Très mauvaise passe pour le groupe Bourbon. Après 12 années de procédures, de renvois et de contestations le procès s’est tenu à Marseille en mai dernier. Le verdict est tombé le 12 juillet : au vu de preuves intangibles dont l’indispensable valise de billets, les trois membres du directoire qui ont arrosé les responsables administratifs de trois pays africains pour échapper à des mesures fiscales ont été condamnés à de très lourdes peines. Naturellement, ils font appel, ce qui suspend l’exécution. Mais les faits sont, pour les magistrats phocéens, avérés, même s’ils intéressent plus la presse africaine ou bretonne que la presse française et marseillaise.
Au départ, un banal contrôle douanier permet de découvrir la bagatelle de 250 000 dollars en cash dans la valise de Marc Cherqui, ancien directeur fiscal, de retour d’une mission au Nigeria. Comme il ne veut pas être le lampiste de service, il sera le seul à reconnaître tardivement les faits de corruption et à en expliquer les modalités.
Le Télégramme raconte que « grâce à des messages retrouvés et figurant au dossier, les juges ont été convaincus que le groupe Bourbon ou ses partenaires avaient bien versé des pots-de-vin à l’occasion de redressements fiscaux au Nigeria, au Cameroun et en Guinée équatoriale en 2011 et 2012. Et que selon le tribunal, c’est bien au niveau du groupe que la décision était prise et le bénéfice attendu ». Ces décisions de verser des sommes illégales – plus de trois millions de dollars au total – précise le quotidien breton « étaient prises au sein du comité exécutif de Bourbon par ses trois directeurs généraux délégués de l’époque : Gaël Bodénès, Laurent Renard et Christian Lefevre qui sont ainsi désignés comme les « auteurs des infractions de corruption » ». Rien pour le président alors en exercice, Jacques de Chateauvieux. Selon Amélie Tulet de RFI le tribunal correctionnel de Marseille « estime qu’un système généralisé de corruption au sein de l’entreprise » n’est pas établi.
Interdiction de gérer
Sept cadres du groupe Bourbon ont donc été condamnés le 12 juillet 2024 par le tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de corruptions d’agents publics au Cameroun, au Nigeria et en Guinée équatoriale : 30 mois de prison avec sursis pour Christian Lefevre, ancien directeur général de Bourbon, 24 mois pour Gaël Bodénès et Laurent Renard, respectivement numéro un et ancien directeur adjoint qui sont de plus condamnés à l’interdiction d’exercer des mandats sociaux, gérer, diriger une société commerciale pendant trois ans. Les trois membres du comité exécutif du groupe devront également s’acquitter chacun d’une amende de 80 000 euros.
Une décision qui confirme des pratiques dénoncées par les militants et avocats des droits de l’homme en Afrique, mais qui tombe au plus mal pour un groupe qui est sous la tutelle de ses banques, BNP Paribas, Société générale, Natixis, Crédit mutuel et Crédit agricole, qui ont accepté de transformer leurs créances abyssales en participations, le tout sous la houlette de Jean Peyrelevade. La banque Lazard a été mandatée par la holding, la Société phocéenne de participations pour trouver un ou des repreneurs, car un des banquiers s’impatiente. Bourbon est de plus partenaire d’un des groupements candidats à la construction des éoliennes offshore de Fos. La condamnation ne pèse pas du bon côté.
Côté africain, l’avocat camerounais Akere Muna engagé dans la lutte contre la corruption, voudrait voir la justice et les autorités du Cameroun engager des poursuites contre ceux qui ont bénéficié de la corruption. « Il y a les corrupteurs dans cette affaire, mais aussi les corrompus au Cameroun, dit-il à RFI, qu’il faudrait poursuivre. »
Lien utile :
L’actualité du groupe Bourbon dans les archives de Gomet’