C’est un mauvais film qui semble se répéter en boucle depuis deux ans maintenant. Lors d’un point presse organisé mercredi 22 décembre plusieurs professionnels de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont dressé un état des lieux critique de la situation sanitaire dans le département : à trois jours de Noël, la situation sanitaire dans la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Département des Bouches-du-Rhône continue ainsi de se dégrader, avec un taux d’incidence à 890 contaminations pour 100 000 habitants (contre 180 l’an dernier à la même période). Les hospitalisations, elles aussi, ont explosé, avec 1440 admissions en une semaine, soit le double de ce qui était observé à la même période l’an dernier. Alors que la cinquième vague frappe le pays depuis trois mois maintenant, l’arrivée du variant Omicron n’arrange rien et fait redouter une circulation plus accrue du virus, cette mutation du Sars-cov2 étant davantage contagieuse. A ce jour, à l’IHU, « 167 personnes ont été testées positives au variant Omicron », assure ainsi Pierre Edouard Fournier, professeur à l’institut dirigé par Didier Raoult.
Pour éviter la saturation de ses services, l’AP-HM a déclenché lundi 20 décembre le palier 5 de son plan blanc, avec l’ouverture de lits de réanimation supplémentaires et la déprogrammation de toutes les opérations non urgentes. Un tri réalisé « par une cellule de déprogrammation, sur la base d’éléments médicaux». « Nous n’excluons pas d’activer les paliers supplémentaires si la situation se dégrade encore », prévient Gilles Kaplanski de l’hôpital de la Conception . En effet, le plan blanc de l’AP-HM comprend sept paliers pour permettre aux services de s’adapter. Les paliers 6 et 7 permettent d’ouvrir encore davantage de lits de réanimation. « C’est un plan rôdé qui parvient à contenir la vague actuelle. Cependant, nous devons être vigilants à l’approche des fêtes », prévient Jean-Claude De Haro, chef de service cardiologie à la Timone.
Cinq évacuations de patients vers d’autres régions
La situation est telle que l’AP-HM a repris depuis peu les « Evasan », à savoir les évacuations de patients vers d’autres régions de France. « Nous en avons déjà réalisées deux vers la Bretagne et en Île-de-France et trois autres sont prévues », détaille Laurent Papazian, chef de service réanimation à l’hôpital Nord. « Le problème est que la saturation des services de réanimation touche toutes les régions de France. Cette nuit, nous avons eu un appel de la Corrèze qui cherchait des places covid … » relate le professeur Richard Nicollas, directeur médical de la crise covid.
86% des malades en réanimation sont des personnes non vaccinées
Les professionnels de santé de l’AP-HM présents lors de la conférence – urgentistes, chefs de services, épidémiologistes, … – sont unanimes : « il faut à tout prix se vacciner ». Bien que l’arrivée d’Omicron remette en cause l’efficacité du vaccin, qui ne serait efficace qu’à 75% face à ce nouvel arrivant, qui comporte pas moins de 32 mutations par rapport au virus originel ( à titre de comparaison, le variant Delta en comprend 16). Dans les services de réanimation, on observe ainsi que « 95% des malades sont des personnes non vaccinées ou n’ayant reçu qu’une seule dose », selon Lionel Velly, chef de service réanimation à la Timone. Plus précisément, l’APHM relève que 86% des malades en réanimation sont non vaccinés. Si certains malades vaccinés atterrissent également en réanimation, « il ne représentent qu’un pourcentage infime et leur durée moyenne de séjour en réa est bien inférieure à celle des personnes non vaccinées », souligne Lionel Velly.
L’enjeu de la vaccination est de taille, surtout qu’elle peine toujours à progresser dans plusieurs quartiers de Marseille. Quatre arrondissements de Marseille sont 30 points en dessous de la moyenne nationale de vaccination (fixée à 77%) : le 3e, le 14e, le 15e, et le 16e. Les mesures envisagées par le Gouvernement, comme le remplacement du pass sanitaire par un pass vaccinal et une éventuelle obligation de ce pass en entreprise, ont pour but d’inciter encore davantage à la vaccination.
A l’AP-HM, on est d’autant plus inquiet que la pénurie de personnels frappe l’hôpital. A ce jour, pas moins de 40 000 heures supplémentaires ont été effectuées, un montant qui correspondrait à l’embauche de 100 professionnels supplémentaires à temps plein … « Les équipes sont fatiguées, avec un sentiment généralisé de lassitude et de résignation » alerte Jean-Luc Jouve, chirurgien pédiatre et président de la commission médicale de l’APHM. Afin d’éviter de nouvelles pertes dans les effectifs, des mesures nationales ont été mises en place notamment le doublement de la rémunération des heures supplémentaires.
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