L’éditeur de jeux vidéos marseillais PixelHeart vient de lever 15 millions de dollars pour son nouveau projet « Cross the Ages ». Ce jeu de cartes digital, construit autour d’un univers fantastique, s’appuie sur le système des cryptomonnaies pour permettre aux joueurs de gagner de l’argent en jouant.
Depuis ses locaux de la rue Fongate dans le 6e arrondissement de Marseille, Sami Chlagou ambitionne de conquérir le nouveau marché des jeux blockchain en ligne. En quelques années, le monde vidéoludique est passé du jeu payant au jeu gratuit et propose désormais aux joueurs de gagner de l’argent en s’adonnant à leur passion. La société PixelHeart suit le mouvement et va lancer, en avril prochain, le premier jeu de cartes à collectionner en ligne permettant de remporter des cryptomonnaies.
Un « multivers » construit avec des grands noms du fantastique
Cross the ages est tout d’abord un nouvel univers entre heroic fantasy et science-fiction. PixelHeart a fait appel à de grands noms de la littérature fantastique comme Arnaud Dollen (Surnaturels) ou Alain Damasio (La horde des contrevents, Les furtifs…) pour écrire une série de romans plantant le décor. Le premier tome est déjà disponible sur le site et les cinq autres suivront dans les semaines qui viennent. Cet univers se décline ensuite en cartes à jouer, représentant les personnages répartis en diverses factions à l’mage du jeu « Magic » des années 90. « Ce sont des oeuvres uniques réalisées par de très grands illustrateurs ayant collaboré pour Marvel, DC Comics, Avatar… », avance Sami Chlagou. Chacune de ces cartes est protégée par un titre de propriété intellectuelle et certifiée par des « Non-fungible Token », les jetons non-fongibles, des actifs cryptographiques dont la valeur atteint parfois des sommes vertigineuses. « Cela permet de protéger et de valoriser le travail des artistes, explique le patron de PixelHeart. Mais avec ce système, les joueurs pourront également gagner de l’argent en jouant car la valeur de leurs collections augmentera en même temps que la communauté se développera ».
Le teaser de Cross the Ages dévoilé en octobre :
La nouvelle économie virtuelle des jeux blockchain
Cross the Ages s’inspire du phénomène Axie Infinity. Ce jeu aux airs de Pokemon est passé de 500 joueurs au demi-million en moins de deux ans. Une véritable économie virtuelle a pris forme autour de ce jeu qui peut récolter jusqu’à 200 millions de dollars de frais sur sa plateforme en un mois. Les revenus sont redistribués aux joueurs qui pour certains gagnent plus que le Smic horaire français et bien plus que le salaire moyen dans les pays les plus pauvres. Aussi, Axie Infinity s’est taillé une belle réputation en Asie du Sud-Est. Et les montants des transactions ne cessent de s’envoler. Le mois dernier, une parcelle de terrain dans le jeu s’est vendue à 2,5 millions de dollars. Mais le ticket d’entrée pour démarrer Axie Infinity reste élevé, à plusieurs centaines de dollars. Avec Cross the Ages, Sami Chlagou veut démocratiser les jeux blockchain : « Il sera possible de commencer avec quelques centimes. Je veux que tout le monde puisse jouer sans investir des sommes faramineuses », assure-t-il.
