique pour arriver jusqu’au port autonome, pour découvrir l’autre exposition, en partenariat, celle-ci avec MP2018, Quel Amour !
OpenMyMed ce n’est pas seulement un festival basé sur la mode, c’est aussi un événement qui permet de susciter des questionnements…
A.V. OpenMyMed permet à des créateurs qui ont déjà créé une marque et qui ont avancé sur un business model d’emporter chez eux, dans leur pays, cette capacité qu’à Marseille à les inspirer. Dans le cadre de sa carte blanche, Christelle Koché a voulu montrer qu’au-delà du vêtement que l’on porte, il y a des sources d’inspirations artistiques, des questionnements sur la culture, le genre, la société… C’est donc important de montrer qu’en amont de la création, il existe aussi tout un travail qui est fait pour que le créateur puisse présenter sa collection et son univers. C’est aussi un éclairage, en fonction de la carte blanche, sur différents endroits de Marseille, une ville cosmopolite avec cette mixité culturelle pour montrer que la mode est là pour porter cette mixité et montrer que Marseille peut se faire une place internationale en conservant cette identité forte autour de la Méditerranée.
Vous travaillez depuis quelques mois déjà au sein de la MMM. Vous assurez, depuis peu, la co-direction aux côtés de l’ancien directeur de la cité des métiers de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Jocelyn Meire. Pourquoi ce choix d’être en binôme ?
A.V. Nous avons en effet souhaité former un binôme. Jocelyn est plutôt focalisé sur le développement et moi sur la stratégie. Un homme qui vient plutôt du milieu associatif et institutionnel et une femme de l’univers de la mode. Nous aimons bien nous figurer que nous sommes à bord d’un avion, à l’intérieur duquel il y a deux manches, l’un comme l’autre peut prendre les commandes, mais l’avion va toujours dans la même direction. Cette co-direction est intéressante à la tête d’une structure hybride comme la MMM, à la fois un peu institutionnelle mais aussi très opérationnelle, soutenue par le privé et un peu par le public. Tout ça ne se fait pas à n’importe quel moment de l‘histoire. Maryline Vigouroux a annoncé son souhait de prendre de la distance à partir du mois de juillet donc l’idée était de mettre en place une structure pour poursuivre l’action et pour l’instant c’est le binôme.
Ce binôme et le changement de nom il y a quelques semaines, traduisent-ils une nouvelle stratégie de la structure ?
A.V. D’abord, c’était pour faciliter la compréhension du mot, parce que Maison Méditerranéenne des Métiers de la Modes (MMMM) ça devenait assez complexe. Finalement Maison Mode Méditerranée (MMM) c’est plus simple mais ça porte le même concept de base : celui d’œuvrer sur le pôle formation en partenariat avec Aix-Marseille Université et sur la culture. Sur ces bases, il nous faut écrire une feuille de route qui doit être validée par le conseil d’administration, qui fédère tous les acteurs de la mode : des grandes maisons comme Chanel, Amerian Vintage, Kaporal, mais aussi Amu… ça nous permet d’avoir l’exhaustivité des métiers de la mode à l’intérieur du CA, c’est une force pour nous surtout quand on voit leur mobilisation. Ils croient au projet que l’on porte, centré sur la formation et la culture. On préfère dire que l’on ouvre un nouveau chapitre, ce n’est pas un nouveau livre.
Justement, dans le cadre de la formation, y a-t-il des nouveautés ?
A.V. L’essence même de la MMM est de former les nouvelles générations de collaborateurs de mode, avec la licence, le Master 1 et 2 à Aix-Marseille Université. Nous travaillons sur l’élaboration d’un projet de chaire universitaire et de diplômes en summer camp. Travailler sur un diplôme implique énormément de réflexion en amont, car notre méthode consiste à faire intervenir les marques, les partenaires (RH, opérationnels…), la faculté avec les enseignants et nous, identité MMM, de manière à créer des modules qui puissent interagir avec les étudiants d’aujourd’hui.
Qui sont les étudiants d’aujourd’hui et qu’attendent-ils de ces formations aux métiers de la mode ?
A.V. Ce sont les « millennials » (génération qui échappent aux catégories), différents des étudiants d’il y a dix ans. On doit donc travailler sur des méthodes d’apprentissage et de pédagogie différentes. On utilise des méthodes de study case, c’est-à-dire qu’on veut mettre l’étudiant en immersion professionnelle, en travaillant en groupe car lorsqu’on est dans une entreprise, on ne travaille pas tout seul dans son coin. L’innovation réside dans le fait que l’on forme à cette nouvelle vision d’entreprise qui n’est plus de travailler en silo, séparé, avec chaque service confiné, mais de bénéficier de cet éclatement et de cette vision transverse entre les différents métiers de la mode. C’est ce qu’on a fait avec le Master. Un étudiant a la possibilité d’avoir de la communication, du sourcing, du retail, du digital, du marketing, chef de produit… Ainsi quand il décroche un poste, il est capable de comprendre ce qui se passe ailleurs. C’est ce qui fait aujourd’hui le succès de nos formations, licence et Master, avec 95% de taux d’insertion professionnelle. On veut pouvoir offrir aux étudiants l’excellence mais aussi l’accessibilité financière, (le Master est à 250 euros l’année). C’est tout cela que l’on va mettre en place avec les nouveaux diplômes, qui seront lancés en juillet 2019, avec des inscriptions en mars.
L’un des autres axes de la MMM, c’est la culture. Comment cette dimension s’intègre-t-elle aux formations ?
A.V. Cette dimension a toute son importance. La question est : comment forme-t-on cette nouvelle génération de créateurs ? Mais aussi comment être en capacité de porter des courants, en travaillant sur la géographie de la Méditerranée ? Il y a plusieurs courants qui ont été portés surtout par des écoles comme en Belgique ou au Japon. Nous, on a aussi cette envergure. On représente 19 pays dans lesquels il existe des formations comme Casa Moda Academy que l’on a co-créé au Maroc, une formation aux métiers créatifs de la mode tournée vers l’international. On veut fédérer et porter cette formation vers le haut aussi en Tunisie. Je suis également en contact avec le Shenkar College de Tel Aviv (école d’art et de design), et d’autres écoles de modes au Liban. Nous voulons montrer que nous ne sommes pas là pour faire les choses dans notre coin, mais là, pour qu’elles soient le plus populaires possibles et pour avoir le plus d’engagement, et donc forcément le plus de rayonnement.