L’année 2016 a été marquée par la naissance de la Métropole au 1er janvier. En quoi cela a-t-il impacté le travail de l’Agam ?
Christian Brunner : Nous n’avons pas attendu la création de la métropole pour nous intéresser aux territoires voisins de l’agglomération marseillaise. Nous travaillons depuis longtemps sur des projets qui dépassent largement le cadre de l’ancienne MPM, voire du département. Mais effectivement, l’année 2016 a été charnière pour nous. On a essayé d’adapter nos méthodes pour ne plus travailler uniquement sur des études perspectives mais aussi de la pré-faisabilité. L’Agam n’est pas un bureau d’études, c’est un outil d’aide à la prise de décision pour les élus. On met de plus en plus en pratique nos analyses sur le terrain. D’ailleurs, nos travaux sur la métropole ont largement contribué à la construction de cette dernière.
Concrètement, sur quels dossiers métropolitains travaille l’Agam actuellement ?
C.B : Nous sommes en train de réaliser le plan de déplacement urbain (PDU) de la métropole mais en réalité, celui-ci va devoir suivre l’agenda de la mobilité qui a été présenté l’an dernier. Les travaux sur ce dossier se poursuivent toujours car il y a toujours des ajustements à faire pour coller aux réalités du terrain. Par exemple, des inspecteurs du gouvernement sont actuellement à Marseille pour produire un rapport qu’ils doivent rendre à la fin du mois de juillet et l’Agam est missionnée pour les accompagner dans leur travail. J’ai rencontré ces inspecteurs et nos techniciens écrivent des notes pour la mission et expliquent le projet en détail.
Après l’agenda de la mobilité, la Métropole a dévoilé son volet économique en mars dernier. Quel est votre rôle sur ce dossier ?
C.B : Nous nous sommes efforcés de décliner ce programme sur le plan urbanistique. Par exemple, l’agence est chargée de faire le schéma des implantations tertiaires et des lieux d’innovations. Les espaces de travail doivent être complètement repensés. Entre 10% et 13% des locaux construits en France sont dédiés à l’innovation. Exit le bureau classique, place au coworking, aux fablabs, aux accélérateurs… Cela a des conséquences directes sur l’avenir du territoire. Sur l’agglomération marseillaise, le quartier central d’affaires que devient Euroméditerranée est pleine expansion mais les élus souhaitent également conserver une activité de bureaux dynamique dans le centre historique afin de faire marcher les commerces et restaurants alentours. On décline ainsi l’agenda de développement économique avec différents documents comme le schéma de développement d’urbanisme commercial ou encore le schéma de l’enseignement supérieur et recherche en cours de rédaction.
Comment travaillez-vous sur la reconversion potentielle des territoires industrielles qui sont en perte de vitesse autour de l’étang de Berre ?
C.B : Nous travaillons sur les nouvelles économies et les nouveaux emplois engendrés par ces secteurs. On essaie d’anticiper sur un schéma potentiel de l’emploi en métropole d’ici dix ou quinze ans. Il est vrai que l’on voit un véritable basculement de l’économie productive avec des difficultés à Gardanne notamment. Si fermeture de sites il y a, nous donnerons une réponse sur le nouvelle répartition spatiale induite par les zones libérées. Il y aura une modification sur plus des deux tiers des emplois sur la métropole dans les quinze prochaines années. Cela implique une modification de l’urbanisme mais aussi de la formation, des transports… tout est intimement lié et nous essayons d’imbriquer toutes ces questions afin d’apporter une réponse systémique.
Les centres-villes de certaines villes moyennes du territoire voient également l’activité économique s’échapper pour les périphéries. Comment abordez-vous ce problème ?