La présentation du projet Cross the Ages par Sami Chlagou au Global Blockchain Congress de Dubaï en juin 2021 :
Une première levée de 15 millions de dollars en crypto
Convaincu de l’avenir de cette nouvelle génération de jeu, Sami Chlagou a sollicité le marché pour lever l’argent nécessaire à la finalisation de Cross the Ages. Si le projet est bien développé à Marseille chez PixelHeart, la société du jeu a été créée à Singapour et c’est sur cette entité que le jeune entrepreneur a récolté 15 millions de dollars en token en seulement six mois. Cette levée de fonds virtuelle lui permet de payer les artistes et les développeurs sans pour l’instant ouvrir son capital. Pour autant, cette phase n’est pas écartée et une opération de capital-investissement est envisagée dans les mois qui viennent. Pour mener à bien ce projet, Sami Chlagou s’est associé avec des spécialistes du financement comme le banquier d’affaires Richard Estève et Christophe de Courson, fondateur de plusieurs sociétés de capital-investissement (Olymp Capital, Mensis capital). Sur le potentiel de chiffre d’affaires de Cross the Ages, il préfère rester discret pour le moment. « On a un business plan ambitieux mais je ne voudrais pas m’avancer trop », se contente-t-il de répondre. En attendant, il continue de développer son activité historique de vente et de développement de jeux vidéos.
Des brocantes au développement de ses propres jeux
L’aventure vidéoludique de Sami Chlagou a démarré modestement au début des années 2010. Après une première expérience dans la production au cinéma, le passionné écume les brocantes, les vide-greniers à la recherche de vieux jeux et consoles qu’il revend sur internet. Après l’occasion, il découvre le marché des invendus dans les grandes surfaces et les magasins spécialisés comme la Fnac et Virgin à l’époque. En 2013, au moment de la fermeture de Virgin, il rachète une très grosse partie du stock du magasin de Plan-de-Campagne et multiplie sa mise de départ par dix en quelques heures. Un premier succès qui lui permet de créer sa première société Free Agent qui va rapidement faire des petits. Deux ans plus tard, il décide de se passer des intermédiaires commerciaux pour lancer sa propre plateforme de vente privée « Rush On Game » : « Aujourd’hui, nous sommes leader sur ce créneau en Europe », assure Sami Chlagou. Petit à petit, il parvient à convaincre les grands éditeurs japonais de lui confier des volumes. Il signe ses premiers accord avec Bandaï-Namco et Capcom en 2016. Mais Sami ne veut plus se contenter de vendre les jeux, il veut créer ses propres licences et lance en 2017 son premier studio de développement PixelHeart qui mise sur la réhabilitation d’anciens jeux.
Rachats de studios en chaîne
Pour commencer, PixelHeart s’est intéressé aux anciennes consoles vintage comme la Megadrive de Sega ou la Super Nintendo : « Beaucoup de monde ont toujours ses plateformes mais plus aucun nouveau jeu ne sort. Je me suis rendu compte que le public était prêt à payer cher pour de nouvelles licences », raconte Sami Chlagou. Et dans la foulée, il rachète son premier studio, le français Storybird, qui est l’un des rares à avoir l’agrément Nintendo qui lui ouvre les portes des consoles nouvelles générations. Il connaît ainsi ses premiers succès commerciaux avec Guns of Mercy et Finding Terry, deux jeux qui atteignent la barre du million d’unités vendues. Une validation de sa stratégie de développement par croissance externe. PixelHeart multiplie donc les acquisitions avec le hongrois Intuitive en 2018, le japonais Visco en 2019, le britannique Elite et enfin, le mois dernier le studio Straterra spécialisé dans les jeux pour Switch. En quatre ans, le marseillais compte à son actif une cinquantaine de jeux pour un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros.
Un tiers-lieu sur les jeux vidéos attendu en 2022
Sami Chlagou a grandi à Marseille, en plein centre-ville. Aussi, il est particulièrement attaché au quartier où il travaille. Depuis ses premiers locaux rue Fongate, il s’est rapidement développé tout autour en rachetant les fonds de commerce voire les immeubles voisins. Il en possède cinq aujourd’hui. Dernier en date, il vient de reprendre un édifice abandonné qui appartenait à la ville au 32 bis. Il va réhabiliter les 1 500 mètres d’espaces pour en faire un tiers-lieu dédié au jeu vidéo avec du coworking, une école du code, un laboratoire de R&D pour les start-up locales du digital… ce nouvel espace sera ouvert au public dans le courant de l’année prochaine.