C.B : Beaucoup de rapports sont parus sur la fragilisation des centres-villes sur le plan économique et commercial. L’Agam considère aujourd’hui qu’il s’agit de l’un des enjeux métropolitains. Il faut s’appuyer sur une armature forte des villes intermédiaires, environ huit qui comptent entre 20 000 et 45 000 habitants. Il faut renouveler les politiques publiques afin de relancer l’activité commerciale, agir sur les espaces publics, lutter contre les logements vacants, le maintien des emplois tertiaires dans les centres urbains. Nous avons déjà commencer le travail sur Aubagne qui vient d’inaugurer une première partie de la rénovation du centre. Miramas a également fait des choses grâce à l’appui de la caisse des dépôts. L’un des grands enjeux de l’urbanisme métropolitain sera l’affirmation du rôle des centres. Ces trente dernières années, 70% du développement des villes s’est fait extra-muros. Il faut inverser la tendance avec un objectif de rééquilibrer à 50/50 environ. Le système économique a créé des divergences entre les périphéries et les centres-villes à cause de différences de coûts énormes. C’est aux politiques publiques de renverser cette tendance. On observe qu’il y a de plus en plus de commerces dans les zones d’activités périphériques, c’est une hérésie. Le bureau doit également être placé dans des centralités urbaines.
Pour l’heure, chacun des territoires de la Métropole travaillent avec leurs propres documents d’urbanisme. Comment comptez-vous harmoniser les règles du jeu ?
C.B : Nous travaillons actuellement sur le plan local d’urbanisme intercommunale (PLUI) du territoire Marseille-Provence qui compte dix-huit communes. Six d’entre elles en sont toujours au plan d’occupation des sols mais avant le 1er janvier 2018, la loi nous oblige à adopter un document commun sous peine de tomber sous le règlement national d’urbanisme pour les villes n’ayant pas de PLU. Nous nous réunissons régulièrement avec les maires pour trouver les meilleurs arrangements et le calendrier devrait être tenu. Au niveau métropolitain, on va se doter du plus grand schéma de cohérence territorial (Scot) de France d’ici 2022. Actuellement, il en existe cinq et nous allons devoir les regrouper en un seul et unique document. Ça n’a jamais été fait. En analysant les Scot existants, on découvre des documents de préférence territoriale avec peu d’intérêt pour les zones voisines. Il va falloir changer de paradigme pour faire converger les intérêts de chacun sur un immense territoire. Cela va être la même chose avec les PLH qui vont passer de six à un. Nous sommes en train de faire un pointage précis sur les habitations qui nous permet de détecter que le solde migratoire est négatif. Il faut donc que les politiques publiques permettent d’attirer une nouvelle population et de la fidéliser. Ça appelle des stratégies d’alliance entre les territoires de la métropole, voire même plus loin.
Ces alliances vont-elles donner naissance à de nouveaux outils ? Va-t-il y avoir des rapprochements entre les agences ?
C.B : Au 1er janvier 2019, les deux agences d’urbanisme de la métropole, l’Agam et l’Aupa (agence d’urbanisme du pays d’Aix) vont devoir fusionner. Concrètement, nous travaillons déjà ensemble et cette collaboration va s’accélérer dans les mois qui viennent. À terme, les 70 salariés de l’Agam et les 15 de l’Aupa vont être regroupés au sein d’une seule et même agence qui travaillera sur tout le territoire métropolitain. Il faudra également trouver des personnes compétentes sur les autres territoires qui n’ont pour l’instant pas d’agence d’urbanisme. Mais au-delà de la métropole, nous travaillons de plus en plus à l’échelle régionale. Nous avons signé la plus grosse convention de coopération entre les quatre agences de la région -Agam, Aupa, Audat, Aurav- et le Conseil régional avec plus de 1 000 jours de travail effectués et une subvention de près 700 000 euros par an alloués aux travaux. On a appris à se connaître car la Région n’avait pas l’habitude de travailler avec des partenaires comme nous. Auparavant, ils passaient des commandes à des bureaux d’études. Ce partenariat commence déjà à porter ses fruits. Nous allons bientôt publier un atlas des cent villes moyennes de la région sur lesquels pourront s’appuyer leurs équipes pour mieux orienter les aides et les appuis à apporter aux centres de ces communes. On travaille également sur la notion de services dans les pôles d’échanges. Il ne s’agit plus d’avoir uniquement un quai, un abri et de la lumière la nuit. On considère désormais qu’ils peuvent être des lieux de création, avec beaucoup de numérique, des activités commerciales et économiques…